Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique
Les 26 et 27 juillet 2018, le Gorée Institute a été le lieu de concertation, d’échanges en vue d’un bon déroulement des échéances électorales qui se pointent à l’horizon dans bon nombre de pays d’Afrique de l’Ouest. Dans sa dynamique de rendre opérationnel sa stratégie pluri dimensionnelle de prévention des conflits, le Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique a tenu un atelier sous régional sur le Leadership et la prévention des conflits électoraux en Afrique de l’Ouest, afin de permettre aux jeunes démocraties que sont la plupart des pays de la sous région de parer aux moments de crispation et de tension qui caractérisent souvent les élections en Afrique. Autrement dit, pour que le suffrage universel puisse s’imposer comme instrument de pacification, de régulation politique et de légitimation des pouvoirs sur le continent. Ainsi, pendant deux jours, des experts électoraux, des médiateurs en conflits, des acteurs de la société civile et des universitaires, venus de divers horizons à travers la sous-région, ont œuvré ensemble dans le sens de faire des futures joutes électorales des moments de stabilité, de consécration, voire de célébration de la démocratie.
Après une introduction générale du Professeur Babaly Sall sur la « problématique des conflits électoraux en Afrique : enjeux, défis et perspective/Solutions », la première journée de l’Atelier sous régional a été consacrée à deux panels. Le Directeur exécutif de l’Institut qui a livré la première communication a axé cette dernière sur le cycle électoral et ses points de vulnérabilité. Doudou Dia s’est ainsi désolé du fait que les élections soient perçues en Afrique comme un événement en lieu et place d’un processus à long terme. Quant au Chargé du programme Gouvernance et Processus politiques de l’Institut qui s’est chargé de la deuxième communication, il s’est penché sur les conflits électoraux, précisément les causes, les stratégies de gestion et les bonnes pratiques. Mamadou Seck a ainsi tenu à préciser que les élections sont une condition nécessaire, mais pas suffisante pour avoir une bonne démocratie. « Mais la démocratie n’est pas possible sans élections », fait-il toutefois constater. Par ailleurs, le membre de l’Unité d’Assistance électorale du Gorée Institute a noté dans le même sillage qu’un représentant mal élu aura des problèmes à assurer sa gouvernance. Evoquant le rôle déterminant des élections dans la consolidation de la démocratie, M. Seck relève que les élections sont des « instants majeurs d’appréciation de la qualité de la démocratie, une opportunité de renouvellement de la classe dirigeante, une mise à jour de la légitimité légale rationnelle des détenteurs du pouvoir politique. Une expression de la citoyenneté et d’appartenance à une nation ». Pour le cas du Sénégal où l’élection présidentielle est prévue dans quelques mois, le Chargé du programme Gouvernance et Processus politiques de l’Institut panafricain n’a pas manqué de déceler les germes d’un contentieux électoral, avec des exemples à l’appui. D’ailleurs, ce sont ces défis électoraux qui attendent le Sénégal qui ont fait l’objet du deuxième panel de l’Atelier sous régional. Ndiaga Sylla qui s’est chargé de la première communication de ce panel a abordé les questions liées aux défis de la stabilité au Sénégal, notamment le cadre juridique et la loi électorale. A cet effet, l’Expert électoral ne s’est pas privé de faire l’apologie du bulletin unique. « On n’a jamais vu un pays appliquer le bulletin unique et revenir ensuite sur sa décision pour adopter le bulletin pluriel », dira Ndiaga Sylla qui s’est également montré préoccupé par les dépenses énormes pour la tenue d’élections. « Il est temps de travailler pour la possibilité de réutiliser les matériels électoraux car on ne peut pas, à chaque nouvelle élection, utiliser l’argent du contribuable pour faire de nouvelles dépenses », a-t-il plaidé. La deuxième communication du panel 2 assurée par SEM Saidou Nourou Ba a porté sur les contentieux