Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique
Introduction
Le secteur extractif est un vecteur de développement lorsqu’il est bien gouverné. Il produit de nombreux emplois, non seulement pour les nationaux, mais aussi pour les étrangers. Cependant, l’égalité d’accès à l’emploi demeure toujours problématique, surtout pour les femmes qui persistent à exiger l’application des textes protecteurs de leurs droits. Cette revendication n’est pas la seule car les femmes proposent également les conditions d’amélioration de leurs droits dans la gouvernance du secteur extractif (mine, carrière, pétrole, gaz). C’est dire que la situation des femmes dans ce secteur porteur de développement mérite réflexion afin d’appréhender les faiblesses au sujet de la reconnaissance des femmes dans la gouvernance des ressources naturelles.
A travers les textes, il est aisé de constater que les femmes bénéficient de prérogatives liées au droit d’accès à l’emploi, sous-tendues par un principe interdisant toute discrimination fondée sur le sexe. Il ne s’agit pas, dans ce document, d’aborder tous les droits des femmes dans le secteur extractif, mais de relever quelques-uns permettant de faire une appréciation des droits les plus revendiqués par les femmes qui les poussent souvent à mettre en place des organes de défense de leurs droits dans la gouvernance des ressources naturelles.
La place des femmes est au centre des discussions du fait de leurs sorties intempestives pour exiger le respect de leurs droits clairement consacrés. Toutefois, des limites naturelles et culturelles, souvent invoquées à tort, ont réussi à restreindre l’application rigoureuse de ces droits tant réclamés dans l’exécution des projets miniers, pétroliers et gaziers.
Les frustrations des femmes n’escamotent pas cependant l’existence d’instruments juridiques qui leur sont favorables, même si on peut douter de leur efficacité à réduire les cas de violation des droits des femmes. La plaidoirie à l’application des droits des femmes est portée par des ONG et d’autres organisations de la société civile. Au-delà de l’exigence d’une application stricte des principes qui encadrent l’accès à l’emploi, c’est leur perfectionnement qui est demandé.
Ainsi, dans une approche analytique, il nous semble plus cohérent de repréciser l’état des lieux des droits des femmes, ce qui nous conduit à examiner la situation des droits des femmes dans l’exploitation des ressources naturelles (I). Cette situation contraste aux principes dégagés pour la prise en compte des droits des femmes, encourage une réflexion sur l’avenir du droit des femmes dans l’exploitation des ressources naturelles (II).
I : La situation des droits des femmes dans le contexte de l’exploitation des ressources minérales
L’exploitation des ressources naturelles a généré une législation hybride. Cette diversité de textes au service d’une exploitation stable des ressources minérales n’a pas manqué de réserver une place aux femmes. Ces dernières continuent de brandir l’inefficacité de leurs droits du fait du comportement des gouvernants et des Etats propriétaires des ressources minérales. Malgré les reproches initiés par les femmes, la reconnaissance de leurs droits est affirmée dans le secteur extractif (A). Cependant, elle souffre d’une négligence qui provoque les frustrations (B).
A / La reconnaissance des droits des femmes affirmée dans le secteur extractif
Il est difficile d’admettre, expressément, l’inexistence des droits des femmes en général. En effet, ces droits sont reconnus par les textes constitutionnel et législatif des pays d’Afrique. La reconnaissance de ce droit est proclamée dans la Constitution sénégalaise qui dispose expressément en son article 7. Al.4 que « tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Les hommes et les femmes égaux en droit. ». La Constitution ajoute que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions »[1]. Article 7.al.5.).
Relativement à l’accès à la terre, l’article 15.al.2 de la même Constitution dispose que « l’homme et la femme ont également le droit d’accès à la propriété de la terre dans les conditions déterminées par la loi ». L’insertion de ces droits dans la loi fondamentale nécessitait, cependant, une formulation expresse dans les textes législatifs destinés à la gouvernance des ressources minérales. Longtemps méconnu dans les différents Codes qui se sont succédés après l’accession à l’indépendance, les femmes retrouvent leur droit consacré en faveur de la réforme de 2016 portant Code minier du Sénégal. Désormais, la reconnaissance des droits des femmes à l’accès à l’emploi dans le secteur extractif, notamment minier, est expressément admise sans ambages. C’est l’article 109 qui révèle cette reconnaissance en disposant que les titulaires de titres miniers et leurs sous-traitants sont tenus de promouvoir l’égalité des chances à l’emploi entre les femmes et les hommes dans la sphère professionnelle, de garantir l’équité salariale entre les employés féminins et masculins à qualification égale ». La lecture combinée des deux alinéas enlève toute ambiguïté sur l’existence d’un droit des femmes à un emploi dans le secteur minier.
