La stabilité démocratique : une solution pour la consolidation de la paix en Afrique de l’Ouest

Le cas du Sénégal

 Par Adama SADIO

 Réseau africain des jeunes chercheurs

 

Résumé

Cette présentation essaie d’apporter une réponse à la problématique suivante : que faire pour préserver et renforcer l’image sénégalaise d’ « oasis » de paix dans une Afrique de l’Ouest caractérisée tantôt par des crises politiques majeures, tantôt par des ruptures de la paix à travers la consolidation de la stabilité démocratique ? 

Pour ce faire, le Sénégal doit procéder à des réformes majeures de son régime politique en vue notamment de casser l’hégémonie présidentielle sur le pouvoir judiciaire et le Parlement, rationnaliser la création de partis politiques. Sur le plan social, un accent particulier devrait être mis sur le chômage des jeunes.

 

INTRODUCTION

 Le Sénégal est le seul pays de l’espace d’Afrique subsaharienne francophone à n’avoir jamais connu de coup d’État et de guerre civile. Cette image sénégalaise de havre de paix dans une sous-région fortement marquée par une instabilité politique, depuis les indépendances, est consécutive notamment à sa forte expérience démocratique et à ses réalités socioculturelles.

 Le début de l’expérience électorale sénégalaise remonte à 1848 avec l’élection du premier représentant[1] au Palais Bourbon. Le 10 mai 1914, le premier député noir, Blaise Diagne, est élu au Palais Bourbon. Et suite à la Loi de 1946 de Lamine Guéye consacrant l’élargissement du droit de participer au scrutin à toutes les populations des colonies françaises d’Afrique, les élections de 1948, furent les premières élections générales de l’histoire politique du Sénégal. Il s’en est suivi de nombreuses élections[2] jusqu’à l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale en 1960. 

Cette expérience électorale s’est consolidée après l’indépendance, plus particulièrement à partir de 1963 jusqu’à ce jour, avec la tenue de quinze (15) élections dont neuf (09) élections présidentielles au suffrage universel direct. 

Le multipartisme est une réalité au Sénégal et cela, bien avant l’accession du pays à la souveraineté internationale, en dépit du monopartisme (ou du parti unifié pour reprendre l’expression si chère au Président Senghor) de fait [3]de 1966 à 1974. Et depuis 1978, le Sénégal organise des élections pluralistes[4]

 Le Sénégal a connu le bicéphalisme dans le pouvoir exécutif dès 1970[5] (supprimé de fait non de droit de 1983 à 1991) bien avant beaucoup de pays de la sous-région ouest africaine qui ont connu l’expérience du pouvoir exécutif  bicéphal avec le processus des transitions démocratiques des années 199. La période des transitions démocratiques, caractérisée par la tenue de Conférences nationales dans certains pays de l’espace CEDEAO[6], a été graduelle au Sénégal avec des mesures démocratiques importantes[7] prises par le président Abdou Diouf.

 Les alternances démocratiques de 2000 et de 2012, avec les félicitations des vaincus aux vainqueurs[8] avant la proclamation officielle des résultats, ont conforté la tradition démocratique sénégalaise toujours saluée par la Communauté internationale et des observateurs dont certains redoutaient le pire à chacune de ces joutes électorales. Les craintes de ces observateurs au sujet d’une rupture éventuelle de la paix au Sénégal ne sont pas tout à fait infondées. Les acquis fondamentaux de la démocratie sénégalaise cités ci-dessus cachent mal les insuffisances de celle-ci susceptibles de porter préjudice à la paix sociale. Une réflexion sur la stabilité démocratique et la consolidation de la paix au Sénégal nécessite une analyse des vulnérabilités de la démocratie sénégalaise portant, entre autres, sur:

 

  • une inflation des partis politiques mettant en péril la démocratie sénégalaise ;
  • une indépendance de la justice plus théorique que pratique ;
  • une absence de dialogue politique ;
  • une société civile qui peine à marquer ses frontières avec la société politique ;
  • des processus électoraux souvent très violents (comme ce fut le cas lors de la présidentielle de 2012) ;
  • une forte demande sociale devenue une bombe sociale latente.

