Forum annuel de la jeunesse africaine : chronique d’une culture institutionnelle ancrée

C’est devenu l’évènement de l’année pour les jeunes de l’Afrique de l’Ouest. Le cénacle du dialogue intergénérationnel, la clinique juvénile de diagnostic et de résolution des maux d’une jeunesse très souvent mise au ban. Innovateur de cet évènement dont l’envergure croît d’année en année, le Gorée Institute a fini de faire du Forum de la jeunesse un acquis institutionnel depuis 2016, date de la tenue de la première édition.  

Depuis près d’une décennie, le Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique s’évertue à donner à des centaines de jeunes africains une belle opportunité annuelle de s’exprimer, de s’instruire, de dialoguer et d’échanger en vue d’améliorer qualitativement leur engagement citoyen et politique en faveur de la paix et de la stabilité dans une Afrique où leurs voix sont souvent étouffées, leurs préoccupations négligées et leurs opinions le plus souvent ignorées.

Si le Gorée Institute a pris la noble résolution de dédier annuellement une activité à la jeunesse africaine, c’est parce qu’il voit en cette dernière un partenaire à valeur incommensurable. Autrement dit, l’Institut Gorée, à travers ses valeurs démocratiques, n’entend pas faire abstraction de cette force positive qu’est la jeunesse qui, disons-le, mérite une plus large implication dans les instances internationales, régionales et nationales.  Comme le dit d’ordinaire le Directeur exécutif du Gorée Institute, Doudou Dia, « chaque jeune est pour son pays un enjeu stratégique ». L’Institut panafricain, à travers le Forum annuel régional de la jeunesse, contribue de manière significative au façonnage de la couche jeune afin que cette dernière ne soit plus en marge des décisions politiques et institutionnelles. À  quelques jours de la tenue de la 5e édition prévue à Bamako (Mali), permettons-nous une petite remontée dans le temps pour en savoir davantage sur l’historique du Forum régional annuel du Gorée Institute.

Abidjan, ville précurseur

C’est en 2016 en Côte d’Ivoire où tout a commencé. Successivement, deux éditions (2016 et 2017) du Forum de la jeunesse y sont tenues, fruit d’une collaboration entre le Gorée Institute, la Commission de la CEDEAO, le Conseil de l’Entente, le Gouvernement de la Côte d’Ivoire et le PNUD. Contrairement au format actuel de l’évènement qui est singulièrement centré sur les jeunes de la région du Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso, Sénégal), les deux premières éditions mobilisaient la jeunesse des différents pays de la CEDEAO (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, République de Guinée, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo). Si les deux éditions s’inscrivent dans le cadre du Programme Consolidation de la Paix et Prévention des Conflits du Gorée Institute, on peut dire que celle de 2017 s’est fondée sur les acquis du forum de 2016, même si la méthodologie de travail est restée la même avec une subdivision en trois axes : renforcement des capacités organisationnelles des jeunes, recueil de leurs points de vue et analyses sur les questions spécifiques à leurs pays et offres d’opportunités d’échanges et de partages avec des décideurs au sein du gouvernement ivoirien, des institutions sous régionales et des OSC. L’édition de 2017 est donc venue assurer la continuité après le succès enregistré lors de la première édition. Et ses retombées furent tout aussi intéressantes et surtout profitables à la cinquantaine de jeunes participants ouest africains. Ce forum a, en outre, amélioré et consolidé l’élargissement de la plateforme des jeunes pour la paix, la sécurité et la cohésion sociale en Afrique de l’Ouest, qui a été mise en place lors du premier forum. Par la même occasion, la « communauté de pratiques » des jeunes leaders de l’espace CEDEAO a été lancée pour faciliter l’apprentissage et la collaboration. Lors de cette deuxième édition, la situation sécuritaire de l’Afrique de l’Ouest a aussi fait l’objet d’une analyse scindant la sous-région en deux espaces géographiques. Par ailleurs, les sessions thématiques qui y ont été abordées ont donné aux jeunes leaders l’occasion de présenter les problèmes spécifiques de leurs pays et les situations sécuritaires qui en résultent. Dans les sessions d’échanges d’expériences, les autorités présentes lors des deux éditions ont partagé leurs parcours pour inspirer les jeunes. Ce fut le cas du ministre d’alors de la Promotion de la Jeunesse, M. Sidi Tiémoko Touré, du Représentant permanent d’alors de la CEDEAO en Côte d’Ivoire, SEM. Babacar Carlos Mbaye et de Mme Salimata Porquet qui dirigeait le Réseau des Femmes pour la Paix et la Sécurité dans l’espace CEDEAO.

