LA SYNTHESE DES TRAVAUX DE L’ATELIER DE REFLEXION SUR « LES DEFIS ET LES ENJEUX DU DIALOGUE INCLUSIF SUR LES QUESTIONS RELATIVES A LA GESTION DES RESSOURCES PETROLIERES ET GAZIERES AU SENEGAL »

ATELIER DE REFLEXION

Thème : « Les défis et les enjeux du dialogue inclusif sur les questions relatives à la gestion des ressources pétrolières et gazières au Sénégal »

Synthèse des travaux

  1. I.Rappel du contexte de la rencontre

Le Goree Institute, Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique, en collaboration avec le Réseau Parlementaire pour le bonne Gouvernance des Ressources Minières (RGM) et l’Observatoire de Suivi des Indicateurs de Développement Economiques en Afrique (OSIDEA), a organisé le 25 juillet 2018 une journée d’échanges et de réflexion sur « Les défis et les enjeux du dialogue inclusif sur les questions relatives à la gestion des ressources pétrolières et gazières au Sénégal ».

S’inscrivant dans le cadre plus large des activités dédiées à la promotion de la paix, la stabilité et la cohésion sociale au Sénégal, cette rencontre se voulait surtout une contribution, si infime soit-elle, au dialogue inclusif sur la gouvernance, la transparence et la reddition des comptes dans le secteur des ressources minérales au Sénégal. Eu égard aux tensions de plus en plus fortes au sein de la classe politique sénégalaise, mais surtout aux préoccupations soulevées par les populations à la base, il est devenu nécessaire de restaurer la confiance entre les différentes parties prenantes dans ce secteur important, afin de décrisper le climat politique et d’impulser une dynamique réelle de dialogue constructif et de concertation nationale.

Tenue sur l’île de Gorée, dans les locaux du Centre de Conférences TERAL, cette rencontre d’échanges et de réflexion visait les trois objectifs spécifiques suivants :

  1. Analyser la problématique de la gouvernance des ressources minières au Sénégal, dresser état des lieux des progrès accomplis, des principaux enjeux et défis à relever par ce secteur ;
  2. (ii)Évaluer le cadre juridique et institutionnel de gouvernance du secteur minier sénégalais, afin d’identifier ses forces et/ou ses faiblesses, et recommander des actions spécifiques de nature à améliorer ses performances ;
  3. (iii)Identifier les causes de blocage du dialogue entre parties prenantes du secteur, recueillir des recommandations et élaborer un document de plaidoyer pour un dialogue ouvert et constructif entre parties prenantes du secteur des ressources pétrolières et gazières au Sénégal.

Sur le plan méthodologique, la « démarche multi-acteurs » a été adoptée permettant ainsi d’enregistrer la participation d’acteurs d’horizons divers : des hauts fonctionnaires du Ministère du pétrole et des énergies, des parlementaires, des membres d’association de la société civile, d’organisations non gouvernementales, des élus locaux, des journalistes et des chercheurs. Les travaux ont pris le format de panels qui ont successivement débattu des deux thématiques suivantes :

       Gouvernance des ressources pétrolières et gazières au Sénégal : état des lieux, progrès réalisés, limites et défis » ;

       Gouvernance et corruption dans la gestion des ressources pétrolières et gazières au Sénégal ».

Panel 1 :

Thématique : Gouvernance des ressources pétrolières et gazières au Sénégal : état des lieux, progrès réalisés, limites et défis »

Ce panel a été modéré par Mr Doudou Dia, Directeur Exécutif de Gorée Institute. Trois présentations ont été faites respectivement par M. Semou Ndiaye, enseignant-chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) et facilitateur de la journée, Mme Awa Penda Ndiaye chargée de programme à Oxfam-Sénégal et l’Honorable Député Mamadou Lamine Diallo, président du Réseau Parlementaire pour la bonne gouvernance des Ressources Minérales (RGM).

Dans son intervention M. Semou Ndiaye a dressé un état des lieux de la gouvernance des ressources pétrolières et gazières. Tout d’abord, il a rappelé les différents défis que le Sénégal devra surmonter pour asseoir les bases d’une gouvernance de qualité des ressources minérales. Ensuite, il a été axé son intervention sur le cadre institutionnel et juridique de la gouvernance des ressources pétrolières et gazières, la faible gouvernabilité de ce secteur liée notamment aux insuffisances du cadre juridique et institutionnel et à d’autres contraintes d’ordre interne et international, tout en présentant les perspectives d’amélioration de la gouvernance de ces ressources avec l’adoption du nouveau code pétrolier. M. Ndiaye a terminé par formuler des recommandations pour une amélioration de la gouvernance des ressources pétrolières et gazières.