 

Pour mieux comprendre l’importance de la stabilité démocratique dans la consolidation de la paix au Sénégal, il nous semble nécessaire de donner la définition des concepts de « démocratie » et de « stabilité démocratique ».

 

Il est frappant de constater que le sens donné au concept de « démocratie » demeure très complexe et que les définitions varient au gré des convictions des auteurs. Pour Mathieu Burelle, la « démocratie est un type de régime politique ancien, qui date de l’Antiquité, dont le but est d’assurer l’égalité et la liberté publique des citoyens en leur conférant un pouvoir égal sur les destinés de la société et de l’État. Autrement dit, la démocratie est le régime politique qui confie au peuple la souveraineté. Le mot « démocratie » vient d’ailleurs du grec « demos », qui signifie « peuple », et kratos qui signifie « pouvoir[9]». L’organisation d’élections libres et transparentes est un des critères principaux de la démocratie. Dans une démocratie, on acquiert le pouvoir qu’à travers les urnes par la volonté populaire. Ce point de vue est défendu par Huntington, aux yeux de qui « la démocratie existe là où les principaux leaders d’un système politique sont désignés par des élections concurrentielles auxquelles la masse de la population est admise à participer[10] ». Pour Mutoy Mubiala, la « démocratie libérale est caractérisée notamment par le multipartisme, les élections pluralistes à périodicité régulière, la liberté de la presse, le respect des droits de l’Homme et des libertés publiques, la séparation des pouvoirs au sein de l’Etat »[11].

 

Toutes ces définitions de la démocratie sont certes acceptables mais elles nous semblent toutes restreintes. D’où le souci de proposer une définition beaucoup plus globale. Ainsi, la démocratie « désigne un mode d’organisation du pouvoir politique dont la légitimité requiert qu’il reconnaisse pleinement le primat de la souveraineté populaire et qu’il s’assigne pour objectif son renforcement effectif, mais dont l’agencement réel se fonde toujours pour l’essentiel sur une délégation de pouvoir à un personnel spécialisé par le biais d’élections régulières, concurrentielles et sans exclusives trop marquées vis-à-vis de certains secteurs, dans lequel aussi la volonté de la majorité ne s’exerce pas au point d’écraser les minorités ou les groupes d’intérêts de toutes espèces ».[12]

 

Après avoir procédé à une définition conceptuelle de la « démocratie », nous allons tenter de définir la « stabilité démocratique ». A l’instar du concept de la « démocratie », celui de « stabilité démocratique » fait l’objet d’une définition assez vague et variée. Néanmoins, en dépit des nombreuses lectures que l’on peut avoir de la « stabilité démocratique », il faut marquer que cette dernière peut être mesurée en vertu de l’existence de certaines conditions.

 

Un pays doit remplir certains critères pour prétendre disposer d’une « stabilité démocratique».

 

  • La « stabilité démocratique » existe dans un Etat où la sacralité de la Constitution est une réalité. Les changements constitutionnels ou de constitution ne devraient être en général inspirés que par la nécessité ;
  • La « stabilité démocratique » exige l’existence d’institutions démocratiques qui fonctionnent autant que possible dans le respect des principes démocratiques ;
  • La « stabilité démocratique » suppose en général l’appropriation par les populations des lois, votées par les élus. Cette appropriation des lois par les populations résulte que celles-ci soient l’expression de la volonté générale et émanent d’un « consensus politique » plutôt que la traduction d’un intérêt particulier et momentané.[13]

 

L’instabilité démocratique est susceptible d’entrainer un pays dans une instabilité sociale et politique. L’absence de primauté de la loi, l’illégitimité des lois et le manque d’institutions fortes et démocratiques peuvent provoquer une rupture de la paix sociale.

