Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique
Source: www.guineeconakry.info
Dans le Cadre de la mise en place de sa mission d’observation électorale
intitulée, “la Case de veille”, la Coalition des femmes et filles de Guinée pour
le dialogue, la Consolidation de la paix et le développement (COFFIG/DCPD) a
sollicité l’accompagnement technique de l’institut de Gorée, une organisation
panafricaine d’intérêt public qui travaille sur la démocratie, le développement
en Afrique. Notamment sur les questions liées au processus politiques, à la
démocratisation et à la gouvernance. Sans oublier les questions liées à la paix
et à la sécurité en Afrique de l’ouest. A la veille du rendez-vous politique
crucial de ce samedi 28 septembre 2013, GuinéeConakry.info s’est entretenu avec
le directeur exécutif de cet institut. Avec M. Doudou Dia, il a été bien entendu
question de la Case de veille mais aussi son point de vue d’observateur, de chercheur et d’analyste par
rapport au processus électoral guinéen dans son ensemble….
GuineeConakry.info : Vous (Gorée institut) êtes associé à l’initiative de la Case de veille de la COFFIG en Guinée. En quoi consiste concrètement votre part de contribution dans cette initiative ?
Doudou Dia : Dans l’initiative de la Case de veille de la Coalition des femmes et filles de Guinée (COFFIG), le Gorée Institut vient en appui, en accompagnement technique. D’abord pour renforcer les capacités des femmes. C’est à ce titre que nous avons formé les 600 m observateurs, les 60 moniteurs de la violence ainsi que les 45 analystes. Ensuite, nous intervenons dans la mise en place de cette plateforme appelée Case de veille, c’est-à-dire la mise en place des trois chambres (politique ou de décision, d’analyse et technique). Au sein notamment de la chambre technique, nous sommes responsables de la mise en place du volet technologique. En fait, du point de vue technique, nous intervenons à toutes les étapes du processus de la mise en place de cette Case de veille. A titre d’exemple, nous travaillons d’un point de vue technique autour de toutes les déclarations qui sont faites depuis le lancement et continuerons ainsi jusqu’au 30 septembre avec la déclaration provisoire. D’un point de vue politique, nous sommes également intervenus dans la phase de consultation que la Coalition a eue avec toutes les parties prenantes du processus (CENI, ministère de l’administration du territoire et de la décentralisation, quelques partis politiques, les autres missions d’observation, la communauté internationale, etc)
GCI : En tant que partenaire de l’initiative Case de veille, comment l’appréciez-vous ?
D. Dia : Je pense tout d’abord qu’il y a une forte mobilisation autour de cette initiative. Parce que notre accompagnement se situe à trois niveaux ou trois M. D’abord, il y a le monitoring avec le déploiement des observateurs et des moniteurs de la violence. Ensuite, c’est la mobilisation pour que les femmes puissent servir d’outil de plaidoyer pour que le maximum de citoyens puissent accomplir leur droit de vote et ainsi garantir la liberté de choix. Le troisième aspect, c’est au niveau de la médiation pour mettre en place un groupe de contact et un groupe de pression. Le groupe de contact qui jouera le rôle de facilitation et le groupe de pression celui de lobbying pour qu’on puisse au moins participer à la pacification de l’espace politique.
GCI : L’objectif que vise la Case de veille est de réussir des élections législatives dans un climat apaisé, pensez-vous qu’elle sera en mesure de relever le défi ?
D. Dia : L’objectif est certes des élections apaisées. Mais pour qu’elles soient apaisées, il faut travailler de manière à ce qu’elles soient libres et équitables. Et pour qu’elles soient libres et équitables, il faut garantir la liberté d’expression, la liberté du vote, le secret du vote, etc. Donc, le préalable, ce sont des élections libres et équitables. Mais à côté, il y a bien sûr un travail d’apaisement et de pacification de l’espace politique. C’est dire qu’il faut une combinaison de ces deux éléments pour aboutir à des élections démocratiques. Donc, c’est ce travail préalable que nous faisons .Mais faudrait-il aussi dire que c’est une initiative parmi tant d’autres. Ce qui suppose que l’atteinte de l’objectif ultime que constituent des élections apaisées dépendra de la synergie entre tous les acteurs impliqués dans le processus : institutions internationales et nationales, société civile, partis politiques, etc. Tous doivent s’engager vers cet idéal qu’est la paix dans ce pays. Donc, l’initiative de la COFFIG constitue un maillon d’une chaine. Aucun maillon ne doit se briser. Si un maillon de la chaîne se brise, cela veut dire que quelque part, les efforts sont anéantis.
GCI : Vous dites que la garantie pour une élection apaisée réside dans la transparence, l’équité et l’honnêteté du scrutin. Mais il se trouve que l’initiative de la COFFIG ne couvre ni le dépouillement, ni la centralisation des résultats… ?
