Méconnaissance des règles, probabilité de violence et achat de conscience: Gorée Institute « audite » la situation politique

Gorée Institute a mené une étude sur la situation préélectorale pendant 6 mois, entre avril et novembre 2018. Il ressort de la recherche que les citoyens ne connaissent pas certaines règles politiques, que la tension est palpable à Dakar, mais aussi que l’achat de conscience est une pratique récurrente. 

Le Gorée Institute a déployé 100 moniteurs sur l’étendue du territoire sénégalais répartis proportionnellement à la carte électorale pendant six mois (avril et novembre 2018). Dans leur rapport, les moniteurs ont déduit une rétention ou le retard dans le retrait des récépissés ou cartes d’électeurs estimé à 76%. La méconnaissance du cadre légal des élections par les citoyens est à 64%. Le doute sur la neutralité de l’organe de gestion des élections et l’administration déconcentrée est évalué à 38%. S’agissant du retard dans la publication de la localisation des bureaux de vote sur la carte électorale finalisée, les moniteurs sont parvenus à une conclusion de 35%. Pour ce qui est de l’absence d’impartialité de l’autorité judiciaire dans la résolution des contentieux, elle est calculée à 27%.

La restriction de la liberté de mouvement des partis politiques, électeurs, journalistes, observateurs entre autres est à 11%. Concernant l‘interdiction des réunions politiques manifestations et marches, elles sont à 7%. L’interdiction des activités de la société civile est à 4%. La diffamation et les calomnies de candidats par d’autres acteurs politiques s’estiment à 57%.  L’utilisation des moyens de l’Etat se chiffre à 53%. Parlant de l’instrumentalisation de la religion à des fins politiques ou autres discours incendiaires et divisionnistes, les moniteurs sont arrivés à la conclusion de 28%.  Les achats des voix sont à 46%. Le financement occulte des candidats ou partis en lice est calculé à 25%. Les sessions d’éducation civique qui sont organisées dans les communautés sont évaluées à 46%.  Les populations sont au courant des élections à hauteur de 74%.  Entre autres découvertes, les moniteurs sont parvenus à la conclusion que les informations à propos du contentieux électoral sont disponibles auprès des autorités compétentes à hauteur de 55% et la prise de position par les leaders d’opinion en faveur de certains candidats à la hausse de la corruption électorale

Une hausse des achats de voix

Pour les moniteurs de Gorée Institute, la corruption demeure encore un sujet de préoccupation. Les valeurs attribuées à l’utilisation des moyens de l’Etat, au financement occulte des candidats à l’élection présidentielle, à la politisation des travaux d’intérêt public et de l’assistance sociale, l’achat de voix, ont augmenté de manière sensible passant respectivement de 41 à 53%, de 18% à 25%, de 44% à 53% et de 40% à 46%, disent-ils.  Pour les accusations de corruption portées contre des candidats à la candidature lors de la collecte de parrains, l’absence d’une loi sur le financement des partis et des campagnes électorales et la transhumance observée ces dernières semaines peuvent expliquer le sentiment d’ancrage de la corruption électorale dans l’espace politique de l’ordre de 60%, ont-ils conclu. En dernière analyse, les moniteurs de Gorée Institute trouvent qu’ils convient de souligner qu’une attention doit être accordée à la localisation de la violence électorale qui concerne les bassins électoraux les plus importants du pays : Dakar avec 1 687 826 électeurs, Thiès avec 901 216 électeurs et Diourbel avec 589 015 électeurs dont  278 834 à Touba.

Toute action allant dans le sens de la prévention de la violence électorale doit prendre en compte cette géographie de la violence électorale car ces régions seront âprement disputées. Ziguinchor même avec un nombre moins important soit 283 395 électeurs doit être également pris en compte du fait du contexte d’insécurité lié à la rébellion mais également du fait qu’il s’agit de la région d’origine du candidat Ousmane SONKO présenté comme un candidat sérieux à l’élection présidentielle. Cette prévention de la violence est nécessaire car, d’après toujours les moniteurs, pendant la période préélectorale à Dakar, 20 alertes ont été signalées. Et parmi ces alertes, 6 font état d’un climat de forte tension et 3 d’un climat de tension moyen et palpable. De même qu’à Thiès, sur 17 alertes reçues, 4 font état d’un climat de forte tension. Ces tensions sont essentiellement dues à la publication provisoire et celle définitive par le Conseil Constitutionnel de la liste des candidats à l’élection présidentielle du 24 février 2019.

 

Source: SudQuotidien du mercredi 06 janvier 2019 N°7720