 

Au regard de l’expérience démocratique sénégalaise, que faire pour préserver l’image sénégalaise d’ « oasis » de paix dans une Afrique de l’Ouest caractérisée tantôt par des crises politiques majeures, tantôt par des ruptures de la paix ? Cette réflexion est une contribution aux nombreuses réformes envisagées ou à envisager en vue d’accélérer la marche du Sénégal vers la démocratie post moderne.

 

I. Améliorer le régime politique sénégalais

 

Après un bref passage au régime parlementaire (de 1960 à 1963), le Sénégal a rejoint, à la suite de la crise politique de décembre 1962, le peloton des États africains ayant adopté le régime politique « présidentialiste ». Le régime « présidentialiste » sénégalais fait du chef de l’État l’épicentre du pouvoir exécutif et met à sa disposition autant de leviers lui permettant d’interférer dans le fonctionnement des pouvoirs judiciaire et législatif. Ce déséquilibre institutionnel[14] fausse le principe de la séparation des pouvoirs.

 

En vue de la préservation et du renforcement de ses acquis démocratiques ainsi que de la consolidation de la paix, le Sénégal doit procéder à des réformes majeures de son régime politique, ceci afin de casser l’hégémonie présidentielle sur le pouvoir judiciaire et le Parlement.

 

Une justice forte et indépendante, gage d’une paix sociale et politique

 

Dans un État de droit, tout différend doit trouver solution devant le juge. Le juge doit bénéficier de la confiance des populations, notamment des acteurs de la classe politique et de la société civile. La paix sociale découle, dans une large mesure, de la crédibilité de la justice. Une analyse des tensions électorales et de la crispation du jeu politique sénégalais montre qu’elles trouvent en général leur origine du peu de crédibilité qu’une partie de la classe politique et de la société civile accordent à l’institution judiciaire. Les tensions électorales de la présidentielle de février-mars 2012 en sont de parfaites illustrations. La validation de la candidature du Président Wade, qui avait profondément divisé la population sénégalaise, par le Conseil constitutionnel, a plongé le Sénégal dans de fortes tensions électorales. Le M 23 [15]avait donné le ton en déclarant n’avoir aucune confiance en cette juridiction et sa délibération n’aura aucun impact sur la poursuite de son combat pour le retrait de la candidature du Président sortant.

 

A dire vrai, cette contestation de la décision du Conseil constitutionnel n’est pas nouveau en soi. Elle s’inscrit dans une pratique assez courante de contestation, par l’opposition sénégalaise, des décisions de cette instance de régulation du contentieux électoral. L’opposant Me Abdoulaye Wade contestait régulièrement les résultats définitifs proclamés par les juges électoraux lors des élections l’opposant au président Abdou Diouf. La coalition de l’opposition « Benno Siggil Senegal » n’a pas fait moins en 2007 allant jusqu’à boycotter les élections législatives du 03 juin 2007 après avoir qualifié de mascarade électorale la réélection de Me Wade.

 

On ne pourrait manquer de relever l’inversion des positions de la majorité avant le 25 mars et de l’opposition d’alors. En effet, cette majorité, passée actuellement dans l’opposition, qui en appelait au respect de la justice sénégalaise lui dénie aujourd’hui toute indépendance. Une position qui contraste avec celle de la nouvelle majorité qui trouve des qualités en la justice sénégalaise après avoir, dans un passé récent, exprimé une méfiance à son égard.

 

L’impression qui se dégage est que la confiance ou la méfiance des acteurs publics en la justice dépend des positions et des intérêts du moment. Les critiques de la domestication de la justice par l’Exécutif sont confortées par des propos tenus par des acteurs politiques ayant été au cœur de l’appareil étatique, pour qui le régime politique sénégalais confère au chef de l’État des pouvoirs exorbitants écrasant du coup les autres pouvoirs.

On peut, à titre d’exemple, citer deux hommes politiques considérés à un moment de la vie politique sénégalaise comme les « hommes forts » des régimes Diouf et Wade à savoir Ousmane Tanor Dieng [16]et Idrissa Seck[17].