A sa suite Mme Awa Penda Ndiaye a abordé la problématique de la fiscalité dans la gouvernance des ressources minières et gazières. Elle a tenu d’abord à définir la notion de fiscalité pétrolière. Elle a ensuite fait l’état de la fiscalité pétrolière au regard des dispositions du Code général des impôts, du code pétrolier et des pratiques courantes lors des différentes étapes des opérations pétrolières. Attirant l’attention de l’auditoire sur les points faibles, elle a souligné le fait que malgré la prise en charge de certaines questions telles que le prix de transfert par le Code Général des impôts, la fiscalité pétrolière est loin d’être parfaite au Sénégal. Le Sénégal enregistre ainsi des pertes élevées de recettes. Elle a terminé sa présentation en formulant des recommandations pour la maximisation des revenus pour l’Etat.

L’honorable député Mamadou Diallo dans son intervention a d’abord rappelé les contours de la notion de syndrome hollandais qui renvoie à la malédiction des ressources naturelles. D’où la nécessité pour lui d’avoir de bonnes politiques publiques. Le patriotisme constitue une condition essentielle de la réussite. L’Afrique devrait construire ses propres indicateurs de progrès et en assurer le suivi. Le Parlement doit intervenir surtout en raison de l’ampleur des flux financiers illicites qui sont de l’ordre de 60 milliards de dollars américains par an pour l’Afrique. L’honorable député a également mis l’accent sur le paradoxe lié au fait d’affirmer dans la Constitution que les ressources naturelles appartiennent au peuple qui renvoie à la population actuelle et que dans le cadre de la répartition des revenus il soit envisagé de réserver une partie aux générations futures. La cohérence aurait voulu que la Constitution fasse référence à l’appartenance des ressources naturelles à la Nation.

Des débats de ce premier panel, il est ressorti :

       La nécessité de tenir compte de l’expérience de la réforme du Code minier dans l’élaboration en cours du code pétrolier ;

       La nécessité de prendre en compte les défis liés à la stabilité, la paix et la sécurité, et de mettre en place des programmes de prévention des conflits ;

       La nécessité d’asseoir les bases d’un dialogue inclusif pour construire un consensus fort sur l’exploitation des ressources pétrolières et gazières et, dans cette perspective, de satisfaire le besoin d’informations des populations ;

       La nécessité d’un engagement citoyen pour assurer le suivi des décisions qui seront prises ;

       La nécessité de définir de nouvelles règles de partage de la rente entre l’Etat et les multinationales, le partage actuel étant plus favorable aux multinationales ;

       La nécessité de tirer les leçons des insuffisances du content communautaire, de la responsabilité sociétale d’entreprise (RSE), dans la gestion des ressources minières. En effet des montants engagés restent dérisoires au regard des bénéfices des multinationales ;

       La nécessité de prendre en compte les impacts cumulatifs de l’exploitation des ressources pétrolières et gazières notamment sur la pêche et l’environnement ;

       La nécessité d’une prise en compte de la dimension genre et des groupes vulnérables dans la répartition des revenus générés par les ressources pétrolières et gazières ;

       La nécessité de former les journalistes et professionnels de media sur la gouvernance des ressources pétrolières et gazières pour une meilleure sensibilisation des populations.

Panel 2

Thématique : Gouvernance et corruption dans la gestion des ressources minérales au Sénégal »

Ce panel a été modéré par Mme Hélène Tine, ancienne députée et membre du RGM. Trois présentations ont été faites respectivement par M. Semou Ndiaye, facilitateur, M. Cheikhou Omar SY, ancien député et Directeur Exécutif de l’OSIDEA et M. Demba Seydi coordonnateur régional Afrique de l’ouest francophone de la Coalition Publiez Ce Que Vous Payez (CPCQVP).

Dans sa présentation Mr Semou Ndiaye a successivement abordé les questions relatives à la notion de corruption, aux pratiques corruptives dans le secteur des ressources pétrolières et gazières, au cadre juridique et institutionnel de lutte contre la corruption. Il a terminé son propos par formuler des recommandations dans le sens du renforcement de la lutte contre la corruption en général, dans le secteur des ressources pétrolières et gazières en particulier. S’agissant de la notion de corruption, il a indiqué qu’elle pouvait être définie de manière compréhensive et énumérative. Il fera ensuite observer que le secteur des ressources pétrolières et gazières est fortement « corruptogène » en raison de l’opacité qui y règne dans l’attribution des blocs mais surtout de l’importance des montants financiers en jeu et des enjeux géostratégiques. Il reste que les pratiques corruptives sont difficiles à prouver en raison du cercle restreint des acteurs. Il s’agit de la grande corruption. Il est revenu sur quelques affaires qui ont défrayé la chronique au Sénégal tout en faisant observer qu’elles n’ont pas encore connu un dénouement judiciaire. Le cadre juridique et institutionnel de lutte contre la corruption présente quelques acquis en termes de lois qui permettent de prévenir et de réprimer la corruption, mais ce cadre reste lacunaire. Il a terminé sa présentation en formulant des recommandations pour améliorer la stratégie et les instruments de lutte contre la corruption dans ce secteur.

