Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique
Source: Focus Info N°133, du 6 au 20 mai 2015;
Interview réalisé par Franck NONNKPO
Doudou DIA, Directeur exécutif de l’Institut Gorée , Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique:
Franck NONNKPO
« En démocratie, il nous faut apprendre à gagner en toute humilité et perdre en toute dignité ».
Parmi la centaine d’organisations accréditées pour la supervision électorale au Togo, figure en bonne place l’Institut Gorée, une institution panafricaine basée au Sénégal. Avec 75 observateurs électoraux déployés, l’Institut qui privilégie une approche citoyenne au cœur de la démocratie a principalement assigné à ses observateurs une mission à deux volets à savoir un volet politique et un volet électoral.
Au terme de cette mission, Doudou Dia, le Directeur exécutif de l’Institut Gorée, tout en se félicitant des bonnes dispositions et de l’esprit positif manifesté par toutes les parties prenantes ce qui a concouru au succès de l’élection présidentielle, n’a pas manqué de faire des recommandations, au nom de son institution à ces acteurs.
Approché par le Journal Focus Infos, M. DIA a accepté dresser le bilan de l’observation électorale de son institution tout en revenant sur les avancées accomplies ces dernières années par le Togo en matière d’organisation d’élection. Lecture…
Focus Infos: Quel bilan faites-vous de la Mission que votre Institut a effectuée dans le cadre de l’élection présidentielle du 25 avril dernier au Togo ?
Doudou DIA: L’Institut Gorée déploie pour la seconde fois après les élections législatives de 2013, une mission d’observation électorale au Togo. Le déploie- ment de la mission de 75 observateurs internationaux et un groupe de contact composé de cinq personnalités africaines de haut niveau sont l’expression de notre soutien à la consolidation de la démocratie, la stabilité politique et la stabilité institutionnelle au Togo. D’emblée, il est important de saluer l’engage- ment de tous les togolais dans le processus électoral dans un esprit de sérénité et dans le respect des principes démocratiques. Vous conviendrez avec moi que nous ne pouvons faire le bilan de notre Mission sans revenir sur les raisons qui fondent notre intervention au Togo.
Faut-il le rappeler, l’objectif de la mission d’observation internationale du Goree Institute, en tant qu’institution panafricaine travaillant à l’émergence de société paisibles et autosuffisantes, était de contribuer à la transparence, la crédibilité et surtout à l’inclusivité du processus électoral. En d’autres termes, il s’agit pour l’Institut Gorée de contribuer, dans le respect de la souveraineté de l’État du Togo et dans le cadre de la législation nationale en vigueur, à assurer la transparence et l’intégrité du processus électoral. A ce titre, notre travail consistait d’une part à témoigner de manière impartiale auprès des électeurs et de la communauté internationale du déroulement du processus électoral (élection présidentielle) et en certifier la légalité par le biais de l’observation électorale ; et d’autre part d’observer rigoureusement le processus démocratique dans le but d’aider à favoriser un climat de confiance, de sécurité et de crédibilité.
En se référant à nos objectifs de départ, nous pouvons dire sans risque de nous tromper et en toute humilité le bilan demeure positif. Nous sommes même aller au delà des prérogatives d’une Mission d’observation électorale en s’impliquant dans la facilitation du dialogue, voire la médiation préventive entre les différents acteurs politiques. Faut-il le rappeler, la Mission de l’Institut Gorée a servi de cadre de dialogue entre les missions d’observation internationale, les acteurs politiques, la CENI et le Ministère de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales pour arriver à un consensus relativement au mode de transfert et de centralisation des don- nées électorales.
Cette réunion conjointe de concertation, tenu le vendredi 24 avril 2015, a abouti à la mise sur pied d’un Comité d’accompagnement auprès de la CENI. Lequel comité a eu pour mandat de suivre de façon pointue et soutenue, toutes les opérations de remontée, de traitement et de publication des résultats.