 

« Les institutions sénégalaises étaient dangereuses avec nous et sont encore plus dangereuses aujourd’hui avec le régime de l’alternance. On a observé depuis feu lePrésident Léopold Sédar Senghor une hypertrophie du pouvoir présidentiel, tout est entre les mains du président de la République. C’est lui qui initie, décide et exécute. Tout part de lui, tout revient à lui. Donc la première chose qu’il faut remarquer, c’est cette espèce de culture de l’Exécutif ou culture du bonapartisme ou du césarisme. Tout est entre les mains du président de la République qui a des pouvoirs quasi-illimités[18]», selon Ousmane Tanor Dieng. Cette conviction du socialiste est analogue à celle du libéral Idrissa Seck, pour qui c’est une urgence démocratique de réformer en profondeur le régime politique sénégalais. Dans son esprit, « la crise que traverse le Sénégal est essentiellement une crise des institutions (…) la première réforme que j’entends mener (…) c’est de dégraisser l’institution du Président de la République (…) Le Sénégal a besoin d’un Président qui rassure, suscite et impulse, et non d’un démiurge qui vampirise tous les pouvoirs et possède un droit de vie et de mort sur les citoyens ».

[19]

 

A y voir de plus près, ce manque de crédibilité de la justice sénégalaise découle de la nature du régime présidentialiste, de la nomination des membres de certaines juridictions et de leurs prérogatives (particulièrement le Conseil constitutionnel). Dans les réformes institutionnelles envisagées, la crédibilité de la justice nécessite que le Conseil Supérieur de la Magistrature[20] ne soit plus présidé par le président de la République et que la société civile y soit représentée.

 

 Réformer les leviers de domestication du Parlement par l’Exécutif

 

Le préambule de la Constitution sénégalaise proclame la séparation des pouvoirs en ces termes « la séparation et l’équilibre des pouvoirs conçus et exercés à travers des procédures démocratiques ». Cependant, au verdict des faits, on peut constater une réelle domestication du Parlement par le Président de la République. Ce déséquilibre réel entre les pouvoirs exécutif et législatif se manifeste à plusieurs niveaux.

 

D’abord, il est devenu une banalité au Sénégal de voir des parlementaires se considérer comme des députés du président de la République et non de leur circonscription électorale. Par conséquent les projets de loi qui sont, en réalité, la traduction juridique de la volonté politique du chef de l’État sont généralement votés sans résistance parlementaire majeure du fait de l’effet majoritaire. Les modifications constitutionnelles « déconsolidantes[21]» ne résistent pas à la détermination des parlementaires de donner corps à la volonté du président de la République au risque de mettre en péril la stabilité politique et la paix sociale. Le 23 juin 2011, les députés étaient sur le point de voter le projet de loi instituant l’élection d’un ticket unique à la présidentielle, et restaurant le quart bloquant, n’eût été la résistance forte du peuple et de certains chefs religieux. Ce qui a amené le Président Abdoulaye Wade à retirer son projet dont l’adoption aurait consacré un recul de la démocratie sénégalaise.

 

L’élection du bureau de l’AN[22] témoigne éloquemment de l’influence présidentielle sur le pouvoir législatif. Si en théorie le bureau de l’AN est élu par les députés, dans les faits il est nommé par le Chef de l’État à qui il revient la possibilité de le destituer à son gré[23]

 

La domestication du Parlement par l’Exécutif découle de dynamiques constitutionnelle et politique. La Constitution en son article38[24] autorise le président de la République à cumuler La domestication du Parlement par l’Exécutif découle de dynamiques constitutionnelle et politique. La Constitution en son article38[25] autorise le président de la République à cumuler la fonction présidentielle et celle de chef de parti. Dès lors, les parlementaires de la mouvance présidentielle en adoptant les projets de loi et en respectant à la lettre les instructions du chef de l’État font preuve de fidélité et de reconnaissance à l’égard du leader de leur parti.

