Gouvernance et démocratie au Sénégal : quelle valeur aux yeux de l’opinion ?

La démocratie se résume souvent par le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Dans le monde d’aujourd’hui, avec les nombreux bouleversements et contraintes, la question qu’on se pose souvent est quelle est la place de la gouvernance démocratique et politique au sein de la société sénégalaise ? Cette question a souvent été le sujet de multiples controverses. En effet, pour avoir une vue d’ensemble sur des problèmes importants auxquels le Sénégal fait face, la perception des citoyens sénégalais sur ces questions est primordiale. A travers une étude, le Gorée Institute s’est engagé à comprendre ce problème en prenant en compte le point de vue des Sénégalais en corrélation avec les réalités sociales du pays. L’étude indépendante réalisée par le Gorée Institute en 2020 est partielle et sans parti pris avec comme objectif de conscientiser les décideurs, sensibiliser la population et réveiller la jeunesse du Sénégal.

Dans cette étude portant sur la gouvernance démocratique et politique, plusieurs points sont abordés parmi lesquelles : les réformes constitutionnelles en 2016, la liberté de créations des partis politiques ainsi que leur floraison, sans oublier leurs financements, la liberté du processus démocratique, la place des femmes sur l’échiquier politique, l’indépendance de la justice et de son accessibilité, le rôle du Parlement et de l’opposition au Sénégal, la protection des droits humains ainsi que le rôle de la société civile sur la contribution démocratique, la liberté de la presse  et la régulation des médias et enfin la question de la stabilité.

La démocratie au Sénégal garde-t-elle une place des colons ou s’est-elle modernisée avec le temps ? Il faudrait prendre en compte que le Sénégal a connu quatre (4) présidents depuis les indépendances, mais le constat est que la politique politicienne perd de la crédibilité au sein de la population surtout au niveau des jeunes à cause d’un manque d’efficacité de nos politiques et aussi à des promesses non tenues.

Ceci dit, le Sénégal a toujours été considéré comme un pays démocratique du point de vue interne qu’externe et cela constitue d’une certaine façon sa force de légitimité du point de vue diplomatique. En effet, lors de la récente alternance, le Président Sall s’est engagé à entreprendre quelques réformes constitutionnelles pour une meilleure gouvernance au Sénégal.

Le 05 avril 2016, il eut l’occasion d’effectuer sa révision constitutionnelle en modifiant 15 points qui touchait 18 articles fondamentaux, dont 10 des quinze qui étaient consensuels grâce à la révision constitutionnelles n 2016-10.

Cinq points parmi les reformes du Président de la République portent essentiellement sur :

•            Le point 6 concernant la restauration du quinquennat pour le mandat du Président qui fut par la suite refusée par le Conseil constitutionnel.

•            Le point 4 faisant référence aux nouveaux droits des citoyens qui fut sujet de critiques dû à son manque de clarté avec les LGBTQ faisant obstruction sur les valeurs religieuses sénégalaises sachant que la majorité de la population est musulmane.

•            Le point 12 concernant la désignation de deux membres du Conseil Constitutionnel dans un contexte où le pouvoir exécutif est mécaniquement supérieur au niveau de l’Assemblée mettant en mal l’indépendance de la justice sénégalaise.

•            Le Point 3 avec la création du Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT) que beaucoup estiment comme inutile car favorisant certains au détriment d’autres.

•            Le point 15 portant essentiellement sur le mode d’élections, la durée ainsi que le nombre de mandats consécutifs mettant en mal une complexité qu’éprouve notre pays sur le potentiel 3e mandat du Président.

La deuxième problématique abordée est la liberté de création des partis politiques, une majorité de sénégalais estiment que la création est libre et facilitée.  Avec l’intégration de l’article 81-17 du 6 Mai 1981, le multipartisme est devenu permanent. La preuve en est que pendant le règne du Président Wade, 145 partis politiques furent légalement constitués d’où l’introduction du parrainage par le président Sall qui a suscité de vives critiques. Son financement est aussi sujet à des défaillances du point de vue de l’écart de ressources engrangées entre les grands et les petits partis, mettant en mal la question de la régulation des financements et un meilleur contrôle des mécanismes d’éligibilité permettant la limitation de leurs surnombres. Certaines personnes prennent la politique comme un échappatoire face aux conditions sociales.