C’est dire que la Mission, au-delà de l’observation a contribué à la pacification de l’espace politique et à l’apaisement du climat électoral à la veille du scrutin. C’est le lieu de saluer la démarche inclusive de toutes les Missions d’observation internationale présentes au Togo lors du scrutin présidentiel du 25 avril 2015 mais aussi et surtout leur engagement auprès de la CENI dans le cadre du Co- mite d’accompagnement. Il ne s’agit plus en Afrique d’avoir exclusivement des missions d’observation mais bien plus. L’une des valeurs ajoutée de notre Mission a été la mise en place du Groupe de Contact de haut niveau en charge de la consultation avec les parties prenantes du processus électoral au Togo, à jouer pleinement son rôle de facilitation, de plaidoyer, d’information et au besoin de médiation préventive.
Aussi, le fait d’avoir des missions exclusivement africaines augurent d’une
Afrique protagoniste de son propre devenir mais aussi d’une Afrique travaillant à l’émergence de sociétés autosuffisantes avec des Etats démocratiques, des institutions efficaces et des citoyens ouverts et engagées. Ces élections se sont déroulées dans un contexte sous régional difficile avec les menaces sécuritaires de toute sorte, c’est le lieu de se féliciter du comportement des citoyens togolais qui ont fait preuve de maturité, de clame, de sérénité et qui ont pu exercer le droit de vote en toute liberté dans le respect du cadre légal et juridique du Togo. Il est important qu’en Afrique que les acteurs politiques soient de plus en plus à l’écoute des citoyens.
F.I: Quelles ont été vos principales conclusions à l’issue de ce scrutin ?
D.D: D’emblée, il est important à sou- ligner quelques points forts ayant contribué a l’apaisement du climat électoral et à la conduite d’un scrutin libre et équitable. Il s’agit notamment du financement par l’Etat octroyé à tous les candidats engagés dans la compétition électorale pour la campagne et la prise en charge de leurs délégués dans les bureaux de vote ; l’apaisement de l’atmosphère électorale marqué par l’ouverture des différents acteurs politiques ayant permis d’aboutir à un consensus mini- mal ; les bonnes dispositions dont a fait montre la Commission électorale nationale indépendante des élections pour la tenue du scrutin dans des conditions acceptables. Aussi, l’opportunité offerte aux partenaires techniques, notamment l’OIF à apprécier la crédibilité du fichier électoral travers à la Mission de consolidation et de vérification du fichier électoral a été une avancée majeure. A cela s’ajoute la réunion de concertation entre les Missions d’Observation Internationale, les acteurs politiques, l’administration électorale et le Ministère de l’Administration Territoriale ayant abouti a un consensus sur le mode de transfert, de compilation et de centralisations des résultats. Cette mission a produit un rapport paraphé par les parties engagées dans la compétition.
En se félicitant de l’approche consensuelle qui a présidé à la finalisation d’un tel rapport, il convient de dire que le fichier électoral togolais, bien que perfectible est suffisamment crédible pour aller à l’élection présidentielle. Faut-il le rappeler, la publication, à quinze (15) jours du scrutin, de la carte électorale facilitant ainsi la localisation des centres de vote et des bureaux de vote a été une avancée comparativement aux scrutins de 2010 et 2013. C’est dire que l’administration électorale est dans une dynamique d’amélioration continue.
De même, le professionnalisme et l’impartialité des agents de la Force Spéciale de Sécurisation de l’Election Présidentielle (FOSEP) a été d’une réelle valeur ajoutée. Tout cela constitue des indicateurs de qualité d’une élection. A cela s’ajoute le jour du scrutin, la publication des résultats par bureau de vote. Pour rappel, en 2013 cela a été une forte recommandation de toutes les missions d’observation notamment de l’Institut Gorée.