D’où la dynamique politique de la domination du Parlement par l’Exécutif. Le mode de scrutin à la députation avec les listes nationales fait que les députés élus sur la base de cette liste doivent leur élection à la seule volonté du chef de leur parti politique.

 

 Rationaliser le système des partis politiques au Sénégal

 

L’histoire politique du Sénégal est liée au multipartisme. Le pluralisme politique est une réalité au Sénégal bien avant son indépendance. Cependant, après son accession à la souveraineté internationale, le Sénégal a connu une période (de 1966 à 1974) de monopartisme[26] avant que le pluralisme politique ne soit restauré par des modifications constitutionnelles en 1974[27] puis en 1978[28] et enfin en 1981[29].

 

Dès lors, la création d’un parti politique devient une liberté constitutionnelle dont semble jouir les Sénégalais du fait notamment de la floraison des partis. Cette lourde tendance dans la création des partis peut fausser le jeu démocratique au regard de leur représentativité et/ou de leur poids dans le jeu politique. A cela s’ajoute la question du financement des partis politiques.

 

 La création de parti politique, une liberté constitutionnelle à rationaliser

 

La restauration du multipartisme intégral au Sénégal en 1981 s’est traduite par une création vertigineuse de partis. Aujourd’hui, le Sénégal compte plus de 200 partis. Pourtant un regard objectif sur la représentativité électorale des différents partis dans la dernière décennie démontre que beaucoup de partis n’ont pas un réel impact sur le jeu électoral. Les différentes compétitions électorales organisées au Sénégal durant la dernière décennie montrent que le jeu politique sénégalais est dominé par cinq partis à savoir le Parti Socialiste (PS), le Rewmi, l’Alliance Pour la République (APR), le Parti Démocratique Sénégalais (PDS) et l’Alliance des Forces de Progrès (AFP). Cependant, il est vrai qu’il existe un certain nombre de partis[30] qui, malgré leur faible poids électoral, demeurent très influents dans le jeu politique.

Sinon, nombreux sont les partis politiques qui ont rarement participé à des joutes électorales sous leur propre bannière et se réfugient derrière le paravent des coalitions pour cacher leurs faiblesses électorales. Cet état de fait n’est pas sans fausser le jeu démocratique car la mission principale d’une formation politique demeure la conquête démocratique du pouvoir.

 

 Le financement des partis politiques

 

La stabilité démocratique exige la moralisation de la vie politique. Cette moralisation passe surtout par la lutte contre le financement occulte des partis, principaux acteurs du jeu politique et institutionnel. Un consensus semble se dégager sur la nécessité d’adopter une loi autorisant le financement des partis par l’État. Des organisations de la société civile ont consacré plusieurs études[31] au financement des partis qui semble rencontrer l’assentiment des populations[32] et fait souvent l’objet de débat au sein de la classe politique depuis une trentaine d’année. [33]Trente ans plus tard, la problématique du financement des partis demeure entière en dépit de la volonté affichée du Président Diouf en 1998 d’y apporter une réponse juridique. Il nomme par décret n°98-657 du 7 août 1998 Pr El Hadji Mbodj[34] comme médiateur.

 

La pertinence et l’urgence du financement des partis politiques résident dans la lutte contre le financement illicite des partis, contre la mal gouvernance et contre les iniquités flagrantes dans le financement des activités des partis. La majorité et l’opposition s’accusent mutuellement de recourir à des financements illicites. Si la majorité accuse les partis de l’opposition de bénéficier de l’appui de lobbies et/ou de chefs d’État africains, ces derniers croient que la majorité finance ses activités à partir de l’argent public et de la corruption. Pourtant les partis politiques sont tenus (sans jamais le respecter) de procéder au plus tard le 31 janvier de chaque année au dépôt du bilan financier de l’année écoulée. Sous ce rapport, le parti doit clairement faire apparaître l’origine licite de ses financements (des cotisations de leurs membres et sympathisants, des activités lucratives et autres revenus autorisés par la loi). Cependant, la loi interdit strictement aux partis de bénéficier du soutien financier provenant de l’étranger (même d’un compatriote de la diaspora) ou d’un étranger vivant au Sénégal.

