Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique
La gouvernance en Afrique est marquée dans la plupart des pays par une situation de crise en grande partie corollaire de la faiblesse de l’Etat, de son manque de légitimité vis-à-vis de la société par suite d’une panne de plus en plus manifeste du projet postcolonial d’Etat-nation des années 60.
Lorsque l’Etat n’est plus en mesure d’assurer les fonctions les plus essentielles, les réseaux politiques, militaires, économiques qui interviennent à tous les niveaux contribuent à une remise en question de sa légitimité. Les citoyens sont donc enclins à se retourner vers les structures claniques, identitaires, ethniques, etc.
La perte de légitimité de l’Etat a été elle-même la cause ou la conséquence de conflits qui ont affecté la cohésion sociale ou nationale et l’intégrité territoriale de pays tels que le Mali, la Côte d’Ivoire, la Guinée Bissau et la Guinée. Le cas malien dont toute la partie septentrionale est occupée par les forces rebelles est révélateur de la complexité des problèmes engendrés par la crise de la gouvernance. A l’instar des autres Etats africains affectés par des conflits, il a perdu le contrôle sur une grande portion de son territoire et donc des fractions importantes de la population. La crise de la gouvernance se présente dans ce rapport à la fois comme une crise de souveraineté.
Aujourd’hui la Côte d’Ivoire, le Mali, la Guinée-Bissau et la Guinée se caractérisent par une grande fragilité étatique. Dans les cas du Mali par exemple elle résulte d’emblée de la disproportion entre les capacités avérées de l’Etat et l’immensité d’un territoire de plus d’un million deux cent mille km2. Cette fragilité est d’autant plus problématique qu’elle est un facteur de risque pour des pays faisant face à des menaces politiques (comme le séparatisme) et à la convoitise sur leurs ressources naturelles. Plusieurs indicateurs au moins permettent de mettre en lumière cette fragilité étatique.
D’abord l’incapacité et l’absence de volonté d’assurer l’Etat de droit, de délivrer les services sociaux de base aux populations y compris la sécurité, de manière équitable et effective. Ensuite la récurrence des violations des droits de l’homme et singulièrement des droits politiques L’armée qui est sensée défendre les populations, reste souvent impuissante – à l’image de l’armée malienne devant les situations comme celles du nord Mali où le pouvoir devient illégitime.
Un autre élément explicatif de cette fragilité réside dans les coups d’Etat dont la fréquence est un des indicateurs de la faiblesse étatique et de l’instabilité de même que la persistance ou la résurgence de dynamiques conflictuelles qui débouchent sur un affaiblissement du consensus national garantissant la démocratie et la paix civile.
La persistance des clivages ethniques est, elle aussi, une autre manifestation de la faiblesse de l’Etat en Afrique de l’ouest. Dans un tel contexte, le rétablissement de la sécurité et de l’Etat de droit sur toute l’étendue de leur territoire apparait comme l’un des premiers défis des régimes en place.
Extrait de l’ouvrage « Les défis de la gouvernance en Afrique de l’Ouest » © copyright : Gorée Institute – Edition 2013