Tout cela, est l’expression d’une forme de maturité des citoyens togolais qu’il faut rendre hommage, des acteurs poli- tiques à œuvrer à la consolidation de la démocratie au Togo mais aussi l’expression de la volonté d’ouverture de l’Etat togolais. A ce titre, il est important de féliciter les autorités togolaises pour les efforts consentis par le financement sur fonds propres de l’élection présidentielle, le financement des délégués des partis politiques pour la supervision et le contrôle dans les bureaux de vote.
Ce dernier acte est un fait rarissime dans nos Etats. L’approche multi-acteurs et inclusif a été un atout majeur dans la réussite du scrutin de 25 avril 2015 notamment en amont par l’implication des acteurs politiques, le consensus prôné au sein de la CENI, l’implication des institutions internationales, de la Société civile togolaise durant tout le processus.
Comparativement au scrutin de 2013, les mécanismes de veille sur les incidents de violence ont bien fonctionné de même que les dispositifs d’observation des medias réuni autour d’une plateforme de monitoring. Les efforts consentis par toutes les parties prenantes au processus électoral, dénotent une ambition crédible du Togo à se développer de manière démocratique.
Revenant sur le scrutin du 25 avril 2015, il faut noter que les 75 observateurs internationaux de l’Institut Gorée ont suivi plus de 400 activités de campagne électorale et visité plus de 800 bureaux de vote, répartis dans 250 centres de vote.
Dans 97% des bureaux de vote couverts par nos observateurs, les procédures ont été respectées. La non présence des scrutateurs dans le BV est la raison des 3% de non-respect des procédures selon les données remontées. Le respect de des procédures est certainement la raison principale pour laquelle on a noté un climat de calme au sein des BV observés. Selon nos observateurs, les membres des bureaux ont accompli, avec professionnalisme leurs tâches dans 95% des bureaux. De même, il faut noter la présence des délégués des candidats dans les bureaux notamment UNIR dans 100% des bureaux de vote et CAP2015 dans 98% des bureaux de vote. Le faible taux de bulletin nul renseignant sur la qualité appréciable du vote des électeurs comparativement au scrutin de 2013 avec 14% de bulletins nuls. Toutes ces informations ou constats constituent des indicateurs de qualité d’une élection.
C’est dire qu’en dépit des dysfonctionnements mineurs constatés le jour du scrutin notamment l’organisation du scrutin dans les lieux de culte, les lacunes de certains membres des bureaux de vote qui ne maitrisaient pas toutes les procédures, les lourdeurs dans la transmission des procès verbaux, l’élection présidentielle du 25 avril 2015 a été libre et équitable.
F.I: Pourriez-vous nous décrire votre approche et vos méthodes en matière d’observation électorale ; et dans le cas spécifique de la dernière élection ?
D.D: Dans toutes nos missions d’observation, nous prônons une approche multi-acteurs et inclusive. En d’autres termes, pour l’Institut Goree, il s’agit de travailler à harmoniser les stratégies d’intervention des acteurs intervenant dans le processus électoral. L’implication des citoyens est une donnée fonda- mentale. La démocratie ne peut se réaliser sans la responsabilité des citoyens.
Notre approche consiste à mettre le citoyen au cœur du processus électoral pour son appropriation en nous ados- sant aussi sur la technologie. N’oublions pas que nous sommes une organisation de la société civile et notre mission ne doit pas se limiter à la simple observation classique mais à contribuer à l’émergence d’une conscience citoyenne (citoyens ouverts et engagés) et un comportement responsable des acteurs poli- tiques. Notre Mission a eu deux volets : un volet politique avec la mise sur pied d’un Groupe de Contact de haut niveau constitué d’éminents africains connus pour leur intégrité, leur leadership, leur expérience et leurs compétences dans le domaine de la gouvernance politique, des relations internationales, de la gouvernance institutionnelles et des processus politiques.