La troisième problématique est relative à la question de liberté et la transparence des élections qui fait objet à de nombreux débats d’où le bilan négatif sur la liberté des élections car un grand pourcentage des Sénégalais estime qu’ils ne pas sont libres.

La quatrième problématique concerne l’implication des femmes dans les processus électoraux. La société sénégalaise est souvent taguée comme étant patriarcale, et en partant de ce constat, on remarque que la participation des femmes aux processus électoraux est relativement faible, ce malgré les récentes dispositions comme l’adoption de la parité. Au-delà des statistiques évidentes de la sous-représentation des femmes, ¾ de la population trouvent leur présence relativement bonne.

La cinquième problématique fait référence à la justice au Sénégal qui a toujours posé le débat et cette contradiction a pris un autre tournant ces dernières années comme avec l’intention de détourner la notion de nécessité de service pour contourner l’inamovibilité et la remise en question de la transparence des carrières des magistrats. La mainmise du pouvoir exécutif sur ces questions est très présente et cela pourrait être sujet à une influence des décisions sur les magistrats.  D’où l’importance de la création d’un organe totalement indépendant pour discuter de ces questions.

L’Exécutif garde une mainmise importante sur les questions relatives à la justice, mettant en lumière la position négative des Sénégalais par rapport à cette question.

Le point sur la séparation des pouvoirs revient souvent dans la sphère politique, surtout au niveau de l’Assemblée nationale où le parti au pouvoir garde une mainmise, mettant en mal l’efficacité de l’opposition.

Les parlementaires n’en restent pas moins épargnés car leur inefficacité est notable d’après les Sénégalais interrogés et ce point a pris un autre tournant lorsque le poste de Premier ministre fut supprimé en 2019 entraînant ainsi la suppression des techniques constitutionnelles de censure du gouvernement. D’où le ressentiment de la majorité de la population sénégalaise qui a un avis négatif sur la question relative à la justice sénégalaise.

La sixième problématique est relative à la question de l’Etat de droit ainsi que des droits humains qui sont une question primordiale dans la société. En effet l’image du Sénégal ainsi que sa diplomatie en dépendent. D’où la conformité de l’Etat qui essaie tant bien que mal de respecter ce droit, mais du point de vue interne, cette question a une perception négative au niveau des populations estimant qu’il y a une justice à deux vitesses.

La septième problématique fait référence à la société civile qui occupe une place importante dans le paysage politique car c’est un moyen d’éviter les débordements de nos gouvernants. La société civile est souvent considérée comme un contre-pouvoir alertant les populations sur certains méfaits. D’autant plus qu’au Sénégal, leur présence est largement favorable au niveau de la population.

La huitième problématique équivaut à la liberté de la presse et de l’opinion qui est importante dans le paysage politique sénégalais qui aspire à être démocratique. D’où la loi n 2017-27 du 13 Juillet 2017 favorisant la création d’une maison de la presse. Cela dit, durant le magistère du Président Sall il y eut un recul de la liberté de presse. Malgré les fais et statistiques, la majorité de la population estime que cette liberté est bien présente ce qui n’est pas le cas des médias qui sont souvent taxés de « parti pris ». Ceci dit, sa régulation avec le CNRA est plutôt bien accueillie par la population.

Le point final et pas des moindre concernant la stabilité politique et institutionnelle au Sénégal, une écrasante majorité confirme sa présence, renforçant ainsi la phrase qui accole souvent le Sénégal « Pays de la Téranga ».

En somme, on peut dire que le Sénégal a toujours été considéré comme démocratique du point de vue historique. Toutefois, depuis plusieurs années, l’avis de l’opinion publique lui est défavorable à cause de certaines actions douteuses des gouvernants. L’Exécutif et l’administration doivent être séparés pour apporter plus de transparence sur certains domaines, la création d’un organe totalement transparent pour apporter sa lumière sur certaines affaires et enfin faire des débats sur l’espace public afin d’impliquer tout le monde.

Source : Perception citoyenne sur l’état de la démocratie et de la gouvernance au Sénégal, Gorée Institute 2020