FORUM SUR LE DIALOGUE POLITIQUE EN GUINEE BISSAU : La société civile placée au cœur du processus

Du 08 au 09 février 2018, le Forum inter Bissau guinéens pour la facilitation du dialogue politique a réuni des organisations de la société civile bissau-guinéenne ainsi que d’autres acteurs issus des structures de l’Etat, des acteurs politiques, du secteur privé, des instances régionales et sous régionales, autour de la relance et de l’accompagnement du dialogue politique dans le pays. Appuyée par le Canada, la rencontre a été initiée par les femmes du REMPSECAO en partenariat avec le Gorée Institute dans le cadre de son programme Gouvernance Politique et Processus Electoraux.

Sur un ton solennel et dans un élan de solidarité nationale, le Forum de Bissau s’est ouvert sous l’intonation de l’hymne national du pays. Un moment fort en émotion cristallisé par le contexte politique assez complexe qui prévaut en Guinée Bissau. Le Forum de la relance et de l’accompagnement du dialogue politique en Guinée Bissau a demandé et obtenu la participation de tous les citoyens, en l’occurrence, les organisations de la société civile mais aussi de toutes les parties prenantes. ONG, associations religieuses, syndicats, plateformes de femmes, partis politiques, secteur privé …

La présence de personnalités a rehaussé la cérémonie d’ouverture : parmi elles, son Excellence, Dioncounda Traoré, ex-Président de transition du Mali, l’ambassadeur du Canada son Excellence Lise Filiatrault, Monsieur Domingos S. Preira, Président du PAIGC, El Hadj Aboubacar Djaló de l’Union des imams, Mme Elisa Tavares Pinto, Présidente de la REMPSECAO. Le Directeur du Gorée Institute, monsieur Doudou Dia a d’emblée campé le décor à travers un discours riche en symboles. Il a précisé que la mission du Groupe de contact déployé par le Gorée Institute n’est point « une mission de médiation et ne saurait se substituer aux missions des institutions régionales et internationales en cours que l’institut soutient pleinement.» Il ne saurait être aussi une tribune de «lamentation» ou de «contestation.». La mission du Groupe de contact est plutôt celle d’une facilitation pour la relance du dialogue politique. Précision faite, les objectifs de la rencontre ont été déclinés: il s’agit pour le Gorée Institute «d’engager une dynamique citoyenne sensible au genre qui donne l’occasion aux acteurs de la société civile, dans ses diverses composantes, de s’exprimer sur les préoccupations relevant de leur objet social sans influence des passions politiques.» Avec l’ensemble des organisations de la société civile, le Gorée Institute et le REMPSECAO ont pour ambition de contribuer positivement à un dialogue dont l’objectif principal est de travailler à une stabilisation des composantes du pays. Deux panels ont été organisés lors du Forum. Le premier animé par le Pr. Carlos Cardoso a porté sur le thème: « La trajectoire de la Guinée-Bissau de la colonisation à nos jours : regard croisé sur les dimensions économiques, politiques, anthropologiques.» La communication du Pr. Cardoso a évoqué entre autres points essentiels, l’héritage colonial, la crise de l’Etat, les clivages ethniques, freins à la création de la Nation. L’expectative créée par la présidentielle de 2014, avec l’élection d’un Président de la République et d’un Premier Ministre issus du même parti politique, a été malheureusement bafouée, selon le professeur Cardoso. Il précise que malgré les contradictions actuelles, le futur appartient au peuple Bissau guinéen. Le professeur a terminé son propos en évoquant le caractère narco-Etat du pays qui est devenu une plaque tournante du trafic de drogue avec ses corollaires, crimes transnationaux et terrorisme. Des perspectives ont été ouvertes pour une meilleure compréhension de la construction de l’Etat. En guise de solutions, il a appelé entre autres, à plus d’acception des nouvelles technologies de communication que le peuple doit utiliser en sa faveur à l’image des peuples asiatiques. Les débats qui ont suivi la présentation du professeur Cardoso ont mis l’accent sur des points essentiels de la situation de crise permanente dans le pays et des pistes de réflexion pour en sortir. La première erreur évoquée, c’est qu’avant de construire la structure administrative, les dirigeants bissau-guinéens ont démonté la structure administrative coloniale et le pays s’en est trouvé déshabillé. Le PAIGC n’a pas su intégrer dans le processus de création de l’Etat, les combattants analphabètes de la lutte armée. Comme piste de réflexion, la mise en valeur de la culture dans la construction de l’Etat, l’utilisation de la langue créole comme trait d’union entre bissau-guinéens, ont été évoquées. Tout comme le mixage nord-sud, source de métissage.

‘’Mise en œuvre d’une Synergie citoyenne pour la paix, la stabilité politique et institutionnelle’’

Le deuxième panel animé par le Dr. Mme Manuela Manuel Lopes Mendes a porté sur le thème : « La crise politique actuelle : historique, acteurs, parties prenantes, causes, conséquences, etc.» Dans sa présentation, Mme Mendes a retracé la crise politico-institutionnelle dans le pays. Parmi les points essentiels de sa communication, elle a mis en avant les questions liées à la dépolitisation des forces armées. Elle a estimé que la fragilité des institutions et la mauvaise gouvernance sont aussi responsables de ces crises, malgré plusieurs initiatives. Pour mettre fin aux multiples crises que traverse le pays depuis son indépendance, Mme Mendes estime qu’il faut un nouveau contrat social. A sa suite, les débats ont porté sur la crise actuelle, résultante du non-respect des règles à tous les niveaux, selon plusieurs intervenants. Comme solution, l’Accord de Conakry a été mentionné.

Par ailleurs, la seconde journée de la rencontre fut une opportunité de dialogue ouvert mais également de discussion franche entre toutes les couches de la Nation Bissau Guinéenne : acteurs politiques, autorités publiques, secteur privé, citoyens, acteurs de la société civile, etc. Grâce à la facilitation des 2 ambassadeurs (Saidou Nourou Ba et Bruno Zidouemba), membres du Groupe de contact dépêché par l’Institut Gorée ainsi que SE Madame Fatumata Djau Baldé, ancien ministre des Affaires étrangères de la Guinée Bissau, les participants se sont tous exprimé en fonction de leur centres d’intérêt mais surtout tenant compte des discussions de la veille. Au terme de la rencontre, des recommandations ont été formulées dans le sens d’accorder toujours la primeur au dialogue inclusif en tenant compte de la culture des bissau-guinéens; faire les réformes de l’administration publique, de la justice, de l’éducation nationale, du secteur de la défense et de la sécurité, des lois et en créant un Pacte Social. Le Gorée Institute et le REMPSECAO ont encouragé la mise en place d’une Synergie citoyenne pour la paix, la stabilité politique et institutionnelle. Portée par la société civile, elle doit s’approprier les propositions et fonctionner comme un Comité de veille et de suivi des recommandations du Forum.