Bamako pour la pérennité

Pendant quatre ans, le Forum de la jeunesse du Gorée Institute a failli tomber dans les oubliettes, avec une kyrielle de facteurs exogènes expliquant sa non-tenue. Mais, grâce à l’engagement irrépressible de l’Institut Gorée pour la cause des jeunes du continent, l’évènement phare de la jeunesse a repris ses droits en 2022, avec notamment le programme Power of Dialogue qui est centré sur le renforcement de capacités des femmes et des jeunes leaders.  Et pour la troisième édition, Bamako était à l’honneur suite à un partenariat formalisé entre le Gorée Institute et l’École de Maintien de la Paix, Alioune Blondin Bèye pour l’organisation conjointe sur le thème « Engager les jeunes comme partenaires stratégiques dans la consolidation de la paix et les processus politiques au Sahel ». Une activité qui entre en droite ligne avec les objectifs institutionnels et les directives des programmes des deux institutions. Et comme lors des deux précédentes éditions, celle de Bamako qui fut tout aussi stimulante a rassemblé cinquante (50) jeunes et praticiens représentant des organisations de la société civile, des partis politiques, des organisations internationales et des institutions gouvernementales du Burkina Faso, du Mali, du Niger et du Sénégal afin qu’ils partagent leurs expériences, s’inspirent les uns des autres sur la façon de prendre en charge leur avenir et de repenser la façon de s’engager dans la consolidation de la paix, l’engagement civique et la prise de décision politique. La particularité du Forum 3 réside aussi dans le fait qu’au terme de leur formation, les alumni du réputé programme Gorée Institute Youth Leadership Academy (GYLA) participent au Forum.

Après deux éditions qui se sont plus appesanties sur les questions ayant trait au leadership jeune et à la prévention des conflits en Afrique de l’Ouest, le Forum de Bamako est venu attester que les jeunes disposent d’une expérience significative et des leçons à partager entre eux concernant les défis auxquels ils font face pour accéder aux opportunités sociales, politiques et économiques.

Bamako n’ayant pas fait moins qu’Abidjan, l’édition 3 fut honorée par des dignitaires dont les ministres maliens de la Jeunesse, de la Réconciliation nationale et d’autres acteurs influents du Mali. Lors des échanges, l’accent a été mis sur les principaux obstacles politiques, ainsi que sur l’expérience et les défis auxquels sont confrontés les jeunes au 21eme siècle. Les présentations thématiques ont aussi débouché sur des suggestions, des options politiques et des recommandations inspirantes pour motiver les jeunes et influencer le changement.

Ouaga, la consécration…  

A Ouagadougou, le Gorée Institute a donné un véritable coup de boost au processus de responsabilisation des jeunes en Afrique et particulièrement dans le Sahel. Ce rendez-vous obligé de la jeunesse africaine a été le lieu privilégié d’échanges et de partage de leurs idées et expériences sur leur participation aux différents processus politiques.

Si les éditions d’Abidjan et de Bamako ont mobilisé chacune une cinquantaine de jeunes, la salle de conférence du ministère burkinabé des Affaires étrangères qui a abrité la 4e édition a accueilli plus de deux cents (200) jeunes, tous membres d’organisations de la société civile, de partis politiques, d’organisations internationales et d’institutions gouvernementales du Burkina Faso, du Mali, du Niger et du Sénégal. Une revalorisation du nombre qui non seulement est révélatrice de l’ampleur de l’évènement au fil des années, mais aussi de l’engagement du Gorée Institute à offrir davantage d’opportunités à la jeunesse africaine. À Ouagadougou, la chance a été donnée à la jeunesse de partager ses expériences, mais aussi de repenser sa méthode d’engagement dans la consolidation de la paix, l’engagement civique et la prise de décision politique favorisant la stabilité politique au Sahel. Outre le partage entre jeunes de différents pays, le Forum de Ouaga a donné à ces derniers l’occasion de s’entendre avec d’éminentes personnalités et des experts en matière de paix, de sécurité et de démocratie, sur les questions relatives à la participation active des jeunes aux processus politiques.

Avec comme argumentaire la thématique « Mieux positionner les jeunes dans les politiques de gouvernance et de prévention des crises au Sahel », l’édition 2023 a passé en revue toutes les questions relatives à la jeunesse et à son implication dans les instances de prise de décisions. Cela à travers des panels de hauts volets sur les défis sécuritaires, les dynamiques et transitions politiques, les défis démocratiques, les crises politiques et institutionnelles, la refondation de la démocratie, la révolution digitale et la participation citoyenne au Sahel. Toutes ces thématiques ont été abordées compte tenu des intérêts et aspirations des jeunes du continent et du Sahel en particulier.

A l’instar des éditions précédentes, l’évènement de Ouaga a vu la participation des ministres burkinabè de la Jeunesse et de l’Emploi, de la Réconciliation nationale, des Affaires étrangères, du Genre et de la Famille. Etaient également présents des responsables de l’Assemblée Législative de la Transition (ALT), du Conseil national de la Jeunesse, de l’ONG Diakonia et de l’Association Jeunesse Espoir d’Afrique (AJEA).

Si les présentations thématiques du Forum ont mis l’accent sur des suggestions inspirantes pour motiver les jeunes et influencer le changement, ces derniers, à l’issue des travaux de groupes sur le renforcement de la démocratie et de la bonne gouvernance en Afrique de l’Ouest, ont fait une Déclaration commune dans laquelle ils ont formulé des recommandations à l’endroit de la CEDEAO, de l’Union Africaine (UA) et des chefs d’États des pays du Sahel.

Pour la 5e édition qui se dessine (12-13 novembre), l’honneur revient à Bamako qui va offrir son hospitalité pour une seconde fois. En attendant de voir ce que Bamako 2024 va contribuer en termes d’engagement et de participation des jeunes, le Gorée Institute continue de matérialiser la « priorité jeunesse ».