Dans la pratique, il est aisé de soutenir le non-respect de la loi par les acteurs politiques au regard des moyens importants dont disposent certains partis et de la culture politique sénégalaise[35]. D’où la nécessité de procéder au financement légal des partis politiques en dehors de celui déjà en vigueur[36] pour renforcer la stabilité démocratique du Sénégal.

 

 

A suivre …


[1] Il s’agit de Barthélemy Durand VALENTIN. Il fut élu par les populations des quatre communes (Dakar, Gorée, Rufisque et Saint-Louis) qui étaient les seuls électeurs car jouissant de la nationalité française.

[2] De la mise en vigueur de la Loi Lamine Guéye en 1946 jusqu’à 1960, le Sénégal a connu dix (10) élections, dont celles des Assemblées Territoriale de 1957, du Référendum de 1958, de l’Assemblée Nationale de 1959 et de l’élection, le 5 septembre 1960, du président Léopold Sédar Senghor par les grands électeurs.

[3] Rappelons que la Constitution sénégalaise a toujours reconnu même durant cette période le pluralisme politique.

[4] Cette élection présidentielle a opposé le président Léopold Sédar Senghor du Parti socialiste (82,02%) à l’opposant Me Abdoulaye Wade du Part démocratique sénégalais (17,38%).

[5] Le Sénégal est le premier pays d’Afrique subsaharienne, après la révision constitutionnelle de 1970 en son article 36, à avoir expérimenté le bicéphalisme et le second en Afrique après la Tunisie en 1969.

[6] CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest

[7] Restauration de la Primature en 1991, adoption consensuelle du Code électoral de 1992 et installation d’un Gouvernement d’union nationale avec l’entrée des principaux partis de l’opposition (le PDS, le PIT et la LD/MPT).

[8] En 2000, dès le lendemain de la présidentielle, le président Abdou Diouf a appelé Me Abdoulaye Wade pour le féliciter de sa victoire bien avant la proclamation des résultats définitifs par le Conseil constitutionnel. Et au soir du 25 mars 2012, juste quelques heures après la fermeture des bureaux de vote, le président Abdoulaye Wade appelle le candidat victorieux Macky Sall pour le féliciter. Une élégance démocratique de la part des présidents Diouf et Wade hautement saluée par la Communauté internationale.

[9] Mathieu Burelle, dans ses cours sur Éthique et politique, Collège Montmorency, p. 02

[10] Mathieu Burelle, dans ses cours sur Éthique et politique, Collège Montmorency, p. 02

[11] Cité par Guy Hermet, Bertrand Badie, Pierre Birnbaum et Philippe Braud, Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques 3ème édition (1998), Dalloz, 75685 Paris Cedex 14, p. 76

[12] Mutoy MUBIALA, L’aide à la démocratie in Revue Africaine de politique internationale, Institut Panafricain de Relations Internationales, 1180 Bruxelles-Belgique, Avril Mai Juin 1994, p.27 et 28

[13] Guy Hermet, Bertrand Badie, Pierre Birnbaum et Philippe Braud, op cit

[14] Ce déséquilibre institutionnel résulte d’abord de la forte inspiration de la Constitution sénégalaise de la Constitution française du 4 octobre 1958 qui attribue beaucoup de prérogatives au Président de la République. L’autre origine de l’hégémonie présidentielle au Sénégal est relative à notre héritage traditionnel. L’expression wolof « Borom dëk bi » (le propriétaire du pays) pour désigner le Chef de l’Etat en dit long.

[15] M 23 : Mouvement du 23 juin

[16] Monsieur Ousmane Tanor Dieng est le Secrétaire général du Parti socialiste (PS) et ancien Ministre d’État, Ministre des services et affaires présidentiels du Président Abdou Diouf.

[17] Monsieur Idrissa Seck est le Président du parti Rewmi et ancien Directeur de cabinet et ancien Premier Ministre du président Abdoulaye Wade.

