Stabilité démocratique et consolidation de la paix : coup d’œil sur les notions et les interactions

Stabilité démocratique et consolidation de la paix : coup d’œil sur les notions et les interactions

Notion de stabilité démocratique

Pour parler de stabilité démocratique, il faudrait tout d’abord spécifier sur le concept de démocratie. Le mot « démocratie » tire ses origines des mots grecs « demos » (peuple) et « kratos » (pouvoir, autorité). Elle pourrait donc facilement être comprise comme le pouvoir du peuple. Allant dans un sens plus exhaustif, l’ancien Secrétaire Général des Nations Unies, Boutros Boutros-Ghali conçoit la démocratie comme « un régime politique où l’appareil institutionnel donne corps à l’idéal d’un pouvoir politique exprimant la volonté du peuple ».

Mais, au fil des siècles, la démocratie a été appliquée de multiples manières et s’est agrémentée de divers éléments. Les règles les plus simples de la démocratie mettent en évidence le principe d’élections libres et loyales, alors que plus largement, les concepts d’Etat de droit, de libertés individuelles, des limites et contrepouvoirs constitutionnels, le contrôle civile des forces armées, accompagnés de valeurs telles que la tolérance et la civilité, sont mis en exergue, d’où ces propos de Larry Diamond :  » (…) La démocratie requiert un ensemble distinct des valeurs et orientations de la part des citoyens: modération, tolérance, civilité, efficacité, savoir, participation ». Cependant, il faut qu’un ensemble de conditions telles qu’une forme d’organisation politique, un régime démocratique prônant le respect de la séparation des pouvoirs, l’indépendance de la justice et du législatif soient aussi réunies pour qu’on puisse parler de démocratie. Nonobstant le fait qu’elle soit considérée comme le meilleur modèle politique, la démocratie est aujourd’hui en pleine crise et souvent considérée comme un processus incomplet. Ainsi, parler de stabilité démocratique peut paraître antinomique. Pour qu’une démocratie soit considérée comme stable, il faudrait un régime démocratique fort, capable de prévenir et de résister à de probables conflits.

Notion de consolidation de la paix

La paix se conçoit comme une absence de violence et de conflits mettant un point d’honneur sur le développement de facteurs de coopération et d’intégration entre groupes et nations pour une paix durable, d’où le concept de consolidation de la paix. Boutros Boutros-Ghali, instigateur de ce dernier le définit comme « une action menée en vue de définir et d’étayer les structures propres à raffermir la paix afin d’éviter une reprise des conflits et des hostilités. Elle débute avec des actions en faveur du maintien de la paix et se termine par la reconstruction et l’aide au développement ».

Interactions entre stabilité démocratique et consolidation de la paix

Se rapportant à l’aspect conceptuel, l’avènement de la démocratie dans les manœuvres de paix trouve son origine dans le principe de la paix démocratique qui instaure de facto une corrélation entre paix et démocratie. Par conséquent, de quelle manière la stabilité démocratique participe-t-elle à la consolidation de la paix ? En effet, dans son essence même, la démocratie impose aux organismes la capacité de réfréner les conflits. Cependant, il est nécessaire de rappeler que la démocratie sous certains abords ne permet pas d’abroger les conflits. Néanmoins, elle permet qu’ils ne puissent prendre une dimension trop importante de peur que ces conflits se transforment en crise institutionnelle voire même socio-politique. Et cela, la Déclaration universelle sur la démocratie affirmant que « les institutions démocratiques ont pour rôle d’arbitrer des tensions et de maintenir l’équilibre entre ces aspirations concurrentes que sont la diversité et l’uniformité, l’individuel et le collectif, dans le but de renforcer la cohésion et la solidarité sociale » le confirme bien. Maurice Duverger abonde dans la même sens car parlant d’instituer un climat de paix au détriment de la violence. Aussi, il est fréquemment démontré généralement en Afrique et plus particulièrement en Afrique de l’Ouest que la cause principale des conflits est liée à un faible apport démocratique. Cependant, une constatation a été faite : la vague de démocratisation survenue dans les années 90 a réduit de 60% le nombre et l’envergure des conflits. Ainsi, la consolidation de la paix passe par la démocratie qui en est donc un élément essentiel.

L’Afrique de l’Ouest : un espace conflictuel ?

