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Prévention des conflits liés aux Ressources naturelles: Après la recherche, la formation

La prévention et la gestion des conflits liés aux ressources naturelles figurent parmi les axes prioritaires d’intervention du Gorée Institute, Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique. En effet, pour le Gorée Institute, les ressources naturelles ne sont pas en elles-mêmes des facteurs de conflit. Autrement dit, ce n’est pas la simple présence des ressources naturelles sur le continent qui pose problème, mais c’est la façon dont elles sont gérées. Ce sont surtout les actions et les comportements humains s’y rapportant qui peuvent constituer des menaces à la paix et la sécurité. Conformément à son mandat, le Gorée a mis en place le projet « Ressources Naturelles et Prévention des Conflits » qui poursuit les trois objectifs prioritaires ci-dessous :

1)      Le premier consiste à clarifier certaines notions fondamentales de la relation entre ressources naturelles et conflits, par le biais de la présentation de l’évolution du positionnement des différents acteurs vis-à-vis de cette problématique.

2)      Le second consiste à appliquer ce travail conceptuel à la réalité conflictuelle que connaît actuellement l’Afrique de l’Ouest au travers d’un panorama des principaux « points chauds » de l’espace CEDEAO.

3)      Le troisième consiste à délimiter, sur la base des cas empiriques tirés des contextes sociopolitiques d’Afrique de l’Ouest, quelques opportunités et zones d’action créées par les ressources naturelles pour améliorer l’efficacité des différentes initiatives d’assistance internationale dans les domaines de la paix et du développement.

Ce projet a démarré par une réflexion, puis une étude approfondie sur le terrain en septembre 2013 qui a permis d’identifier les causes structurelles des conflits dans les communautés extractives des quatre pays de l’Union du Fleuve Mano (Sierra Leone, Liberia, Guinée et Côte-d’Ivoire). Cette étude a généré de la connaissance sur le lien entre les ressources naturelles et les conflits, avec une documentation des meilleures pratiques, tout en identifiant les facteurs de risque et les mécanismes permettant de les réduire. À travers cette recherche, le Gorée Institute a pu évaluer les dynamiques et les questions clés relatives à la prévention des conflits et la consolidation de la paix dans les pays ciblés.

Cependant, le travail du Gorée Institute ne pouvait se limiter à cette phase théorique, d’autant plus que la plupart des recommandations formulées dans le rapport de recherche demandent une intervention rapide et efficace. C’est à cette fin précise que le Gorée Institute a organisé le présent atelier à l’intention d’une quinzaine de participants en provenance de 07 pays d’Afrique de l’ouest : Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal. L’atelier avait pour thème : « Vaincre la malédiction des ressources naturelles pour construire la paix en Afrique de l’Ouest ».

1.1. Bénéficiaires

Les bénéficiaires sont issus pour l’essentiel des OSC et ONG de veille à la transparence dans la gestion des ressources naturelles en Afrique de l’ouest. Ils ont été sélectionnés sur dossiers, suivant le principe de rigueur qui exigeait que les participants soient des acteurs des OSC et ONG locales ouest africaines, ayant capitalisé une expérience d’au-moins deux ans dans le domaine de la prévention et la gestion des conflits ; la consolidation de la paix ; le développement durable ; la gestion de ressources naturelles ; la RSE (responsabilité sociale des entreprises), notamment des industries extractives en Afrique de l’ouest.

1.2. Facilitateurs

Le facilitateur principal, Monsieur Virgile AHYI est un Docteur en sciences pharmaceutiques et Biologiques, il est actuellement le vice Président et le Directeur de Recherche et Innovation à IRGIB-Africa University. Membre du conseil d’administration de l’Institut International pour le développement et la paix, section française, et chef de mission du Bureau Régional de Sûreté Industrielle (OICDE), Dr AHYI a effectué de multiples recherches et études en rapport avec les ressources naturelles et la prévention des conflits. Depuis 2007, Dr AHYI est consultant en analyse et qualité auprès du Ministère de l’Energie, de l’eau et des Hydrocarbures du Bénin et au Consortium des Entreprises Importatrices de Produits Pétroliers (SONACOP, Octogone, Bénin Pétro, Oryx, Pétroleum, RITIS Pétroleum, Phoenix Petroleum, SOPETRO). Le facilitateur associé, Monsieur Roland Clotaire QUENUM a quinze années d’expériences dans le domaine de la formation et de l’assistance juridique.

