Source: http://www.seneweb.com
Malgré des évolutions perceptibles dans les attitudes des parties prenantes du conflit en Casamance, la crise perdure. Comment faire pour mieux comprendre ce conflit vieux de 32 ans qui a rayé des villages entiers de la carte du Sénégal, afin d’y mettre un terme? C’est pour répondre à cette question que l’institut panafricain Gorée Institute a ouvert ce jeudi 13 novembre un atelier de restitution de l’étude sur « Le conflit en Casamance : sa géopolitique, ses débordements, son traitement médiatique et le rôle de la religion ». Ainsi, après plusieurs enquêtes ayant pris en compte des pays de la sous région comme la Guinée Bissau et la Gambie, les experts sont arrivés à la conclusion que les questions prioritaires à étudier sur le plan géopolitique sont la clé de la compréhension de la crise et le chemin par lequel il faut passer pour régler définitivement le conflit.
Après la recherche menée par Gorée Institute entre 2009 et 2010 et qui a permis la publication d’un ouvrage collectif sous le titre : « Instabilité institutionnelle et Sécurité humaine », l’argumentaire des médias reste inchangé sur le conflit en Casamance, même si des évolutions sont perceptibles dans les attitudes des parties prenantes. Fort de ce constat, l’institut qui s’active pour la résolution des conflits en Afrique de l’Ouest a réuni à la fois les membres des organisations de la société civile (principale cible des modules qui seront tirés de ce travail), les partenaires institutionnels, techniques et financiers pour une réponse participative et collective. En effet, avant d’être autre chose, le conflit est d’abord une question géographique, avec l’enclavement de la Casamance, précise le Dr Eugène Tavarès de l’Université Assane Seck de Ziguinchor. Le sociologue de renseigner que la Gambie et la Guinée, en tant que petits Etats, veulent progresser et s’imprégner dans le conflit pour atténuer « l’hégémonie » sénégalaise. Ce qui complexifie la question de la géopolitique de ce conflit. Autrement dit, avec une avance du Sénégal sur les pays de la sous région en matière de diplomatie, le conflit était latent avec les pays de la sous région, à l’exception du Mali.
Cependant, la géopolitique du conflit telle qu’elle était au début n’est plus la même aujourd’hui, signale Dr Tavarès, avant d’indiquer que la crise a pris aujourd’hui une dimension sous régionale. « Nous sommes aujourd’hui dans les jeux de pouvoir avec le double jeu de la Gambie et la fausse neutralité ou passivité de la Guinée Bissau en fonction des intérêts. Parfois on soutient l’Etat sénégalais, parfois on se range du côté du MFDC », dit-il, non sans citer la posture fluctuante de la Guinée Bissau et le cas de la Gambie dont le jeu de yoyo consiste à dire : « si tu me touches, je relâche les rebelles ». Néanmoins, le chercheur n’a pas manqué de rappeler que la Casamance a toujours été un territoire de conflit, avec la dispute des bandes de terres entre les portugais et les français en 1886. Aussi, un paramètre qu’on oublie souvent est qu’avant l’éclatement du conflit en 1982, il y avait eu énormément de conflits fonciers dans cette partie sud du Sénégal, poussant ainsi certains à aller rejoindre le maquis dès le début.
Aujourd’hui, on note que des causes du conflit comme la stigmatisation, le foncier restent des problèmes encore irrésolus, tout comme l’ignorance des frontières de la sous région par les peuples concernés. Toutefois, même si on est en face d’un conflit à faible intensité (le nombre de victimes n’excède pas mille par an), force est de reconnaître qu’une stabilité dans cet espace de la Sénégambie méridionale nécessite forcément l’acceptation d’un certain nombre de réalités dans chaque pays.
Avant son terme ce vendredi, l’atelier qui regroupe juristes, sociologues, chercheurs, journalistes et représentant du ministre de l’Intérieur se penchera sur le traitement médiatique, ainsi que le rôle de la religion dans le conflit casamançais.