Il semble qu’il s’agit là d’une répétition ou d’un besoin de précision, car l’article 1.al.2 du Code du travail, disposait clairement que l’Etat assure l’égalité de chance et de traitement des citoyens en ce qui concerne l’accès à la formation professionnelle et à l’emploi sans distinction d’origine, de race, de sexe et de religion.
Cette précision du traitement des femmes observée dans le Code minier est absente dans le Code pétrolier de 1998. Le législateur préfère ne pas faire de distinction en utilisant des termes impersonnels. Relativement à l’indemnisation, la loi pétrolière dispose que « Le titulaire d’une convention ou d’un contrat de services est tenu d’indemniser l’Etat ou toute autre personne pour les dommages et préjudices résultant des opérations pétrolières et causés par lui-même ou les entreprises travaillant pour son compte[2]. A la différence du Code minier, le code pétrolier ne précise pas expressément l’égal accès des femmes à l’emploi. Il mentionne simplement que le titulaire de contrat pétrolier ainsi que les entreprises travaillant pour leur compte doivent « employer, à qualification égale, en priorité, du personnel sénégalais pour la Réalisation des opérations pétrolières sur le territoire de la République du Sénégal » [3]. Cette disposition semble rejoindre l’esprit du Code du travail qui, sans distinction de sexe, emprunte le concept « personnel sénégalais » qui peut englober à la fois des hommes et des femmes.
Cette reconnaissance des droits des femmes est également introduite dans les différents instruments juridiques internationaux et communautaires. Même si le secteur n’est pas souvent précisé, on constate une reconnaissance dispersée du droit des femmes dans les secteurs d’activité réservés à l’homme. A cet effet, le protocole de Maputo, sans préciser le secteur d’activité, ordonne les États à adopter et à mettre en œuvre des mesures législatives et autres mesures visant à garantir aux femmes l’égalité des chances en matière d’emploi, d’avancement dans la carrière et d’accès à d’autres activités économiques[4]. Pour atteindre cet objectif sur le continent africain, les Etats doivent promouvoir l’égalité en matière d’accès à l’emploi et le droit à une rémunération égale des hommes et des femmes pour des emplois de valeur égale[5]. Cette disposition n’exclut pas le secteur des mines qui génère beaucoup d’emplois, notamment avec la mise en place d’un cadre juridique relatif au contenu local. La promotion des droits des femmes dans la gestion des ressources naturelles a été également l’œuvre des Nations Unies, notamment avec la déclaration de Beijing en Chine. Classée comme domaine critique, la déclaration de Beijing s’est prononcée sur la situation des femmes dans le secteur des ressources naturelles.
Ainsi, les acteurs audibles[6] sont appelés à prendre des mesures stratégiques dans les domaines critiques notamment « les disparités entre les hommes et les femmes dans le domaine de la gestion des ressources naturelles et de la préservation de l’environnement »[7]. Dans l’optique d’une reconnaissance de la contribution des femmes dans le secteur extractif, les gouvernements et les autres acteurs doivent « favoriser une politique active et visible en vue d’intégrer une démarche soucieuse de l’égalité entre les sexes dans toutes les politiques et tous les programmes en analysant notamment, le cas échéant, les conséquences qui en résultent, respectivement, pour les femmes et pour les hommes, avant toute prise de décisions »[8].
La consécration de ces textes dans le but de faire de la femme une actrice dans la gestion des ressources naturelles ne semble pas trouver échos chez les gouvernants du fait de nombreuses revendications répétitives des femmes pour la reconnaissance de leurs droits. Il semble que ces derniers sont souvent négligés, nonobstant la diversité de textes adoptés pour la promotion de la femme dans le secteur extractif.