D. Dia : Ecoutez, nous sommes dans l’observation. L’observateur n’est ni un contrôleur, ni un superviseur. Et c’est à tous ces aspects que je faisais allusion quand je parlais tout de suite d’une chaîne à plusieurs maillons. Les responsables de la CENI peuvent être des contrôleurs ou des superviseurs. A ce titre, ils peuvent donner des instructions pour que les choses puissent changer. Mais un observateur n’a pas ce droit. Observer se résume à regarder, voir, noter et remonter. Du coup, dans le contexte de ces élections, chaque maillon à un rôle spécifique. Pour les observateurs que nous sommes, il s’agira donc de constater les dysfonctionnements ou les irrégularités et les remonter au niveau de la Case de veille. Case de veille dans laquelle, il y a des décideurs qui pourraient prendre contact avec les autorités pour qu’au jour du scrutin des améliorations ou des correctifs soient apportés. Donc, voilà un tout petit peu l’idée. C’est une observation citoyenne. Mais faudrait-il encore que par rapport à ce contexte électoral, il puisse y avoir suffisamment d’éléments d’informations (l’accès des citoyens/électeurs à l’information). Il faut donc qu’on puisse travailler pour que la voix du citoyen prime sur tout.
GCI : Au-delà de l’accompagnement technique du Gorée institut à la Case de veille, vous êtes quand même en Guinée depuis quelques jours dans le contexte électoral que nous vivons aujourd’hui, quels sont vos constats, quelles sont vos appréciations d’ordre général ?
D. Dia : Les observations générales nous ont permis de constater une première étape de campagne apaisée. Mais depuis environ une semaine, on a malheureusement été amené à constater par-ci, par-là quelques poches de violence. C’est d’autant plus regrettable qu’il ne faut pas faire croire qu’en Afrique, les élections sont de nature conflictogène. Les élections ne doivent pas constituer un événement, mais une étape dans un cycle électoral. C’est dire que quelque part l’aspect prospective, il est important parce qu’il faut que nos Etats s’intègrent dans une dimension institutionnelle. C’est dire que les étapes du cycle électoral dont la définition du cadre juridique, la planification et la mise en œuvre, les étapes liée à l’enregistrement des électeurs puissent se faire en amont d’abord. En sorte qu’au cours de la période électorale, on puisse se concentrer sur des questions liées à la campagne électorale, des questions liées à des opérations électorales : le vote, le dépouillement, bref l’aspect concret de l’élection. Par ailleurs, au-delà des élections, je pense qu’il serait également important de prendre au sérieux la période postélectorale. Période qu’on pourrait notamment mettre à profit pour travailler sur des réformes institutionnelles, les questions liées à la stabilité des institutions, des questions liées à la réforme des lois. Et les citoyens doivent être au cœur de toutes ces actions.
L’autre aspect que nous avons aussi constaté, c’est comme si en Guinée on doit encore travailler dans le domaine de l’engagement citoyen pour que la voix du citoyen puisse compter. Parce que c’est comme si on n’avait que deux camps : partis politiques face aux organes de gestion des élections. Et à propos, je lance un appel aux citoyens guinéens et aux organisations de la société civile guinéenne, pour qu’ils s’impliquent davantage dans la vie de la nation. Parce que dans tout ce débat, c’est comme si le citoyen était pris en otage. Donc, il faudrait de plus en plus travailler à l’émergence d’un citoyen non pas en devenir mais d’un citoyen actif, axé sur la responsabilisation, l’autonomie et la participation.
GCI : Vous n’avez pas remarqué l’ethnostratégie ?
D. Dia : En fait, je ne peux pas m’engager sur cette question. Parce que pour se prononcer sur l’ethnicité, il faudrait faire beaucoup d’études approfondies à mon sens. Parce que moi-même qui vous parle, j’ai fait une partie de mes études sur des questions de nationalisme et d’ethnie. Quand on parle d’ethnie, il y a des critères qu’il faut avoir. Maintenant, je pense qu’il y a des problèmes liés à l’identité à des groupes. En fait, en parlant d’intégralité des élections, parle-t-on de l’intégrité des personnes, l’intégrité des institutions ou celle des personnes ? Je pense que le problème ici, c’est que les gens s’identifient un peu trop à des groupes au lieu d’avoir une démarche qui soit individuelle. Or, il se trouve qu’entre les personnes, les interactions ne posent aucun problème. Mais dès que ces interactions ont lieu entre des groupes, il y a tout de suite clivage et conflit. Le défi est donc d’amener les citoyens à moins se référer au groupe parce que cela amène à la création de coalition d’intérêt. Il faudrait réussir le pari de convaincre les citoyens à opérer des choix individuels.
Propos recueillis par Boubacar Sanso Barry pour GuineeConakry.info