Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique
Source: www.matinlibre.com
IDDA, Institut pour la Démocratie et le Développement en Afrique à ses débuts, aujourd’hui Gorée Institute. Les dénominations ont peut-être évolué avec le temps, mais la vision et les objectifs stratégiques demeurent eux, intacts. Solidement enraciné dans l’histoire de l’Afrique du Sud alors en pleine lutte pour une société plus juste et équitable, l’Institution plus de vingt ans après sa création, garde l’ambition clairement affichée de contribuer à l’édification d’une Afrique « juste, paisible et prospère ». Installé à Gorée, petite île de la baie de Dakar, au Sénégal, l’Institut mène différentes activités dans les domaines de la démocratisation, des élections, de la prévention des conflits, de la consolidation de la paix et de la sécurité humaine. Ses maîtres mots sont la paix, et le dialogue. L’institution a tenu encore un fois à l’affirmer à travers une de ses activités phares : la formation. Du 20 au 23 avril dernier, elle a réuni au cours d’un atelier une dizaine de journalistes (17) de différents pays africains : Guinée-Conakry, Guinée-Bissau, Mali, Burkina Faso, Togo, Sénégal, Côte d’Ivoire, et bien sûr le Bénin à travers Matin Libre et Radio Tokpa.
Monsieur Wane, Directeur des Ressources Humaines travaille à Gorée Institue depuis 20 ans. Comme il le résume lui-même « J’ai été acheté avec les meubles ». A constater sa spontanéité, son enthousiasme et son esprit d’ouverture, propres d’ailleurs aux autres membres de l’équipe que nous avons eu le plaisir de côtoyer durant ces jours de formation, on ne peut que rêver de travailler dans un cadre aussi naturel et atypique, où l’ambiance intimiste des lieux, vous préserve de la pollution, des bruits et cadences infernales de la ville. Visitée presque guidée de Gorée Institute à travers cette interview.
Monsieur Wane, pouvez-vous nous précisiez les objectifs visés par cet atelier
Vous aurez remarqué que les conflits de façon générale, pour ne pas dire la guerre, n’a rien perdu de son actualité. La nouveauté, c’est que ce sont ses formes, ses acteurs qui ont changé. On est loin peut être des théories classiques de guerre, mais elles sont maintenant « intra-étatiques ».
Et pourquoi avoir spécialement ciblé les journalistes ?
Parce que les médias, c’est quand même les relais de la consommation du citoyen ordinaire et qu’elles façonnent un peu son opinion. Et il est de bon usage que ce soit les journalistes, les hommes de médias qui portent la bonne parole. Qu’ils soient là pour anticiper les conflits. Si anticiper n’est pas possible, comme le disait le professeur Moustapha Gueye (Professeur au Cesti et facilitateur de la formation) au moins en tout cas, contribuer à les éteindre, à briser l’engrenage des conflits. C’est vrai qu’avant d’être journaliste, chez nous, on est d’une ethnie ou d’une autre. Mais il ne faut pas toujours voguer en fonction de ces considérations purement identitaire. Il faudrait évoluer dans un cadre beaucoup plus général, lequel cadre voudrait que la paix soit une manifestation concrète et vécue par la population. Parce qu’on dit que la paix est en amont et en aval du développement. Et comme nous voulons voir nos sociétés vraiment se développer, il nous faut sans ambages aller vers la paix. Et qui mieux que les journalistes pour prêcher la bonne parole !
Autrement dit, cette initiative cadre parfaitement avec les objectifs de l’Institut.
Gorée Institute se positionne pour faciliter entre Africains, des échanges et des partages d’expériences. Nous, dans notre phraséologie on dit que l’Afrique n’est pas encore le propre protagoniste de son devenir. Il ne faudrait pas que nous comptions sur les autres pour voir une nouvelle Afrique surgir. Chacun en ce qui le concerne, chaque force de ce continent, chaque force de cette société doit travailler main dans la main, avec les autres forces existantes et faire qu’elle soit une société digne de tout ce que l’humanité aura conquis au service de la paix, de la citoyenneté. En somme qu’il y ait une vraie décolonisation de l’intérieur de nos Etats minés par les conflits, la mal gouvernance. C’est ce à quoi il faut aller.
Comment a germé l’idée de cette institution qui a aujourd’hui 25 ans ?
L’idée même du projet du Gorée Institute est partie d’une rencontre qui avait accueilli en 1987, à Dakar des responsables de l’Anc qui étaient encore en exil un peu partout sur le continent et une bonne représentation de l’aile progressiste de la communauté blanche de l’Afrique du Sud, parmi lesquels MM. Frederik Van Zyl Slabbert, Breyten Breytenbach, Alex Boraine, … . D’ailleurs, pendant longtemps, M. Van Zyl Slabbert a été président du conseil d’administration du Gorée. Dakar aura été une des nombreuses conférences qui ont réuni ces deux protagonistes pour réfléchir sur les conditions de l’avènement d’un Afrique du Sud multi raciale, multi partisane et vraiment démocratique. Tout est parti de là. Il fut un temps, où on ne parlait pas encore de l’Union africaine, mais de l’OUA, l’Organisation de l’Unité Africaine. Et la présidence était tournante. Le président du Sénégal de l’époque Abdou Diouf a hérité de la présidence de cette organisation. Et, quand l’air de la démocratisation avait réellement commencé à souffler en Afrique, M. Abdou DIOUF avait pensé à « héberger » un institut africain qui surfant sur la symbolique de Gorée allait travailler à l’émergence de sociétés démocratiques un peu partout en Afrique. Le multipartisme et les élections, ce n’était pas encore ce que nous avons là maintenant. C’est avec parcimonie que l’on organisait les élections çà et là dans les pays africains. D’où cette idée d’accorder à cet institut un privilège, disons des franchises diplomatiques et protocolaires. Lesquelles franchises lui permettent de s’installer au Sénégal, d’avoir un accord de siège et de faire en sorte que tout obstacle qui irait à l’encontre de la matérialisation de cette idée soit écarté. Donc, le Gorée Institute a des origines Sud-Africaines avec des activités partout en Afrique et plus précisément dans la sous-région ouest africaine. Si nous avons un accord de siège, c’est parce que le Gorée Institute a été créé avec le droit public sénégalais. Mais de plus en plus Gorée Institute a des activités un peu partout dans la sous-région. Et ce sera là la continuation de l’idée de Gorée institut. Il intervient un peu partout, au Togo, au Bénin, en Côte d’Ivoire. Le Gorée Institute est une idée. Et l’idée n’est pas confinée dans un seul espace. L’idée, c’est dans le temps et dans l’espace. Pour le moment on est au Sénégal. Physiquement on a un siège. Mais d’aucuns diront que Gorée Institute est beaucoup plus connu à l’extérieur qu’au Sénégal.
