Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique
L’insécurité est devenue une question transfrontalière en n’épargnant aucun pays de la sous-région ouest-africaine. De plus, les groupes terroristes sont plus que jamais liés et leurs actions ne sont plus confinées dans des espaces définis. Ils ont adopté des modes d’opération épousant les nouveaux contours géopolitiques et profitant de l’extrême porosité des frontières. Une telle configuration, défiant les principes mêmes de souveraineté, expose encore plus cette partie de l’Afrique. La menace terroriste n’a jamais été autant inquiétante.
Au même moment, l’extrémisme religieux gagne du terrain dans toute la sous-région même dans les pays qui, jusqu’ici, semblaient être épargnés. Les attaques terroristes de Bamako, en fin novembre 2015, à l’hôtel Radisson Blu, qui ont fait 22 morts et revendiquées par le groupe Al-Mourabitoune suivies par celle du 15 janvier 2016 à Ouagadougou faisant 30 victimes illustrent bien cette insécurité grandissante. Elles révèlent en même temps, la multiplicité des groupes armés et terroristes, résultant d’un radicalisme poussé et qui a pu prendre racine dans la sous-région. Désormais la sous-région fait face à la réalité de l’extrémisme violent dû, pour certains cas, à l’embrigadement de la jeunesse par le biais d’idéologies radicales.
Conscient d’une telle situation s’aggravant de jour en jour, le Gorée Institute avait, en 2016, pris l’initiative de mener une réflexion sur : « Le radicalisme religieux et les menaces sécuritaires en Afrique de l’ouest : perspectives nationales et régionales ». Cette activité, posant le premier jalon d’une initiative sous-régionale devant mobiliser des experts de haut niveau, des décideurs et différentes couches de la société civile, s’était alors déroulée sous la forme d’un séminaire alliant approches théoriques et formulation de recommandations opérationnelles selon une méthodologie inclusive.
Durant les deux jours qu’a duré l’atelier, conformément à l’approche régionale adoptée dans les termes de références, l’accent a été mis sur la région ouest-africaine en général et particulièrement sur six pays présentant une certaine pertinence que sont : le Burkina Faso, la Cote d’ivoire, la Guinée, le Mali, le Niger et le Sénégal. Dans les différentes présentations et ateliers thématiques, les questions sécuritaires majeures notamment terroristes ont été passées en revue en lien avec la problématique du radicalisme religieux comme source ou facteur déterminant. Une telle question dépassant largement aujourd’hui le seul cadre de l’action étatique, il a été adopté, dès le début, une méthodologie prenant en compte le rôle des différents acteurs dans la prévention comme dans la lutte contre un phénomène aussi complexe.
Le constat très vite admis, lors de l’atelier, a été que les stratégies publiques classiques de règlement de cette question terroriste ont montré leur limite. D’autant plus que les options strictement sécuritaires n’ont, à ce jour, produit de résultats satisfaisants. Du moins, elles n’ont pas réussi à endiguer le phénomène de l’extrémisme violent qui prend de l’ampleur dans la sous-région ouest-africaine. Dans certains cas, les solutions militaires ont été contre productives avec les ratés des opérations de sécurisation et leur lot de bavures occasionnant encore plus de frustration et de radicalisation. Au-delà de la dimension religieuse du phénomène, l’autre constat largement partagé a été que le radicalisme trouvait aussi ses origines dans les dysfonctionnements de l’État et les incohérences des politiques publiques productrices de marginalisations et de frustrations.
C’est en ce sens que l’atelier a pu nettement ressortir le lien intrinsèque entre ce phénomène et les questions liés à la gouvernance. Sur ce point précis, des observations pertinentes sont allées dans le sens d’une relation évidente entre radicalisation et violation des droits économiques et sociaux. Les populations des différents pays de la sous-région sont de plus en plus exposées et voient leurs droits et libertés parfois bafoués au nom de leur défense, ce qui complique plus encore leur condition d’existence avec des activités économiques réduites dans certains pays.
Une telle situation sévit actuellement au Niger, notamment dans la région du Lac Tchad. La lutte contre Boko Haram a occasionné l’entrave des activités économiques telles que le commerce de denrées comme le poisson et le poivron. Cette activité représentait la principale source de revenus des femmes de Diffa au Niger, mais aussi de Maidiguri et des îles du Lac Tchad. De ce fait, des franges entières de la population sont soumises aux aléas sécuritaires et à la morosité économique ambiante ; ce qui, en soi, constitue un facteur de risques d’enrôlement de nombreux jeunes dans les rangs de Boko Haram.
Cette dimension de la question a beaucoup influé sur l’orientation des débats qui a mis en évidence la nécessité d’une prise en charge multidimensionnelle et interdisciplinaire de la problématique de la radicalisation. Elle a, en plus, mis à nu les insuffisances de l’approche strictement sécuritaire poussant, du coup, à prendre en compte les aspects liés au développement mais aussi à l’importance des démarches inclusives.
Dans les différentes présentations, il est nettement apparu que, comme dans toutes les questions de gouvernance, l’inclusion des acteurs de la société civile participe d’une stratégie inclusive ayant le mérite de faire éviter les solutions plaquées que les populations, sur le terrain, auront du mal à s’approprier. C’est ainsi que l’implication de la société civile dans ses différentes composantes a été débattue de manière transversale aussi bien dans les actions en amont en termes de prévention que pour la définition des stratégies de lutte contre l’extrémisme violent qui gagne la sous-région.
Lors des différentes intervenions et des débats suivant les exposés sur les six pays qui ont été étudiés (Burkina Faso, Cote d’ivoire, Guinée, Mali, Niger et au Sénégal), des bonnes pratiques ont été partagées dans une démarche critique en confrontant diverses expériences dans l’approche du phénomène et de ses facteurs. Cet exercice appliqué à des pratiques et hypothèses de travail a permis de revisiter et de reconsidérer des ébauches de solutions.
Ainsi, les actions de plusieurs organisations à l’image du CORDAID (Catholic Organisation for Relief and Development AID) le GPPAC (Global Parternship for the Prevention of Armed Conflict) qui avaient organisé des rencontres sur la thématique ont été citées en exemple. Après avoir fait l’état de la question et revisité les paradigmes théoriques à travers des présentations suivies de discussions, l’atelier organisé par Goree Institute a mis l’accent, dans une démarche d’opérationnalité, sur les causes de l’extrémisme de même que ses conséquences de l’extrémisme. Ces réflexions menées en privilégiant l’approche régionale ont voulu partir de la réalité du terrain à travers des études de cas sur les six pays précités. Une telle démarche avait présenté l’avantage de pouvoir partir des réalités telles qu’analysées par des chercheurs originaires de ces pays pour aboutir à un large panorama des différents courants et tendances qui traversent la sous-région.