Ce groupe de contact a un rôle essentiel dans la Mission dans la mesure où il interagit avec toutes les parties prenantes principales et secondaires du processus électoral. Hormis ses activités de consultation avec les parties prenantes, il mène des activités de facilitation, de plaidoyer et au besoin de médiation préventive. Il est l’aile politique de la mission. La Mission de l’Institut Goree, a travers son Groupe de Contact s’est engagée dans médiation électorale et l’alerte précoce de concert avec toutes les Missions d’observation internationale avec la collabo- ration des acteurs politique, la CENI et l’Etat. Un tel engagement du Groupe de Contact a contribué à prévenir et résoudre les tensions pouvant émailler le processus électoral.
A cela s’ajoute le volet observation qui demeure le cœur de notre intervention avec le déploiement d’observateurs sur le terrain adossés à un pool d’analystes électoraux, juridiques, politiques et d’analystes statisticiens. A cela s’ajoute une équipe de coordination composée d’un coordonnateur politique, d’un coordonnateur technique, d’un pool communication, de logisticiens, et d’agents de saisie de donnée. Nous travaillons pour une observation citoyenne qui consiste à mettre en place un dis- positif d’alerte précoce et de réponse rapide. Une « Salle de veille » de coordination de l’observation électorale hébergeant un plateau de remontée des informations par téléphone, d’analyse de situations est essentielle pour la réussite de notre mission. Pour cela, un travail de collaboration avec toutes les parties prenantes au processus électoral est plus que nécessaire.
C’est le sens que nous donnons a l’approche multi-acteurs, inclusive et proactive. Vous savez, hormis la guerre et en temps de paix, les élections sont le seul moment de la vie d’une nation qui mobilise autant de ressources humaines et de logistiques. Elles constituent une affaire sérieuse qui engage la destinée de toute une nation, à ce titre une approche professionnelle et proactive demeure fonda- mentale.
Nous devons travailler à la professionnaliser de tous les acteurs intervenant dans le processus pour éviter les situations de tensions, de polarisation, de crise voire de conflits postélectoraux au sein de nos jeunes Etats. Apres tout la crédibilité de toute institution ou Mission d’observation dépend de son degré de professionnalisme.
F.I: Avez-vous adressé des recommandations en vue d’améliorer les conditions d’organisation des futures échéances électorales dans le pays ?
D.D: Bien entendu, comme toute mission d’observation électorale, nous avons formulé des recommandations en vue de l’amélioration des conditions d’organisation des futures échéances électorales au Togo. Ces recommandations tournent autour du cadre juridique (constitution, système électoral, législation, composition de la CENI), l’inscription des électeurs, la campagne électorale, le scrutin, la vérification des résultats et la période postélectorale.
De manière brute, parce que nous allons travailler à l’élaboration d’un rapport d’observation avec une analyse approfondie, nos recommandations préliminaires après ce scrutin s’adressent aux parties prenantes principales notamment
l’Etat, la CENI, les Partis politiques, les Medias, la HAAC et la société civile réfléchir à l’instauration d’un climat de confiance, préalable à un dialogue politique constructif et durable. Il est important que l’Etat prenne en compte de manière objective les propositions des partis politiques pour améliorer le climat politique et toute recommandation allant dans le sens de renforcer le processus électoral. Aussi, il importe pour les autorités étatiques togolaises de procéder à une réorganisation profonde de l’état civil en lien avec le processus de biométrie enclenché.