B/ Une reconnaissance des droits des femmes négligée dans le secteur extractif
L’abondance des instruments juridiques relatifs à la reconnaissance des droits des femmes dans le secteur extractif n’est pas bien ressentie par les femmes qui continuent à dénoncer la négligence de leur droit. Même si elles sont associées dans les prises de décision au niveau des ministères, il semble que cette reconnaissance est loin de traduire les réalités qui leurs sont accordées de manière globale. En effet, l’accès à l’emploi demeure le véritable défi des femmes dans l’industrie minière. Effectivement, des études menées en partenariat avec la Banque mondiale et l’ITIE [Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives] montrent qu’au Sénégal, moins de 25% de femmes travaillent actuellement au niveau des industries extractives[9]. Lors de ce panel, les participants n’ont pas manqué de souligner que « le secteur des mines est une activité qui donne en ce moment peu d’opportunités aux femmes en termes de revenus et d’emplois et de conditions humaines »[10]. S’agit-il d’une violation de la loi ou de l’absence de femmes répondant aux critères prescrits par les différents instruments juridiques chargés de veiller au respect des droits des femmes ? Sur ce point, il semble que la violation de l’égalité des chances à l’emploi entre les hommes et les femmes est le résultat de la violation de l’égalité d’accès à une formation professionnelle permettant aux femmes de remplir les conditions exigées dans le secteur extractif.
Il convient de préciser que le droit d’aces à une formation professionnelle a été aussi proclamé par la déclaration de Beijing. Ladite déclaration ordonne les Etats à assurer l’accès des femmes à la formation professionnelle et à l’information afin de renforcer leur pouvoir d’action[11]. Pourtant, la garantie du principe de la non-discrimination[12] incombe aux Etats[13] qui doivent veiller à leur stricte application. Ainsi donc, la faiblesse du pourcentage des femmes travaillant dans les industries extractives a pour cause d’une part, un faible taux d’alphabétisation, et d’autre part, un faible taux de formation professionnelle en conformité aux métiers de mine ou de pétrole. Il est vrai que l’inégal accès à l’éducation est susceptible d’être la cause de ce faible taux de travailleuses dans le secteur extractif. Les responsabilités sont donc partagées par la négligence du droit des femmes dans le secteur extractif. Or, selon la déclaration du Beijing, « les femmes ne pourront prendre une part plus active au changement que si l’égalité d’accès à l’éducation et l’obtention de qualifications dans ce domaine leur sont assurées ». D’ailleurs, la déclaration mondiale sur l’éducation avait préconisé le développement des services éducatifs de qualité et la prise de mesures systématiques pour réduire les disparités relatives à l’accès à l’éducation. C’est dans cette perspective que les rédacteurs de ladite déclaration ont rappelé que « la priorité absolue devrait être d’assurer l’accès des filles et des femmes à l’éducation et d’améliorer la qualité de la formation qui leur est dispensée, ainsi que de lever tous les obstacles à leur participation active. Tous les stéréotypes sexuels sont à bannir de l’éducation »[14]. En réalité, c’est la négligence de ces prérogatives reconnues aux femmes qui justifie leur faible intervention en actrice majeure dans le secteur extractif.
Parfois, la négligence du droit d’accès à l’emploi dans le secteur extractif est organisée par les textes nationaux même qui délimitent le domaine d’intervention des femmes du fait de leur vulnérabilité. Ces textes formulent plusieurs interdictions à l’endroit des femmes, ce qui est susceptible de réduire leur nombre dans les mines, les carrières ou le pétrole. Ainsi, dans les usines, manufactures, mines et carrières, chantiers (notamment de route et de bâtiments) et ateliers, de leurs dépendances, les femmes ne peuvent être employées à aucun travail de nuit[15]. En outre, il est interdit d’employer les femmes aux travaux souterrains des mines et carrières.
En somme, l’examen des différents instruments juridiques faisant la promotion du droit des femmes nous conduit à constater qu’ils se heurtent à des réalités comme la vulnérabilité de la femme et le refus de certains parents d’inscrire leur fille à l’école. A cet égard, l’avenir des droits des femmes doit préoccuper les acteurs du secteur extractif.
II : L’avenir des droits des femmes dans l’exploitation des ressources minérales
L’arsenal juridique reconnu aux femmes est assoupli dans l’exécution, ce qui active les nombreuses dénonciations et création d’organisation de défense des femmes. Pour endiguer ces manquements, la solution demeure une application stricte des droits existants (A), tout en les améliorant pour faire de la femme une véritable actrice dans le secteur extractif (B).
