Guinée Bissau : les défis socio-économiques

Une situation économique fragile

La Guinée-Bissau est l’un des pays les plus pauvres au monde. Sur les 1.844 millions d’habitants que compte la nation, près de 70% vivent dans la pauvreté. L’instabilité étatique engendrée par tous les facteurs susmentionnés a contribué à exacerber la situation économique du pays. Les risques financiers et commerciaux entrainés par l’instabilité politico-institutionnelle du pays éloignent les perspectives d’investissements légaux au sein de celui-ci et sont susceptibles de faire fuir les potentiels investisseurs locaux vers l’étranger. À terme, la Guinée-Bissau pourrait être fortement touchée par le phénomène du « brain-drain », ce qui appauvrirait encore le capital humain indispensable à un développement durable. L’économie du pays est principalement dépendante des exportations de noix de cajou ce qui le rend très vulnérable. Par exemple, le coup d’Etat de 2012 a entrainé une déstabilisation de ce secteur qui constitue le principal moyen de subsistance de 80 % de la population du pays dont une grande majorité de femmes. Cela a accentué la pauvreté et la malnutrition. La Guinée-Bissau bénéficie également d’un fort potentiel en termes de ressources halieutique. Cependant, il semblerait que l’instabilité politique instaurée depuis 2012 ait ralenti les activités de pêche, tout en encourageant la pêche illégale et la corruption, réduisant ainsi les revenus des ménages et les possibilités d’emploi.

Les femmes : premières victimes de la pauvreté

Les femmes représentaient 50.4% de la population bissau-guinéenne en 2015. Selon une étude du PNUD en 2014, la pauvreté est particulièrement accentuée dans les régions du nord du pays où est concentrée la majorité de la population féminine. En raison des discriminations basées sur le genre, les femmes sont plus touchées par cette pauvreté. Elles ont un accès réduit aux ressources disponibles, y compris à la nourriture. De plus, les différentes tâches qui leur incombent les détournent des activités génératrices de revenus et dans le même temps éloignent les jeunes filles des établissements scolaires. Ces dernières sont plus susceptibles de subir un mariage forcé et précoce afin d’alléger les charges économiques de leur famille. Un environnement précaire marqué par l’absence de structures sanitaires expose les femmes enceintes à des risques élevés de malnutrition, de maladies ainsi que de mortalité maternelle.

Dans les milieux ruraux, le poids de la société patriarcale s’accentue. Les pratiques traditionnelles telles les mariages précoces et forcés, les mutilations génitales féminines, la polygamie ainsi que le lévirat sont monnaie courante. Ce phénomène ajouté à la misère des femmes, pousse un certain nombre d’entre elles à se livrer à la prostitution tant localement que dans la région de la Casamance au Sénégal. Une situation qui contribue à exacerber la situation sanitaire de la région en propageant l’épidémie du VIH/Sida en raison du manque d’accès aux protections adéquates.

D’après UNICEF, le taux de participation des filles à l’école secondaire sur la période 2008/2013 était seulement de 20%. Ce manque d’accès à l’éducation explique leur difficulté à accéder à la justice pour faire valoir leurs droits ainsi que leur faible représentation dans la vie publique et politique.

Les jeunes : force vive délaissée par le pays

La population bissau-guinéenne est en grande partie composée de jeunes. L’âge moyen de la population est de 20 ans et 41% des citoyens ont moins de 14 ans. La situation des jeunes bissauguinéens est cependant peu enviable. Cette tranche de la population est fortement touchée par le sous-emploi et par le chômage. D’après les dernières données disponibles en 2011, le taux de chômage des jeunes avoisinait les 30%. Les perspectives d’emploi dans le secteur privé sont très faibles, l’Etat reste donc le premier employeur des jeunes. Le manque d’éducation et de structures d’enseignement constitue un frein majeur au développement du pays. Des enjeux sanitaires se distinguent également au niveau de la jeunesse. Le manque d’accès aux soins, l’absence d’informations notamment concernant les Infections Sexuellement Transmissibles ainsi que la déficience des services de dépistage favorisent la propagation d’épidémies comme le VIH/Sida dans le pays. D’autre part, les infrastructures pour la jeunesse dédiées à l’exercice d’activités sportives ou culturelles sont inexistantes. Tous ces facteurs placent les jeunes dans une situation difficile favorisant leur implication dans la petite délinquance ou dans le narcotrafic international.

En Somme, l’histoire de la Guinée-Bissau a été ponctuée de nombreux conflits, crises et assassinats politiques déstabilisant le fonctionnement des institutions du pays. La gouvernance politique est fragilisée par divers facteurs comme les divisions au sein des équipes dirigeantes, l’insubordination des personnels militaires, la faiblesse de l’appareil judiciaire, le manque de contrôle démocratique du secteur de la sécurité ou encore la prépondérance du narcotrafic international. Cet état de fait empêche le pays de se développer et place la population dans une insécurité chronique affectant surtout les femmes et les jeunes. Pour résoudre ces crises, les dirigeants du pays doivent se soumettre aux initiatives de médiation de la CEDEAO et montrer une réelle volonté de négocier. Ils devraient faciliter la mise en œuvre du plan d’action de lutte contre le narcotrafic établis par les différentes organisations régionales telles INTERPOL ou UNODC. Il serait également judicieux d’effectuer une réforme du secteur de la sécurité associée au développement d’une justice effective et impartiale pour mettre fin au règne des militaires et à l’impunité.

Source : Rapport Gorée Institute (2017) sur les enjeux sécuritaires en Afrique de l’Ouest : focus sur le Burkina Faso, la Guinée-Bissau et le Sénégal