[18] Interview accordée au Journal Le Populaire du mardi 8 mars 2005.

[19] Voir le journal Le Quotidien du 5 janvier 2007.

[20] Le Conseil suprême de la magistrature est l’organe en charge de la carrière des magistrats.

[21] Une modification constitutionnelle « déconsolidante » (expression, empruntée au Pr Ismaïla Madior Fall) désigne toute modification qui affaiblit la constitution

[22] AN : Assemblée Nationale

[23] Les présidents de l’Assemblée Nationale Daouda Sow, Youssou Diagne et Macky Sall n’ont pas terminé leur mandat à la tête de l’institution parlementaire. Ils ont été contraints à la démission par leur parti politique sur initiative du patron dudit parti de surcroit Président de la République.

[24] L’article 38 de la Constitution dispose en effet « la charge de Président de la République est incompatible avec

L’appartenance à toute assemblée élective, Assemblée nationale ou assemblées locales, avec l’exercice de toute autre fonction publique ou privée rémunérée. Toutefois il a la faculté d’exercer des fonctions dans un parti politique ou d’être membre d’académies dans un des domaines du savoir. »

[25] L’article 38 de la Constitution dispose en effet « la charge de Président de la République est incompatible avec

L’appartenance à toute assemblée élective, Assemblée nationale ou assemblées locales, avec l’exercice de toute autre fonction publique ou privée rémunérée. Toutefois il a la faculté d’exercer des fonctions dans un parti politique ou d’être membre d’académies dans un des domaines du savoir. »

[26] Le président Léopold Sédar Senghor réfutait l’existence de parti unique au Sénégal, il parlait plutôt de parti unifié

[27] La loi n° 76-01 du 19 mars 1976 portant révision de la Constitution autorise le multipartisme, mais limité à trois partis politiques à savoir le Parti Socialiste de Senghor, le Parti Démocratique Sénégalais de Me Abdoulaye Wade et le Parti Africain de l’Indépendance de Majhemouth Diop.

[28] La loi n° 78-60 du 28 décembre 1978, modifiant à nouveau la Constitution, autorise un quatrième parti politique à savoir le Mouvement Républicain Sénégalais (MRS).

[29] Juste après son accession à la présidence, le président Abdou Diouf rend intégral le multipartisme par la loi 81-17 du 6 mai 1981.

[30] Il s’agit du Parti de l’Indépendance et du Travail (PIT), de la Ligue Démocratique (LD) et du Parti Africain pour la Démocratie et le Socialisme (AJ/PADS).

[31] On peut citer le rapport du Réseau africain pour le développement institutionnel (RADI) : Financement des partis politiques. Pourquoi? Comment?», RADI-CERAP NDI, Sénégal, mars 2005 et la réflexion du Forum civil intitulé « Projet de loi sur la transparence de la vie publique au Sénégal » avec un titre II intitulé « Du financement des partis politiques ».

[32] Financement des partis politiques. Pourquoi ? Comment ? », RADI-CERAP NDI, Sénégal, mars 2005.

[33] C’est en 1984 que l’opposant Me Abdoulaye Wade avait saisi le Président de l’Assemblée Nationale afin que le Parlement sénégalais adopte une loi sur le statut de l’opposition et le financement des partis politiques.

[34] A ce propos, le Professeur El Hadji Mbodji a produit un Rapport en 1999, Rapport au président de la République, Le Médiateur, «Statut de l’opposition et financement des partis politiques », Dakar, 1999.

[35]Au Sénégal, les militants politiques n’ont pas en général la culture de participer financièrement et régulièrement au financement des activités de leur formation politique, pour eux c’est le devoir du chef de parti. Pire, des militants bénéficient en général de l’appui financier du chef de leur parti politique. D’ailleurs, c’est l’explication principale de la personnalisation des partis politiques

[36] Le financement sur les biens de l’État de la couverture médiatique des candidats en campagne électorale, des affiches et prospectus en période électorale.