L’espace Ouest-africain est une zone particulièrement conflictuelle. Les conflits les plus longs et les plus violents y ont élu domicile. De même, la plupart des pays de l’espace ont été ravagés par les guerres civiles. Le Sénégal et le Cap-Vert sont les deux seuls pays à n’avoir pas connu de coups d’Etat. Ainsi, les origines de ces conflits sont diverses, mais on peut affirmer qu’ils sont le plus souvent d’enjeu de pouvoirs et du contrôle des ressources naturelles. Aussi, l’ethnicité a souvent été mise en avant comme facteur explicatif de ces conflits, mais il apparaît qu’elle en ressort comme un subterfuge pour masquer des ambitions économiques. Ces précédents arguments émis sont confirmés par Paul Collier et Bruno Hellendorf qui estiment que les conflits en Afrique tirent leurs racines de facteurs économiques ainsi que dans la politique de gestions des ressources naturelles. De plus, comme autres facteurs de conflit, nous pouvons citer le facteur religieux qui aggrave les tensions, mais également de nouveaux facteurs qui entrent en jeu, notamment le terrorisme et le trafic de drogue qui, à eux seuls, menacent l’équilibre de toute la région ouest-africaine.

L’Afrique de l’Ouest : un espace démocratique ?

Le classement des pays ouest-africains dans l’indice de démocratie montre qu’ils ont encore beaucoup de progrès à faire dans ce domaine. Car la plupart des pays de la zone sont qualifiés de « régime autoritaire » ou « démocratie hybride ». En effet, depuis les indépendances, les pays d’Afrique ont souvent connu des régimes dictatoriaux et cet autoritarisme s’est étendu jusqu’aux années 90. S’agissant de l’Afrique francophone, elle a officiellement intégré les principes de la démocratie lors du sommet de Baule tenu en France en 1990. Conséquemment, cette vague de démocratisation a engrangé plusieurs réformes telles que le pluralisme, la reconnaissance des libertés, l’aménagement d’un statut pour l’opposition, le renforcement de l’Etat de droit ainsi que la liberté de la presse. Cependant, malgré les avancées significatives, la démocratie a connu un recul sans précédent dans plusieurs pays notamment avec la résurgence des coups d’Etat et l’ingérence des forces armées dans la vie politique. De même, nous pouvons citer comme autres facteurs le regain des régimes présidentialistes où les dirigeants africains s’accaparent du pouvoir en multipliant les mandats, les atteintes aux droits de l’homme encore grandement présentés sur le continent africain. Ces derniers facteurs mis en exergue montrent que la concrétisation de la consolidation de la démocratie en Afrique reste encore difficile.

Quelles voies pour la stabilité démocratique en Afrique ?

Au vu de toutes les assertions faites ci-dessus, il est fondamental de se demander si pour certains pays il faudrait parler de stabilité démocratique ou de démocratisation. Assurément, pour qu’un pays soit considéré comme démocratiquement stable, il est nécessaire qu’il arrive à un certain degré de démocratie ou qu’il fasse tout pour la consolider. Cependant, pour certains pays, l’application de principes démocratiques est encore loin d’être totalement effective, d’où le fait qu’on parle de processus de démocratisation qui peut être compris comme « le passage d’un régime autoritaire à un régime de plus en plus participatif grâce à divers mécanismes : tenue périodique d’élections, responsabilité des pouvoirs publiques, transparence de l’administration publique, indépendance du pouvoir judiciaire et liberté de la presse ».

Mais une autre interrogation importe reste encore à soulever : la démocratie ne doit-elle pas être repensée pour mieux prendre en compte les réalités africaines ?

Pour conclure, les Etats africains abordent les principes démocratiques de manière différente. De plus, les facteurs d’instabilité des pays diffèrent d’un pays à un autre. Mais certains pays tentent peu ou prou d’inclure les principes de la démocratie à différentes échelles. Ainsi, l’objectif final de cette réflexion est de penser les différents conflits africains et de faire jaillir des idées nouvelles sur les moyens de consolider la paix et de promouvoir la stabilité démocratique en raison de la fréquence des conflits qui remettent en cause la démocratie sur le continent africain.

Source : Instabilité institutionnelle et Sécurité humaine, Gorée Institute 2012