Article de la semaine-Ressources naturelles du Sénégal : ces défis majeurs à relever pour tirer le meilleur parti du potentiel du secteur

Afin que les Sénégalais puissent tirer le meilleur parti possible de leurs ressources naturelles dans les années à venir, l’Etat du Sénégal devra relever un certain nombre de défis importants, dont les suivants.

Précision du cadre communautaire

Le statut du cadre communautaire demeure ambivalent. Il s’agit en principe d’un règlement directement applicable alors que dans la pratique, les Etats s’en écartent. Il y a un imbroglio juridique découlant de la coexistence de deux dispositifs contradictoires : Code minier national et Code minier communautaire. Cette situation implique des conséquences en termes de sécurité juridique pour les investisseurs et pour l’Etat. L’Etat a été débouté dans plusieurs affaires relatives à la CSMC au nom de la suprématie du Règlement n°18/2003/CM/UEMOA du 23 décembre 2003 portant Code minier communautaire sur le droit national (Décision du 28 mai 2014 du Tribunal régional hors classe de Dakar dans l’affaire SOCOCIM Industries contre Etat du Sénégal).

Gestion institutionnelle essaimée des prélèvements

Dans les différents rapports de l’ITIE-Sénégal, on peut noter que certaines déclarations des organismes collecteurs étaient incomplètes, pendant que d’autres n’ont pas été signées par un représentant habilité. Dans ce contexte, il est impossible de se prononcer sur le caractère exhaustif et//ou fiable des données présentées dans les rapports du CN-ITIE de 2013 à 2017. Qui plus est, les rapprochements de détail entre les déclarations ITIE de l’État et celles des entreprises extractives ont mis en évidence des écarts significatifs. Les importants écarts relevés s’expliquent sans doute principalement par l’absence de fiabilité des données présentées. Sur la base de ces constats, le Ministère de l’Économie et des Finances a doté la Direction Générale de la Comptabilité Publique et du Trésor (DGCPT) d’un outil informatique en réseau, qui lui permettra de suivre les liquidations effectuées (identité du contribuable ; nom de l’impôt) en temps réel et à l’échelle du territoire.

Réorganisation de l’administration fiscale

Le constat unanimement partagé est que les administrations en charge du secteur minier, pour le paiement de leurs impôts, taxes et redevances, sont multiples au Sénégal et relèvent de plusieurs ministères. Cette fragmentation augmente le coût de gestion de ce secteur pour l’État et pour les investisseurs privés ; elle détériore la transparence et la bonne gouvernance de ce secteur et elle expose les investisseurs à des informations publiques contradictoires. Dans sa préface au rapport ITIE Sénégal 2014, le chef de l’Etat faisant un diagnostic analogue préconisait « l’audit et la mise à jour des systèmes des informations du Trésor, son interfaçage avec la Douane et la consolidation des systèmes de cadastre aux niveaux des ministères en charge de l’Energie et des Mines ».

Le nouveau code minier adopté en 2016 prévoit que 20 % des recettes provenant des opérations minières soient versés dans un Fonds de Péréquation et d’Appui aux Collectivités locales (FPACL). Ainsi, le FPACL est alimenté par 20% de la redevance minière et des droits fixes. Cette quote-part à verser aux Fonds est strictement destinée à l’équipement des Collectivités Territoriales. Il est réparti ainsi qu’il suit : une dotation de péréquation aux collectivités territoriales constituée de 40% ; une dotation d’appui à l’équipement des collectivités territoriales (régions, circonscriptions administratives) abritant les opérations minières constituée de 60%. La part versée à chaque région ou circonscription administrative est répartie comme suit : 20 % aux collectivités abritant le site (s) des opérations minières, proportionnellement à leur contribution et au prorata de la taille de la population ; quatre-vingt pour cent (80 %) aux autres collectivités locales de la région circonscription administrative abritant les opérations minières. Cependant, la mise en œuvre du FPACL pose problème. En effet, entre 2010 et 2015, l’Etat du Sénégal a collecté 38 milliards de francs CFA, dont 20% devraient revenir aux collectivités locales soit 7 milliards 400 millions de francs CFA. Certes, l’entrée en vigueur de l’Acte III de la décentralisation a grandement contribué à l’ineffectivité du FPACL : dans la mesure où certaines collectivités locales bénéficiaires du Fonds (la région et la communauté rurale) n’existent plus juridiquement, en même temps qu’une nouvelle catégorie de collectivité locale (le département) a été créée mais ne figure pas parmi lesdits bénéficiaires. Mais, force est de constater que la non opérationnalisation de ce mécanisme est essentiellement due à un manque de volonté politique.

Élaboration d’une vision pétrolière et gazière avec un plan directeur à long terme

Après avoir adopté un nouveau code minier en 2016, le gouvernement du Sénégal a révisé cette année le code pétrolier de 1998 pour répondre aux réalités actuelles et aux nouvelles exigences du développement des ressources pétrolières et gazières. Cependant, l’élaboration de ces nouveaux codes s’est faite avec une faible participation citoyenne, de la société civile et du parlement. Or, au vu de la nouvelle constitution du Sénégal, en vigueur depuis 2016, les ressources naturelles appartiennent au peuple et doivent être utilisées pour assurer son bien-être. Ainsi, le processus d’élaboration de la nouvelle législation minière et pétrolière aurait pu être plus participatif, en prenant en compte les préoccupations des citoyens, en impliquant davantage la société civile à travers des mécanismes d’inclusion.

 

source: Gorée Institute, Promotion de la Bonne gouvernance des ressources naturelles au Sénégal (Note de Synthèse, Janvier 2019)