A/ Une nécessaire application des droits des femmes existants
Nonobstant les pluralités des textes qui attribuent des droits aux femmes, il convient de constater que le rôle des femmes dans le secteur extractif demeure toujours problématique. Elles continuent à manifester contre la négligence de leurs droits qui doivent être préservés comme le prévoit les instruments juridiques internationaux. Cette faible implication des femmes a favorisé la création d’association féminine pour la reconnaissance effective de leurs droits et la hausse de leur représentation dans les différentes instances de décisions. Au Sénégal, la création de l’Association des femmes du secteur minier et pétrolier du Sénégal « Women In Mining Sénégal » semble être une réaction contre ce déficit de reconnaissance de leur droit.
Cette organisation a procédé au lancement officiel d’un plan stratégique pour l’horizon 2019-2022. Le document qu’elles ont produit vise le renforcement du faible pourcentage (9%) des femmes dans les secteurs miniers et pétroliers au Sénégal[16]. Ce document vise par ailleurs un objectif global qui est le développement durable et inclusif des femmes dans le secteur extractif[17]. En effet, l’application du droit des femmes dans le secteur extractif demeure une préoccupation des femmes qui dénoncent le non-respect des dispositions interdisant la discrimination entre homme et femmes.
C’est pourquoi l’une des pierres angulaires de la stratégie WIM Sénégal est de redonner au leadership féminin la place qui lui est due dans le domaine des mines et des hydrocarbures. Cette place n’est, à notre avis, que le respect des instruments juridiques internationaux. Effectivement, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples déclarait que « Toute personne a droit à la jouissance des droits et libertés reconnus et garantis dans la présente Charte sans distinction aucune, notamment de race, d’ethnie, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation »[18]. A cet égard, le protocole de Maputo ordonnait les Etats membres à « prendre des mesures correctives et positives dans les domaines où des discriminations de droit et de fait à l’égard des femmes continuent d’exister »[19]. Pour l’intégration de la préoccupation des femmes dans les politiques et programmes de développement durable, les gouvernants doivent au préalable, « évaluer les politiques et programmes en fonction de leurs répercussions sur l’environnement et des possibilités qu’ils donnent aux femmes d’accéder aux ressources naturelles et de les utiliser »[20].
Par ailleurs, il est important de signaler que le droit des femmes ne traduit pas uniquement leur association dans les prises de décision. Il peut arriver qu’avec l’exercice d’un droit minier ou pétrolier, leur droit soit ignoré par les entreprise. Certaines initiatives de portée internationale ont saisi l’occasion pour exiger la reconnaissance des droits des femmes dans les opérations minières et pétrolières. Ainsi, pour évaluer les risques relatifs aux droits de l’homme, les entreprises devraient identifier et évaluer toutes les incidences négatives effectives ou potentielles sur les droits de l’homme dans lesquelles elles peuvent avoir une part soit par le biais de leurs propres activités, soit du fait de leurs relations commerciales[21]. Ce processus devrait en réalité recourir à des compétences internes et/ou indépendantes externes dans le domaine des droits de l’homme[22] et comprendre de véritables consultations avec des groupes et autres acteurs concernés susceptibles d’être touchés, et ce en fonction de la taille de l’entreprise et de la nature et du cadre de l’activité[23]. Il est fréquent que les femmes soient victimes de l’inapplication par exemple de l’article 109 du Code minier du Sénégal de l’article 7 de la loi sur le contenu local.
Par ailleurs, certaines femmes peuvent faire l’objet d’expulsion en vue de mettre en œuvre les projets miniers ou pétroliers. A cet égard, il est précisé que les Etats doivent garantir le droit égal des femmes et des hommes d’être protégés contre les expulsions forcées et la jouissance égale du droit fondamental à un logement convenable et à la sécurité d’occupation tels que définis dans les présentes directives[24]. Dans ces projets de développement, des mesures spéciales devraient être prises pour assurer la participation égale des femmes à tous les processus de planification et à la répartition des services et équipements de base[25].
La nécessaire application du droit des femmes dans le secteur a été rappelée au sein de la CEDEAO notamment dans la directive 2009. Selon cette directive, « les Etats membres, les titulaires de droits ou titres minières et autres entités commerciales impliquées dans l’exploitation minière ont l’impérieux devoir de garantir le respect et de promouvoir les droits de l’homme reconnus sur le plan international y compris les droits des femmes, des enfants et des travailleurs en matière d’activités minières »[26]. Cependant, l’application des droits reconnus aux femmes semble être une vieille exigence car les revendications les plus fréquentes consistent à l’améliorer.