électoraux et la facilitation du dialogue politique, le mécanisme de gestion formel ou non formel, précisément le cas du Sénégal. Le diplomate est de ceux qui pensent qu’élection ne doit pas forcément rimer avec tensions. « Les moments d’élections doivent être des moments de célébration de la démocratie, pour que ceux qui gagnent gagnent dans l’humilité et que ceux qui perdent perdent dans la dignité », a-t-il laissé entendre. SEM Saidou Nourou Ba a profité de sa communication pour donner les astuces pour le développement d’un pays. « L’avancement d’un pays, ce n’est pas une course de vitesse. Ce n’est même pas une course de fond. C’est une course de relais », a-t-il livré en guise d’instruction. Définissant l’engagement citoyen, il a précisé que le fait de ne pas appartenir à un parti politique ne signifie pas renoncer à ses devoirs de citoyen. « Le citoyen porte et manifeste son choix », a-t-il affirmé. Quant au doyen Mazide Ndiaye du GRADEC qui a axé la troisième communication sur la prévention de la violence électorale et la consolidation de la démocratie, il s’est adressé aux acteurs de la Société civile en leur invitant à sauvegarder leur indépendance vis-à-vis de l’Etat. « Si vous ne savez pas vous prendre en charge, vous serez pris en charge. Les États ont compris cela et c’est pourquoi ils ont leurs propres sociétés civiles », a averti le Président du GRADEC. Des discussions suivies d’une synthèse ont clôturé la première journée de l’Atelier sous régional sur la prévention des conflits électoraux.
S’agissant de la deuxième journée de l’Atelier, la première communication a porté sur la crise politique au Togo et son impact sur le processus électoral. M. Ouro Bossi Tchacondoh a ainsi informé que le Togo compte 113 partis politiques de l’opposition avec des assises plus ou moins locales et ethniques. Ce qui, à son sens, rend l’entente compliquée voire impossible. Il a également souligné que l’opposition togolaise n’a jamais été solidaire et est en manque de stratégie cohérente et réaliste. L’expert en Décentralisation sera d’ailleurs conforté par le Directeur exécutif de l’Institut qui, après avoir indiqué que le Togo est dans un système où l’équilibre peut basculer d’une minute à l’autre, dit avoir l’impression que l’opposition togolaise s’enlise.
La deuxième communication de la deuxième journée s’est penchée sur le cas de la Guinée Bissau face au blocage du processus politique et son impact sur le processus électoral. C’est ainsi que la Présidente de REMPSECAO-Guinée qui en a assuré la charge a décelé les grands problèmes de la Guinée Bissau qui, selon elle, sont notés au moment des recensements post électoraux. Des problèmes aggravés par l’instrumentalisation ethnique et religieuse. Elisa Pinto Tavares a par ailleurs abordé la problématique de l’iniquité entre les partis en termes de droits. « Les partis politiques qui n’ont pas de siège au parlement n’ont pas droit à la parole », a-t-elle fait avoir. Des irrégularités qui compromettent souvent les élections en Guinée Bissau et qui n’ont pas laissé de marbre les représentants des partis politiques Bissau Guinées présents à cet Atelier sous régional. Pour A. Janis Lopes Nunes, du PAIGC, les Bissau Guinéens connaissent leur problème. Mais c’est la volonté politique qui manque, à l’en croire. La jeune militante estime qu’il faut réformer les lois électorales, gérer la crise et alerter sur les risques de violence. Mais surtout œuvrer dans le sens d’inciter les partis politiques à faire preuve d’honnêteté.
Le panel 2 de cette dernière journée d’Atelier a été axé sur les liens entre la cohésion nationale et les conflits électoraux, notamment les cas de la Côte d’Ivoire et de la Guinée Conakry. Sékou Doré a ainsi fait l’état des lieux avant d’analyser les défis électoraux. Sur la nature des liens entre l’opposition et les forces citoyennes, le secrétaire général de RAJGUI a indiqué que ces deux pôles avaient un point de convergence : celui de retirer le pouvoir des mains des militaires. Mais qu’après cette étape, chacun est reparti de son côté.