De même, comme vous le savez, l’enjeu majeur des élections après le fichier électoral a été le système de centralisation des résultats. Il est important pour la CENI d’engager avec tous les acteurs un processus de révision du Code électoral et ainsi procéder au toilettage des textes ; de mentionner le numéro du Bureau de Vote sur la carte d’électeur ; d’éditer la liste des électeurs concernés par le vote par anticipation (Militaires et Paramilitaires) de manière distincte de celle des électeurs civils ; d’éviter de faire des lieux de culte des centres de votes ; d’harmoniser le Code électoral et le Guide du membre du bureau de vote pour ce qui concerne la composition du matériel électoral ; de préciser davantage les modalités de vote par pro- curation ; d’éviter le détachement systématique de tous les bulletins du carnet avec apposition de l’hologramme sans que ces derniers ne soient utilisés; de prévoir la remise des copies des Procès Verbaux aux délégués des candidats et l’affichage des résultats devant les BV juste après le dépouillement ; de simplifier les procédures de transmission et de centralisation des PV des bureaux de vote ; de veiller, à l’avenir, au consensus entre les acteurs relativement au système de centralisation des résultats ; de définir un plan de ramassage plus efficient sous la responsabilité de la CENI en relation avec la FOSEP et les Présidents et/ou les rapporteurs afin de rendre moins contraignante la transmission des Procès Verbaux et du maté- riel électoral ; d’éviter les cas d’omission sur les listes électorales ; de prévoir la présence de la Société Civile au sein des CELI ; d’exercer effectivement tous les pouvoirs que la loi lui confère en matière de lutte contre les pratiques de fraude et de corruption électorale ;
A la HAAC : De poursuivre ses activités de contrôle et régulation de l’audio- visuel que lui confère la loi. Aux partis politiques : d’initier des programmes d’éducation et de formation pour leurs militants ; de participer à la sensibilisation et la mobilisation de leurs militants concernant les inscriptions et le retrait des cartes d’électeurs ;
A la presse : de continuer son rôle citoyen d’informer juste et vrai; De continuer à s’impliquer positivement dans le bon déroulement du processus électoral.
A la société civile Togolaise: de continuer à renforcer son combat de veille et d’alerte pour la consolidation des acquis démocratiques; de continuer à être équidistante vis – à vis des partis et coalitions de partis politiques même lorsqu’elle s’implique dans la vie poli- tique nationale.
Voilà une batterie de recommandations faites après notre mission d’observation électorale. Il importe de mentionner que nous continuerons à travailler de manière plus approfondie dans l’élaboration de notre rapport final d’observation du scrutin présidentiel du 25 avril 2015 afin de faire qu’il soit un outil d’analyse, de plaidoyer mais surtout de source de documentation pour les futures reformes.
F.I: Avez-vous noté des progrès, qu’ils soient le fait ou non de vos recommandations antérieures, puisque vous aviez déjà en 2013, observé les élections législatives au Togo ?
D.D: Il faut rappeler au cours du processus électoral de 2013 avec les élections législatives au Togo, nous avons privilégié une approche de long terme. Nous sommes restés au Togo pendant 10 mois, ce qui nous a permis de monitorer le processus de recensement biométrique, les violences électorales, les medias, mettre un dispositif d’observation à long terme, court terme et mettre en œuvre la variante M. Observation avec la Situation room électorale.
Ce processus nous a permis non seule- ment de jouer notre rôle de catalyseur et de facilitateur par la mise en place durant tout le processus de dispositifs d’alerte précoce et de réponse rapide mais aussi une base de données électorales nous ayant permettant de faire une analyse approfondie du processus électoral et de ses limites. A ce titre, il est heureux de constater qu’un certain nombre de recommandations faites au cours des élections législatives au Togo ont été prises en compte. Pour exemple, le proclamation des résultats par bureau de vote, le financement des partis politiques et des délègues de par- tis politiques présentes dans les bureaux de vote entre autres. De même, notre rapport d’observation des élections législatives de 2013 a été un document de travail pour des acteurs politiques, la CENI, les Institutions étatiques et des partenaires techniques et financiers. En ce qui nous concerne, après les élections de 2013, nous avons continué à travail- ler au Togo notamment avec la société civile et les institutions par la mise en place d’un dispositif de monitoring de la stabilité institutionnelle et de renforcement des capacités dans les domaines de la gouvernance démocratique et institutionnelle.