B/ Une nécessaire amélioration des droits des femmes existants
La prise en compte de la place des femmes dans le secteur extractif nécessite une amélioration de leurs droits. Dans cette perspective, il ne s’agit pas de prévoir d’autres textes car ceux en vigueur prônent l’égalité d’accès à l’emploi. L’amélioration des droits des femmes consistera à préciser expressément les droits dans les différents textes spécifiques destinés à encadrer l’exploitation d’une ressource minérale donnée. A titre de rappel, traditionnellement, il y a trois catégories de ressources minérales : les minières, les carrières et les hydrocarbures avec comme ressources le gaz et le pétrole. L’exploitation de ces différentes ressources est gouvernée par les codes miniers, codes pétroliers et code gazier. Il semble que seul le code minier brille par sa clarté à propos de l’interdiction de toute discrimination liée à l’accès à l’emploi. En effet, la clarté de l’article 109 du Code minier qui oblige aux titulaires de titres miniers « de promouvoir l’égalité des chances à l’emploi entre femmes et les hommes et garantir l’équité salariale entre les employés féminins et masculins à qualification égale » n’a pas d’équivalent dans les autres Codes adoptés pour l’exploitation d’une substance donnée. En matière d’emploi, le code pétrolier du Sénégal précise de manière générale que « les titulaires de contrat pétrolier ainsi que les entreprises travaillant pour leur compte doivent employer, à qualification égale, en priorité, du personnel sénégalais pour la réalisation des opérations pétrolières sur le territoire de la République du Sénégal »[27]. Cette disposition est reprise par la loi de 2019 relative au contenu local sans préciser l’égalité d’accès à l’emploi entre homme et femme.
Il nous semble que les améliorations des droits des femmes dans le secteur extractif doivent être axées d’une part sur la précision de leurs droits et l’application des textes et d’autre part sur le renforcement de leur capacité professionnelle, qu’elles puissent être compétitives au même titre que les hommes.
Par ailleurs, il est nécessaire de veiller au droit des femmes impactées par les activités extractives. A cet effet, l’ONG Oxfam avait rappelé dans un document que « pour promouvoir un développement durable et contribuer à la réalisation de l’ODD 5, il est urgent et nécessaire que les gouvernements, les entreprises et les Institutions Financières Internationales (IFI) tiennent compte des impacts des IE sur les droits des femmes »[28]. La recommandation qui s’en est suivie est la mise en place de cadres législatifs et politiques sensibles au genre[29]. A cet égard, certains cadres régionaux de gouvernance des industries extractives prêtent attention aux questions de genre, mais ces cadres sont mal appliqué,s ce qui accentue le déficit de la prise en compte des droits des femmes dans le secteur extractif. En effet, la vison minière africaine fait la promotion de l’égalité entre les sexes. Dans ses propositions, la vision minière africaine présente un secteur minier durable et bien régi qui produit effectivement et génère des rentes sur les ressources, qui est sûr, sain, tient compte des aspects genre et ethnie, de l’environnement, qui est socialement responsable et est apprécié des communautés environnantes[30].
Au Sénégal, toutes ces dispositions sont introduites dans l’ordonnancement juridique, mais le vrai problème se situe au niveau de leur application concrète. Cette perception est partagée d’ailleurs avec les femmes membres du Réseau Africain pour le Développement Intégré (RADI). En effet, lors d’un séminaire organisé par le RADI au FASTEF sur le leader féminin, elles ont reconnu que « la protection des droits de la femme a connu une amélioration significative au plan juridique et institutionnel, mais beaucoup reste à faire dans l’application pratique des dispositions existantes »[31]. Par conséquent, il nous semble que pour améliorer les droits des femmes dans le secteur minier les Etats doivent aussi sanctionner les entreprises minières ou pétrolières des manquements liés aux respects des droits des femmes, notamment le principe de l’égalité des chances à l’emploi entre les hommes et les femmes. Cela nécessite un contrôle efficace des modes de recrutement des employés. En outre, il est important de garantir leur condition d’accès à la terre après déguerpissement pour les raisons de réalisation d’un projet minier ou pétrolier.