A sa suite, M. Cheikhou Omar SY, Directeur d’OSIDEA a insisté sur la nécessité de sensibiliser très tôt les jeunes sur les questions de gouvernance, le lien entre la RSE et la corruption et l’exigence de son encadrement légal, la nécessité de choisir entre la RSE et le « Content local ». Il a également attiré l’attention des participants sur la nécessité d’assurer un suivi de la budgétisation des revenus générés par les ressources pétrolières et gazières et des dépenses afférentes au regard des scandales du PRODAC et des bourses universitaires. Le Parlement doit jouer un rôle important dans le contrôle de la corruption par l’exigence d’une redevabilité des instances de gouvernance des ressources pétrolières et gazières devant le Parlement, car pour lui le Président de la République malgré ses pouvoirs importants reste isolé. Il a terminé en faisant observer que des institutions comme la Banque Mondiale sont absentes du dialogue alors qu’elles restent très influentes dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques. Il ‘s’est demandé si cela ne représentait pas un risque pour un éventuel consensus national.

Dans sa communication, M. Demba Seydi a mis l’accent sur les conditions de transparence dans la gestion des ressources gazières et pétrolières. Il s’agit pour lui de :

       La prise en charge effective et satisfaisante des communautés impactées ;

       L’association du Parlement aux négociations des contrats pétroliers et gaziers notamment en recueillant son avis avant leur signature ;

       La participation des groupes vulnérables que sont les jeunes et des femmes ;

       La publication et de la simplification des données pour faciliter leur intelligibilité ;

       La consultation de toutes les parties prenantes pour avoir des lois pérennes.  

Des débats qui ont suivi les présentations de ce deuxième panel, il est ressorti :

       La nécessité de réglementer la RSE de manière à imposer aux multinationales des obligations précises comme au Canada ;

       La nécessité d’intégrer la société civile dans le COS PETROGAZ ;

       La nécessité de la transparence et de la fiabilité des informations fournies par les multinationales ;

       La nécessité du renforcement des moyens de l’Administration publique pour le contrôle des ressources pétrolières et gazières ;

       La nécessité d’une gestion durable des ressources pétrolières et gazières notamment par une attribution rationnelle des blocs ;

       La nécessité de sensibiliser les populations sur les risques d’une dépendance de la rente pétrolières et l’exigence de diversifier l’économie ;

       L’exigence d’une sensibilisation précoce des jeunes sur les questions de gouvernance pour aider à la transformation sociale.

Conclusion

Cette journée aura permis de sensibiliser beaucoup des acteurs sur les enjeux et les défis de la gouvernance des ressources pétrolières et gazières au Sénégal au regard de son nouveau statut de pays producteur de pétrole et de gaz à l’horizon 2021. La plus-value de ce point de vue a été l’utilisation aussi bien du français que du Wolof dans les présentations et les débats. Cette journée apparait également comme une contribution à la construction d’un consensus national autour de la gestion de ces ressources hautement stratégiques de par les recommandations fortes et consensuelles qui ont été formulées à cet égard. Ces recommandations ont également servi de support à l’élaboration d’un document de plaidoyer sur la répartition équitable des revenus générés par l’exploitation du pétrole et du gaz au Sénégal.


 


ATELIER DE REFLEXION

Thème : « Les défis et les enjeux du dialogue inclusif sur les questions relatives à la gestion des ressources pétrolières et gazières au Sénégal »

AGENDA

Horaires Activités Intervenants Durée
10:30 – 11:00 Mots de bienvenue

       Directeur Exécutif OSIDEA

       Directeur Exécutif GORIN

       Président RGM

00:30

11:00 – 13:00

Panel 01 : « Problématique de la gouvernance des ressources minérales au Sénégal : état des lieux, progrès réalisés, limites et défis »

Modérateur : Doudou DIA (Directeur Exécutif Goree Institute)

       Sémou Ndiaye (UCAD)

       Hon. Mamadou Lamine DIALLO (RGM)

       Awa Penda NDIAYE (OXFAM)

02:00

13:00 – 14:30 Pause-déjeuner 01:30
14:30 – 16:00

Panel 02 : « Gouvernance et corruption dans la gestion des ressources minérales au Sénégal »

Modérateur : Cheikh Tidiane TOURE (Ancien SP CN-ITIE)

       Sémou NDIAYE (UCAD)

       Demba SEYDI (CPCQVP)

       Cheikhou Oumar SY (RGM/OSIDEA) Birahim SECK (Forum Civil)

01:30

16:00 – 16:15 Pause-café 00:15
16:15 – 17:15 Plénière : Recommandations et élaboration du Draft de Document de Plaidoyer pour un partage juste et équitable des revenues du secteur minier au Sénégal Participants

01:00