D.D: L’ensemble des missions d’observations et des experts, qu’ils soient nationaux ou internationaux, ont salué les conditions d’organisation du scrutin. Pourtant, les résultats sont contestés et certains parlent de fraudes massives et d’irrégularités monstres en- tachant la sincérité du scrutin. Auriez- vous fait mal votre travail ?
D.D: Vous savez, dans la vie, notre conscience est notre meilleur juge. En âme et conscience, nous pensons avoir accompli en toute humilité notre mission avec le maximum de professionnalisme, d’indépendance, de neutralité et d’indépendance. Disons le clairement, au regard du cadre juridique des élec- tions au Togo ainsi que des standards et principes électoraux régionaux et internationaux la Mission d’observation électorale de l’Institut Goree est d’avis que l’élection présidentielle du 25 avril 2015 a été conduite de façon libre, crédible et transparente. Cependant, cette évaluation couvre la centralisation et l’annonce des résultats provisoires par la CENI étant entendu que nous sommes partie prenante du Comite d’accompagnement mis en place par les Missions d’observation de concert avec la CENI, les candidats et le Ministère de l’Administration territoriale.
C’est aux parties prenantes, aux institutions nationales et internationales et aux citoyens togolais d’apprécier la valeur ajoutée et la crédibilité de notre mission. L’Institut Gorée est un partenaire constructif et inscrit toutes ses actions dans une dynamique d’amélioration continue. La démocratie n’est jamais achevée. Concernant la contestation des résultats, nous ne sommes pas comptables, notre mission consister à encourager les acteurs politiques dans une approche constructive, sur la base des résultats à recourir aux voies légales notamment à porter les litiges électoraux devant les tribunaux ou juridictions compétentes. Nous ne pouvons d’exhorter les togolais à adopter le même esprit de sérénité lors de la campagne et le jour du scrutin, la centralisation l’annonce des résultats provisoires et définitifs ainsi que durant le reste de la phase postélectorale. Après tout, la qua- lité d’une démocratie n’est pas déterminée par le gouvernement d’un pays mais par la qualité de son opposition. Force est de constater qu’il y a un besoin réel de professionnalisation. Il faut offrir des possibilités de professionnalisation de l’opposition.
Une fois de plus, les candidats sont dans leur droit de contester les résultats mais faudrait-il qu’ils puissent exercer ce droit dans le cadre des lois et règlements du pays. C’est l’appel que nous faisons dans tous les pays en Afrique. En démocratie particulièrement dans les compétences électorales, il nous faut apprendre à gagner en toute humilité et perdre en toute dignité. Apres tout, une élection ne peut s’évaluer que par rapport au cadre juridique du pays en question et des normes, standards internationaux. Il n’existe pas au monde un système électoral parfait dès lors que nous admettons que la démocratie n’est jamais achevée.
Le travail de fond à faire au Togo de- meure la restauration de la confiance entre les acteurs politiques et les acteurs du système. Pour rappel, avant les élections le débat a été celui de la centrali- sation des résultats et à ce titre ce sont les Missions d’observation qui ont pris l’initiative d’une réunion de concerta- tion pour trouver une solution consensuelle. Avant cela, ce fut le problème du fichier électoral et c’est la Mission de l’OIF qui a aidé à la consolidation du fichier pour le rendre perfectible dans une démarche inclusive et consensuelle. Sur ce point, il faudrait comprendre qu’en matière électorale, il n’y a pas de
fichier électoral parfait et le fichier par- fait est celui consensuel. C’est dire que toutes les Missions ont fait un travail colossal avec le concours de toutes les parties prenantes notamment la CENI, les acteurs politiques, la société civile, les medias et l’Etat.