Conclusion
Le droit des femmes dans le secteur extractif est un droit reconnu au niveau interne et international. Il s’agit d’un droit fondamental qui attribue aux femmes l’égal accès à l’emploi avec les hommes sans discrimination. Ce droit est cependant négligé malgré son existence dans les différents instruments juridiques nationaux et internationaux. Cette négligence est le résultat d’une part d’un taux de scolarisation faible des femmes et d’autre de leur vulnérabilité à exercer certains emplois dans le secteur extractif. Par ailleurs, les femmes victimes des opérations minières et pétrolières éprouvent d’énormes difficultés pour bénéficier des compensations adéquates. Ce constat avéré nécessite une amélioration des droits pour réduire les cas de violation de leurs droits. Pour ce faire, les Etats et les entreprises doivent s’allier pour mettre en œuvre les droits qui leur sont réservés.
[1] V°. art. 7. De la constitution du Sénégal
[2] V°. Art. 52. Loi n°98-05 du 08 Janvier 1998 portant Code pétrolier du Sénégal. v°. Art. 57. Loi n°2019-03 du 1er 2019 portant Nouveau code pétrolier du Sénégal
[3] V°. art. 53 CP du Sénégal de 1998. V°. art. 58. CP. Du Sénégal 2019.
[4] V°. art. 13. Protocole à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes adopté le 11 juillet 2003 à Maputo.
[5] Ibid.
[6] V°. Article 44. De la déclaration et programme d’action de Beijing-15 septembre 1995.
Il s’agit des gouvernants, la communauté internationale, la société civile, les ONG du secteur privé.
[7] V°. art. 44. De la déclaration et programme d’action de Beijing-15 septembre 1995.
[8] V°. Art. 252. De la déclaration de Beijing. Op.cit.
[9] Information disponible sur le lien suivant : (https://www.business-humanrights.org/fr/sénégal-moins-de-25-de-femmes-travaillent-dans-les-industries-extractives).
[10] Ibid.
[11] Voir article 35 (Annexe 1), De la déclaration de Beijing -1995.
[12] V°. Convention OIT n°111.
[13] Adelina Miteva et jean Marie Pean, « Non-discrimination et l’égalité dans l’emploi et la profession », études réalisées par le BIT- 2009. p.3.
[14] V°. art. III. De la déclaration sur l’éducation pour tous. Adoptée au 05-09 mars 1990 à JOMTIEN (Thaïlande).
[15] V°. Article 3. Arrêté général n° 5254 I.G.T.L.S./A.O. F du 19 juillet 1954 relatif au travail des femmes et des femmes enceintes.
Voir article 9, du même arrêté.
[16] Disponible sur le lien suivant : (http://www.sudonline.sn/women-in-mining-senegal-s-engage_a_46005.html).
[17] Ibid.
[18] V°. Article 2. Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
[19] Protocole à la charte africaines des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes.
[20] V°. Art. 256. (Paragraphe b). Declaration Beijing. 1995.
[21] Principe 18 du Guide interprétatif : La responsabilité des entreprises de respecter les droits de l’homme, 2012. p.41.
[22] Ibid.
[23] Ibid.
[24]V°. Principe de base et directives concernant les expulsions et les déplacements liées au développement. Annexe 1 du rapport du rapporteur spécial sur le logement convenable en tant qu’élément du droit à un niveau de vie suffisant. A/HRC/4/18.
[25] Principe de base et directives concernant les expulsions et les déplacements liées au projet de développement. Op. cit.p.12.
[26] V°. art. 15. Directive C/DIR 3/05/09 en date du 27 mai 2009 portant sur l’harmonisation des principes directeurs et des politiques dans le secteur minier.
[27] V°. Art. 58 (paragraphe c), Loi n°2029-03 du 1er février 2019, Portant Code pétrolier du Sénégal.
[28] Oxfam International, « exposé de position sur la justice de genre et les industries extractives », Mars 2017.p.10 : disponible sur le lien suivant : (https://s3.amazonaws.com/oxfam-us/www/static/media/files/Exposé_de_position_sur_la_justice_de_genre_et_les_industries_extractives.pdf).
[29] Ibid.
[30] Vision du régime minier de l’Afrique, février 2009. P.V.
[31] (https://www.genreenaction.net/Senegal-Droit-des-femmes-Amelioration.html). Consulté le