Il semble que le Bénin bénéficie rarement de vos activités. Est-ce parce que le pays jouit d’une relative stabilité politique et qu’il n’y a pas grande chose à faire dans ce sens?
Non, même dans un pays qui est démocratiquement stable il faut aller à l’école de ce pays pour voir ce qui est fait dans ce pays et qui
n’est pas fait dans les autres pays. Parce qu’une idée il faut la faire semer. Mais le Bénin entre dans les projets de Gorée Institute. Par exemple il était prévu que le Gorée Institute puisse à l’occasion des élections législatives, avoir une mission pas strictement d’observation mais de formation des différentes parties prenantes ainsi que l’Etat. Une mission qui ne soit pas confinée à la seule période des élections, mais avant, pendant et après. Ce projet a été agité avec le Pnud Bénin et c’est peut-être la conjoncture du Togo qui a fait qu’il n’a pas été réalisé. Mais il n’empêche, le Bénin c’est vraiment un pays qu’il va falloir visiter, des leçons qu’il va falloir tirer de ce pays, de son état de démocratie, de sa gouvernance, de la succession de tout ce qui est succession pacifique. Les élections, elles peuvent être au final réputées pacifiques mais on n’a forcément des choses à apprendre du Bénin et à montrer à la face de l’Afrique de l’ouest. Il est un autre programme qui devrait s’occuper du cas du Bénin, si l’on peut parler du cas du Bénin. C’est le Programme Alliance. Alliance des initiatives de la paix et de la stabilisation en Afrique, mais plus précisément dans le contexte de stabilité institutionnelle et sécurité humaine. Ce projet a d’abord été expérimenté dans un certain nombre de pays. On s’est rendu compte que ce sont des choses qui sont faisables. En tout cas, on va dire que le Bénin est en ligne de mire de tout ce qui a à faire dans le programme de Gorée institut.
Combien de personnes travaillent au quotidien ici dans ce magnifique cadre ?
Ah ! Nous rentrons de plein pied dans le domaine des ressources humaines. Au siège ici, nous sommes au nombre de 25 personnes. Mais il n’est pas exclu que nous ayons à travers l’Afrique des « asociates program staffer », des associés qui pour la conduite, le déroulé d’une activité particulière, sont contractés pour travailler avec les membres de l’équipe d’ici.
Et ces 25 personnes sont issues de quelle nationalité ?
La plupart de ces personnes sont de nationalité sénégalaise. Mais il faut savoir que le Gorée Institute ne fait pas de discrimination sur la nationalité ni sur la religion. On va dire que là, on n’a pas beaucoup de non sénégalais. Mais il fut un temps où tour à tour nous avons accueilli des Congolais, des Camerounais, des Sud-africains naturellement, puisque le premier Directeur a été un Sud-africain. On a même une Franco sénégalaise. Vous pouvez vous-aussi, du jour au lendemain vous retrouvez au Gorée Institute qui sait.
Ce serait avec plaisir parce que le cadre de travail est fort agréable. Cela doit davantage motiver le personnel, vous ne pensez pas ?
Bien sûr. Mais le plus, c’est aussi surtout pour les pensionnaires, vous qui venez par exemple pour des activités de formation. Vous réunir dans un endroit comme Gorée avec tout ce que Gorée a de symbolique, c’est bien. Cependant, ce n’est pas ça la quintessence de l’implantation. On a fait le pari de l’excellence, de l’autosuffisance, de la coopération. En tout cas même si on ôte la symbolique de Gorée, c’est un endroit approprié pour faire germer les idées et en tirer le meilleur.
Quel message pouvez-vous adresser aux pays qui vivent des moments d’incertitude liés aux élections et aux velléités de changement de constitution de certains chefs d’Etat ?
La goutte d’eau finit par vaincre la rudesse de la roche. Et c’est quoi la roche ici, c’est en fait tout ce qui fait obstacle au développement de l’Afrique. Chaque pas que nous faisons vers ce nouvel horizon devrait être un but en même temps qu’il nous porterait en avant. Et, Gorée Institute, de concert avec les autres organisations du continent, forcément, assurément devrait arriver à planter le germe des espoirs d’un nouvel horizon africain. C’est tous ensemble que nous parviendrons à le faire.
Même s’il y a encore des zones de conflit, il y a de l’espoir ?
Oui, justement c’est ce qui fait qu’il y a encore d’espoir. Après tant d’années de conflits, de déchirements, après avoir bien touché le fond on ne peut que remonter : on peut le faire et on veut la faire. On n’a pas le choix.
Djamila Idrissou Souler