1.3. Méthodologie

Sur le plan méthodologique, les facilitateurs ont adopté la méthode participative et interactive afin de stimuler des discussions et le partage d’expériences entre des participants, tout en s’assurant de la  prise en compte des expériences particulières et des différents contextes nationaux voire locaux. Cette méthode interactive a permis à chaque participant de mieux comprendre les enjeux liés au thème de l’atelier mais surtout d’appendre des expériences partagées. Au terme de chaque session, des débats ouverts ont eu lieu autour des questions de compréhension des notions de conflit et de paix ; de la typologie des ressources naturelles ; des types de conflits et leurs causes, les acteurs des conflits liés aux ressources naturelles et les foyers de tension régionaux ; etc. Les différentes sessions ont été accompagnées d’exercices pratiques et des jeux de rôles : à travers leurs restitutions, les participants ont montré leur aptitude à pouvoir identifier, prévenir et gérer ces conflits dans leur pays respectifs ou alerter des institutions locales, nationales, régionales et internationales compétentes en la matière. En définitive, cette méthode de facilitation a permis de stimuler la pensée critique et indépendante des participants.

2.       Rappel des objectifs de l’atelier

2.1. Objectif général

L’objectif global de cette formation a été le renforcement des capacités des acteurs des Organisations de la Société Civile (OSC) présents dans l’analyse et la prévention des conflits liés aux ressources naturelles en Afrique de l’Ouest.

2.2. Objectifs spécifiques

Plus spécifiquement, il s’agissait d’amener les participants à :

Ø  Assimiler et approfondir les notions élémentaires et les outils appropriés à une compréhension et une analyse des conflits liés aux RN ;

Ø  Faire une cartographie des conflits liés aux RN en Afrique de l’ouest ;

Ø  Connaître les signes avant-coureurs (ou signes précurseurs) et les mesures pour prévenir les conflits liés aux RN ;

Ø  Identifier les acteurs clefs dans les conflits liés aux RN en Afrique de l’ouest ;

Ø  Etudier des cas pratiques de conflits liés aux RN en Afrique de l’ouest ;

Ø  Définir avec les participants les mesures à prendre pour prévenir les conflits liés aux RN ;

Ø  Elaborer une stratégie d’alerte précoce des conflits liés aux RN (analyser les signes précurseurs ou actions, attitudes, comportements et agissements qui peuvent caractériser un conflit latent)

3.       Déroulement de l’atelier

La session de formation s’est déroulée en trois parties, coïncidant ainsi avec les trois jours de l’atelier :

3.1. Le premier jour

La session du premier jour visait à clarifier certaines notions fondamentales liées aux ressources naturelles, par le biais de la présentation de l’évolution du positionnement de ces différentes ressources sur le continent en général et sur la région ouest africaine en particulier. Pour faciliter les travaux de l’atelier, il a fallu commencer par s’accorder sur les définitions des notions « ressources naturelles », « conflit » et « paix », pour lever les équivoques sur les variations terminologiques et parler le même langage pendant les trois jours.

Suite à la présentation du facilitateur, le premier exercice a porté sur le classement et la hiérarchisation des Ressources naturelles. L’expression « malédiction des ressources naturelles », a été utilisée pour mettre en exergue l’impact négatif des richesses du sous sol des pays en développement sur trois plans : (1) la performance économique ; (2) le risque de guerre civile ; (3) le fonctionnement des institutions et la gouvernance.

Cette première session a fait l’état des lieux de la paix et des conflits en Afrique de l’ouest, en présentant une situation sociopolitique appliquée à un tel schéma. Ces brefs rappels conceptuels, et la réalité conflictuelle que connaît actuellement l’Afrique de l’Ouest au travers d’un panorama des principaux foyers de tension encore appelés « point chauds » régionaux, permettent de déboucher sur la quintessence même du travail à mener sur le terrain pour éviter la dégénérescence des tensions en conflits violents.

3.2. Le deuxième jour

La session du deuxième jour visait a porté sur l’analyse des différentes dynamiques conflictuelles à l’œuvre en Afrique de l’Ouest à la lumière des liens avec les ressources naturelles qu’elles expriment. Dans un premier temps, les facilitateurs et les participants se sont penchés sur les conflits de la zone du Golfe de Guinée comprenant, le Nigeria, le Libéria, la Sierra Leone et la Côte d’Ivoire. Il est ressorti de la présentation du facilitateur et des discussions qui ont suivies que ceux-ci sont parmi les guerres civiles et conflits internes qui ont probablement le plus contribué à faire connaître le rôle du trafic de ressources naturelles, comme le diamant et le pétrole, dans le déclenchement et l’alimentation de violences armées. Dans un second temps, c’est la zone sahélo-saharienne qui a été passé au peigne fin. La plupart des conflits et tensions dans cette zone illustrent bien l’importance de la variable environnementale dans l’explosion de violences. Il s’agit plus particulièrement des conflits agro-pastoraux, de la rébellion touareg de 2012 au Mali.

3.3. Le troisième jour

La session du troisième jour revient sur les enseignements tirés des deux jours précédents, permettant ainsi d’envisager ensemble des opportunités et champs d’actions qu’offrent les politiques de gestion des ressources naturelles pour la prévention des conflits et la construction de la paix. Il s’est agi d’élaborer des plans d’action de prévention des conflits par pays ou zone d’intervention des organisations représentées, en mettant en exergue tous les acteurs sensibles. Pour y arriver, il a fallu parcourir quelques pistes générales et « zones d’opportunités » pour l’action de paix dans un cadre de violences liées aux ressources naturelles. Trois lignes de réflexion s’ouvraient dès lors :

1)      Ce qu’il est possible de faire « sur place ». Quel soutien peut être apporté aux politiques locales et selon quelles modalités ?

