Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique
Le symposium du Gorée Institute est une trouvaille annuelle d’échanges qui réunit des chercheurs et des acteurs de la société civile, des organisations internationales et des médias œuvrant sur des questions de gouvernance, de paix et de sécurité, dans un but de servir de cadre de référence aux Etats, aux Organisations de la Société Civile et aux organisations internationales.
L’objet de l’édition 2021 qui est prévue les 29 et 30 novembre est de discuter des défis croissants en matière de gouvernance démocratique et de sécurité au Sahel. Défis que les pays respectifs, peinent à relever en utilisant des approches et des ressources à la fois centrées sur l’État et régionales. En effet, si des progrès démocratiques sont réalisés au Sénégal où les présidents en exercice (2000 et 2012) ayant perdu leurs tentatives de réélection ont immédiatement reconnu leur défaite, et où il n’y a jamais eu de coups d’Etat, en revanche, le Niger, le Mali et le Burkina Faso ont connu des prises de pouvoir militaires, comme en témoigne la situation actuelle au Mali, qui fait peser de graves menaces sur la sous-région en raison de l’augmentation des incidents liés à l’extrémisme violent, à la pauvreté et aux défis sécuritaires liés au climat, en l’absence d’approches régionales solides pour faire face à ces défis.
Ces facteurs fondamentaux, formels et informels sont documentés dans la récente analyse régionale de l’économie politique menée par l’Institut Gorée au Sénégal, au Mali, au Niger et au Burkina Faso. Le résultat de ces études a révélé que l’histoire politique de ces pays est marquée par la mauvaise gouvernance et la politique patrimoniale. Elles ont également révélé qu’il s’agit de pays où les besoins et les attentes des citoyens ne sont guère canalisés vers l’État, mais principalement par le biais de relations patron-client. Ce sont des pays où les citoyens ont souvent peu d’expérience ou de tradition de participation à l’élaboration de politiques démocratiques, ou jouissent pleinement des droits à la liberté d’expression garantis par l’article 19 de la Convention internationale sur les droits civils et politiques (ICCPR), l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (UDHR), l’article 9 (2) de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (ACHPR) et d’autres conventions et protocoles de la CEDEAO. Cette situation s’est aggravée en raison des mesures prises par le gouvernement pour faire face à la pandémie sanitaire mondiale causée par la COVID-19 au niveau national.
Certains observateurs et experts en géopolitique ont caractérisé une partie du Sahel comme un axe géographique non gouverné, car de grandes parties de la région, en particulier autour du nord du Mali, restent hors de portée et de contrôle des gouvernements locaux ou des archétypes de sécurité des États. En raison des vulnérabilités structurelles et du manque de ressources publiques pour fournir des services dans ces localités, les populations locales luttent pour survivre dans une sorte d’anarchie perpétuelle et violente, comme cela est évident dans le Liptaco Goma. Certains de ces facteurs ont contribué à l’exclusion politique avec des implications significatives pour la stabilité politique, en particulier dans les zones rurales. Dans certaines parties de cette région, les gens sont déconnectés du discours entre les élites éduquées, les pouvoirs exécutif et législatif des gouvernements, et les jeunes, les femmes et la population rurale sans emploi et largement analphabètes qui continuent à se sentir négligés et à vivre dans le désespoir au milieu d’une pauvreté endémique, ainsi que du manque d’éducation, de formation professionnelle et d’opportunités d’emploi pour les jeunes, ce qui continue à faire d’eux une cible facile pour la radicalisation par des groupes terroristes ou à les attirer vers d’autres formes d’activités criminelles comme moyens alternatifs de survie.
Les longues années de manipulations politiques et électorales, les querelles constantes entre partis d’opposition, la polarisation ethnique et l’implication active de l’armée et de la police dans la politique continuent de miner l’espace civique dans ces pays. Cela s’accompagne d’une militarisation des sociétés, les militaires devenant des acteurs politiques actifs, comme on l’a vu au Mali et récemment en Guinée-Conakry, dans les mécanismes politiques des gouvernements. Il en résulte un affaiblissement des relations entre la société civile, l’armée et la police, qui sont devenues des acteurs clés du tissu politique des États respectifs, avec un profond sentiment de dépendance à leur égard de la part du bras exécutif des gouvernements pour abuser de l’espace civique.
Il convient également de préciser que le symposium de cette année 2021 intervient à un moment où l’action de protestation est devenue une crise nationale, comme on l’a vu récemment au Sénégal en mars 2021, et dans d’autres parties du continent africain, dans le cadre de la lutte contre la COVID-19. Plus important encore, il sera organisé à un moment où la COVID-19 continue d’accroître le sentiment d’insécurité sociale, culturelle et économique, comme en témoigne l’augmentation du chômage et de la pauvreté chez les jeunes. Cela a occasionné chez les populations une colère et une animosité profondément ancrées, dues au manque de besoins et d’aspirations de base, dans les défis de gouvernance existants, alimentés par les mesures restrictives imposées par les gouvernements. Ces éléments ont été perçus comme certains des facteurs prévisibles de motivation de la tendance à la hausse de la violence intermittente à motivation politique observée au plus fort de la crise de santé publique.