Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique
Pour le compte de son Projet « Gouvernance des ressources minérales », le Gorée Institute a effectué du 16 au 22 novembre une tournée dans les zones d’exploitation minière du Sénégal en vue de favoriser l’accès à l’information et de recueillir les avis et préoccupations des communautés sur toutes les questions ayant trait à l’exploitation, notamment les impacts économiques et environnementaux. De Thiès à Kédougou en passant par Matam, l’équipe déployée sur le terrain par le Gorée Institute a rencontré les divers acteurs du secteur minier, de même que les populations des zones minières dans l’optique d’une meilleure implication des acteurs communautaires. A travers des causeries bien structurées dans chacune des régions précitées, le Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique a pu déceler les préoccupations de toutes les parties prenantes dans la gouvernance des ressources minérales au Sénégal, avec désormais un aperçu beaucoup plus éclairé sur le secteur minier.
Dans sa dynamique de favoriser le partage juste et équitable des revenus tirés des ressources minérales et pétrolières au Sénégal, à travers la recherche, la réflexion et la facilitation, le Gorée Institute a adopté une nouvelle stratégie de diversification de ses activités. En effet, après les ateliers, les forums, les monitorings et les œuvres audiovisuelles, l’Institut panafricain a décidé de tâter le terrain en déployant une équipe chez les acteurs directement impactés par l’exploitation minière. Au lot d’activités déroulées depuis 2018, le Projet financé par la Fondation Ford a adjoint une série de causeries et débats au niveau des communautés pour renforcer de plus belle l’implication de ces dernières dans la gouvernance des ressources minérales. Des activités faites avec et pour les communautés et qui ont permis de disséminer les résultats du monitoring de 2019 sur la perception des populations sur l’impact de l’exploitation des ressources minières, à travers la production de vidéos animées et de films pour la documentation et le partage des leçons tirées de la gestion des ressources minières et de ses impacts sur les populations.
L’équipe du Gorée Institute qui, pour cette présente activité, a travaillé en collaboration avec le Forum civil, a débuté son périple dans la région de Thiès. Le 16 novembre, la mairie de Darou Khoudoss a été le point de ralliement des populations des localités environnantes impactées par l’exploitation comme Mboro, Taïba Ndiaye, Ngade Ngomène, Ngakham, Méouane, Ndomor, Tobène, etc. En présence du maire de Mboro, Moussa Ndiaye et du Chef du service régional des Mines et de la Géologie de Thiès, Abdoulaye Niang, tous les problèmes liés à l’exploitation ont été soulevés pour la recherche de solutions à l’impact négatif de l’extraction des ressources minérales. Après la séance de projection des productions du Gorée Institute, autorités étatiques et communautés ont émis des appréciations avant d’entrer dans le vif des causeries. Entre autres problèmes relevés par les populations des zones d’exploitation de Thiès, il y a les redevances devant être versées aux communautés, les licenciements abusifs des sociétés d’exploitation, l’insuffisance de la RSE, le défaut de mise en pratique des textes et lois, l’absence de politique d’intégration des jeunes, la dégradation des sols, le manque de formation professionnelle, la faillite de la responsabilité étatique. Des cris de cœur et doléances auxquels le représentant de l’Etat a essayé d’apporter des réponses avant de promettre de les exposer au ministère des Mines et de la Géologie en vue de solutions durables.
Après l’étape Thiès où les communautés et les autorités municipales et étatiques ont tenu d’enrichissants échanges sous la supervision du Gorée Institute, la mission qui a pris bonne note de toutes les requêtes a fait cap sur Matam. Et c’est à Hamady Ounaré dans le département de Kanel, à quelques mètres de la zone d’exploitation du phosphate que les communautés et les autorités municipales de Hamady Ounaré, de Ndendory et de Orkadiéré se sont retrouvées pour échanger sur les questions relatives à l’exploitation dans leur zone. Comme à Thiès, les communautés des différentes localités de Matam ont eu également droit à une séance de visionnage des motions design et films produits par l’Institut Gorée sur l’impact de l’exploitation sur l’environnement, la perception des populations et les regards croisés des acteurs du secteur minier. Après un résumé en pulaar des différentes productions pour faciliter la compréhension aux communautés, une kyrielle de problèmes liés à l’exploitation ont été relatés par les participants. Des plaintes qui ont pour noms pollution sonore et environnementale, non effectivité de la RSE, exploitation sexuelle des femmes désirant travailler dans l’extraction des mines, prostitution, désinformation, absence d’autorités administratives lors des rencontres, récurrence des maladies respiratoires, absence de plateau technique, non effectivité du contenu local, licenciements abusifs dans les sociétés minières, non application du code minier, manque d’organisation sociale et de suivi, défaillance du rôle étatique, etc. Les communautés locales de Hamady Ounaré, Orkadiéré et Ndendory ont aussi été sensibilisées par l’équipe de Gorée Institute et du Forum civil sur l’importance du développement du contenu local et les grandes possibilités qu’il offre aux localités.
L’escale de Matam finie, la team Gorée Institute décampe de la région Nord pour rallier le Sénégal oriental. Après quelques visites de terrain et chez les communautés, dans la journée du 20 novembre, les débats communautaires ont repris leurs cours le 21 novembre dans la commune de Kédougou avec des autorités municipales et des communautés venues de Sabodala, Khossanto, Tomboronkoto, Makko, Samecouta, Bandafassi, Kharakhéné, etc. Compte tenu de la diversité ethnique, les films et vidéos animées projetés ont été traduits en pulaar et en soninké pour permettre à cette diverse démographie de saisir le sens des productions du Gorée Institute. Les différentes parties prenantes ont magnifié l’initiative du Gorée Institute d’imprégner les populations pour une gouvernance inclusive des ressources minérales. A Kédougou également, le problème de la pollution dans les sites d’orpaillage a refait surface avec un accent mis sur le degré très élevé de dégradation qui dépasse largement les normes fixées par le gouvernement américain. Les Kédovins se sont également plaints de l’absence de politique de prévention des impacts négatifs de l’exploitation, mais aussi des nombreuses « exactions » faites dans la zone par les industries minières sans réaction aucune de l’Etat. Sur la longue liste des incommodités occasionnées par l’exploitation, le représentant du Conseil islamique a ajouté la tendance des étrangers à vouloir imposer leurs cultures aux populations autochtones. Il a été déploré aussi la mauvaise répartition des retombées de l’exploitation, le pouvoir d’achat exorbitant, l’absence d’infrastructures hospitalières et le problème de l’emploi entre autres.
Durant leur tournée qui a duré huit jours, les agents du Gorée Institute ont recueilli toutes les complaintes et attentes des communautés qui souhaiteraient voir ce genre d’initiative multiplier. Les populations des diverses localités visitées ont également suggéré à l’Institut panafricain de rendre ses productions accessibles au grand public pour parer à certaines dissensions souvent dues au manque d’information. Les communautés attendent surtout du Gorée Institute qu’il relaye l’information et fasse le plaidoyer au niveau étatique.