Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique
Il existe en Guinée un réel dysfonctionnement de l’administration et une faible participation de la société civile à la gestion des affaires publiques. S’agissant des dysfonctionnements de l’administration, de nombreux diagnostics élaborés à diverses occasions ont permis d’identifier les principales causes de dysfonctionnement et d’une gestion des recettes peu rationnalisée. Il y a, comme ressorts de ce malaise, une absence de distinction nette entre ressources publiques et ressources privées. L’instabilité, l’incohérence et le manque de rigueur du cadre juridique et du code de conduite favorisant les dispositions arbitraires, qui sont de nature à amoindrir l’action de l’administration guinéenne. Certaines réglementations empêchent l’affectation optimale des ressources et suscitent la recherche de rente, ce qui encourage de facto la corruption.
Un autre aspect révélateur du manque de transparence au sein de l’administration guinéenne réside dans les traitements et les avantages des fonctionnaires qui sans rapport avec la réalité. Il y a un contrôle insuffisant de l’activité des fonctionnaires, l’existence de travailleurs « fantômes », le népotisme et l’incompétence, auxquels viennent s’ajouter le gaspillage et la corruption.
Quant à la faible participation de la société civile dans la gestion des affaires publiques, il est à noter qu’en dépit des progrès réalisés, il ressort que les relations entre l’administration et la société civile sont encore lourdement chargées de suspicion, de méfiance et de rejet. Le renforcement du pouvoir de la société civile par les pouvoirs publics demeure timide et leur appui à cette dernière, parfois très ambigu. La possibilité d’infiltration des mouvements sociaux par les pouvoirs publics n’est pas chose à négliger. Cette difficulté est palpable sur toute l’étendue de l’Administration guinéenne.
Au niveau des organisations de la société civile, de vrais problèmes existent et entravent lourdement l’accomplissement de leur mission de promotion de la gouvernance. Ils ont pour nom manque de professionnalisme ; cadre légal en vigueur inadapté ; inefficacité relative des structures de suivi et d’encadrement de ces organisations. Dans le mouvement syndical, c’est le non-accès à l’information qui en demeure le principal handicap. Le rôle de vigie que devrait jouer la presse se trouve amoindri du fait des nombreuses difficultés auxquelles elle est confrontée. Celles-ci seraient liées notamment au manque de professionnalisme qui n’est pas sans engendrer des procès coûteux. L’absence de libéralisation du paysage audiovisuel est un sérieux handicap pour la promotion de la gouvernance. Il n’existe qu’une radio nationale, de même qu’il n’existe qu’une seule chaîne nationale (publique) de télévision, bien que finalement repartie sur deux antennes (émettant à Koloma et Boulbinet, Conakry).
Il ressort en effet de nombreuses réflexions et des fondements de nombreux programmes de politique économique et sociale que les causes de la crise vont largement au-delà de la simple absence de transparence. Cette mauvaise gouvernance a certes empêché le pays d’atteindre le point d’achèvement de l’initiative Pays pauvre très endetté (PPTE) pendant plus d’une décennie, mais, en plus, elle a privé le pays de beaucoup d’autres opportunités de développement et l’expose à des risques de plusieurs natures y compris les risques de violence et d’instabilité politique.
Source : ouvrage sur la Gouvernance en Afrique de l’Ouest (Gorée Institute 2013)