Une des valeurs ajoutées de cette mission est le fait que toutes les Missions d’observation électorale ont travaillé à harmoniser leurs stratégies d’intervention. Cela est une première ! La collaboration et la complémentarité ont été de rigueur entre toutes les missions d’observation. Disons le clairement et sans ambages, le scrutin a été transparent, libre et équitable. Faut-il le rappe- ler, notre Mission a donné le cadre à Goree Institute de faire une fois de plus la preuve de ses compétences techniques en matière d’observation d’élections, mais aussi de sa disponibilité et de son engagement en faveur de la consolidation et de l’approfondissement des processus démocratiques en Afrique.
Le défi d’un processus électoral dans un climat apaisé et crédible a été relevé même si beaucoup reste à faire. Il s’agit notamment pour le gouvernement de travailler à opérer les réformes par l’ancrage de la démocratie au Togo, la limitation du mandat et du mode de scrutin. Tout cela pose la question de la pertinence des réformes constitutionnelles et institutionnelles au Togo. Cela nécessite une réflexion profonde et sérieuse qui ne doit être pas le fruit de deal politique.
F.I: Pourriez-vous nous rappeler ce qu’est l’Institut Gorée ?
D.D: Avant de rappeler ce qu’est l’Insti- tut Goree, permettez-moi de remercier l’ensemble des parties prenantes au processus électoral notamment le Gouvernement togolais pour son invitation et son accréditation à travers le Ministère des Affaires étrangères, la CENI, les acteurs politiques, les institutions nationales et internationales établies au Togo et l’ensemble des Mission d’observation électorale. Il est particulièrement heureux de saluer les initiatives citoyennes initiées par les medias togolais, la société civile et toutes les composantes de la société togolaise pour une élection apaisée, transparente, libre et crédible.
Pour revenir à votre question, l’Institut Gorée : Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique est une institution panafricaine d’intérêt public créé en 1992 par un groupe
d’Afrikaners et des militants de l’ANC contre le régime d’alors de l’apartheid. Elle est instituée aux fins de se consacrer aux questions de démocratie, de développement, de paix, de sécurité, de gouvernance en Afrique. L’Institut qui a son siège au Sénégal sur l’Ile de Goree, patrimoine mondial de l’humanité. Il œuvre à l’avènement de sociétés paisibles et autosuffisantes en Afrique en d’autres termes des Etats africains démocratiques, des institutions efficaces, une société civile engagée et dynamique, des citoyens ouverts et engagés, un secteur privé transparent et prospère. Tels sont les raisons de notre engagement.
Pour cela notre travail consiste dans une approche holistique à : contribuer à la mise en place de sociétés paisibles, justes et auto suffisantes en Afrique, renforcer le dialogue pour la résolution pacifique des conflits, contribuer à la consolida- tion des processus démocratiques et po- litiques ; et encourager la créativité artistique, littéraire, sociale et économique
L’Institut Gorée travaille sur 3 piliers stratégiques qui sont exécutés par le biais de la recherche, la facilitation et l’intervention. Il s’agit de : la Consolidation de la paix et la Prévention des conflits, la Démocratie, la Gouvernance et les Processus politiques et Imagine Africa : Encourager la créativité artistique et littéraire.
Dans le domaine électoral, en tant que Hub de Savoir électoral en Afrique de l’Ouest, l’Institut a mis en place une Unité d’Assistance Electorale en son sein. Cela découle du constat de la faible présence d’institutions ouest africaines se positionnant dans le domaine. L’objectif de l’Unité d’Assistance Electorale de l’Institut Goree est d’accompagner les processus électoraux par la mise à disposition d’outils permettant une appréciation de la qualité et de la performance de ces processus.
L’Institut a un Conseil d’Administration composé de 11 éminentes personnalités africaines. Le Conseil est l’organe suprême travaillant en intelligence avec la Direction exécutive, les coordonnateurs de programmes et l’ensemble du personnel (28 employés). L’Institut dispose d’un réseau de chercheurs, praticiens et experts dans les domaines de la gouvernance démocratique, la gouvernance institutionnelle, les processus politiques, la paix et la sécurité en Afrique.