2)      Quelles initiatives peut-on mettre en œuvre ailleurs que dans la zone de conflit ? Quelles politiques peuvent être mises en œuvre au niveau international qui aient un impact positif sur un conflit particulier ?

3)      Comment articuler les deux premières questions ? Comment coordonner les actions prises dans un cadre local avec celles prises dans un cadre international ? Comment coordonner les différentes actions mises en place à un même niveau ? En bref, quelle articulation trouver aux différentes initiatives existantes ?

Pour lever toute ambigüité et éviter tout amalgame, le facilitateur a revenu dans sa synthèse sur certains points importants. Par exemple, il a insisté sur le fait que les conflits liés aux ressources sont très différents les uns des autres. Leurs particularités et leurs ancrages locaux imposent à tout acteur ou observateur, interne ou extérieur, une analyse différenciée avant de mettre en œuvre une politique ou une action déterminée. Les jeux des élites, les structures de commerce et d’investissements intra-étatiques ou encore les transformations environnementales locales sont autant de facteurs différant d’un contexte à l’autre devant nécessairement être inclus dans un projet de construction de la paix pour que ce dernier soit efficace. Chaque pays ou région émergeant d’un conflit a sa propre histoire ainsi qu’un environnement politique, économique, social et naturel particulier, et ces facteurs déterminent l’applicabilité, la priorisation, et l’efficacité de toute forme de gestion des ressources naturelles comme approche de construction de la paix. Dans un tel cadre, les acteurs nationaux et internationaux engagés dans des actions de paix doivent développer plusieurs types d’initiatives « de terrain », par lesquelles ils soutiennent ou mettent eux-mêmes en œuvre des politiques locales.

4.       Résultats obtenus

Les exercices proposés et les restitutions des participants, les contributions aux débats suscités par les différentes sessions, ont permis d’aboutir à des résultats immédiats suivants :

Ø  Assimilation et approfondissement des notions élémentaires et les outils appropriés à une compréhension et une analyse des conflits liés aux RN ;

Ø  Meilleure connaissance des signes avant-coureurs (ou signes précurseurs) et des mécanismes de prévention des conflits liés aux RN ;

Ø  Elaboration d’une cartographie des conflits liés aux RN en Afrique de l’ouest ;

Ø  Identification des acteurs clefs dans les conflits liés RN en Afrique de l’ouest ;

Ø  Etudes de cas pratiques et élaboration d’une typologie des conflits liés aux RN en Afrique de l’ouest ;

Ø  Adoption de mesures à prendre pour prévenir les conflits liés aux RN ;

Ø  Elaboration d’une stratégie d’alerte précoce des conflits liés aux RN (analyser les signes précurseurs ou actions, attitudes, comportements et agissements qui peuvent caractériser un conflit latent) ;

5.       Recommandations

Au terme des trois jours d’échanges sur le thème, les participants ont formulé les recommandations suivantes à l’intention des gouvernements, des PTF, des OSC et ONG nationales et internationales :

Ø  Soutenir les politiques locales ;

Ø  Favoriser la cohésion des initiatives législatives et réglementaires internationales ;

Ø  Dynamiser la coordination et la synergie des actions ;

Ø  Impliquer les communautés concernées dans la gestion des ressources naturelles ;

Ø  Instaurer l’équité et la transparence dans les termes d’échanges ;

Ø  Organiser des fora réguliers réunissant tous les acteurs ;

Ø  Eduquer les populations pour repousser les barrières de l’ignorance ;

Ø  Former et renforcer les capacités des cadres intervenants dans le cadre du secteur ;

Ø  Mettre en place un code de conduite des OSC ;

Ø  Aller vers la professionnalisation des OSC ;

Ø  Créer un centre de recherche intégré et de gestion de base de données des Ressources Naturelles ;

Ø  Mettre en place un réseau d’alerte précoce pour vaincre les malédictions des RN pour construire la paix en Afrique de l’ouest ;

Ø  Promouvoir le partenariat entre les OSC du nord et du Sud ;

Ø  Renforcer le contrôle citoyen d’élection public par les OSC.

Vu l’importance de la question de la paix dans le domaine des ressources naturelles, les participants et les facilitateurs ont émis l’idée d’en faire une bonne feuille de route pour rendre exécutoire les recommandations au sortir de l’atelier. Ainsi, la mise en place d’un système d’alerte précoce s’impose nécessairement pour aboutir à un bon résultat. Quelques cas de système d’alerte ont été cités : exemple de la CEDEAO, d’Amnesty International, des pays comme le Mali, le Niger, le Sénégal et la Guinée.