Article de la semaine-La médiation en Afrique de l’Ouest : quels rôles jouent l’Union Africaine, la CEDEAO et les Nations Unies ?

Dans les deux dernières décennies, la région ouest-africaine a témoigné d’une pléthore d’efforts de prévention et de gestion des conflits entrepris par les organisations internationales. Les Nations unies (ONU), l’Union africaine (UA) et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) ont entrepris des efforts séparés et, dans certains cas, conjoints, en faveur de la prévention et de la résolution des conflits dans la région. Un des outils majeurs déployé dans de tels efforts d’intervention a été le processus de médiation ; le travail de médiation avec ces organisations a été conduit à travers deux points d’entrée essentiels. Le premier est la médiation qui tente de prévenir la montée en flèche des conflits vers la violence. Le deuxième point, qui a été plus répandu dans la région, surtout dans la première décennie de l’ère de l’après-guerre froide, est la médiation qui tente de résoudre les conflits et de gérer les processus de transition dans les pays post-conflits.

En 2006, les Nations unies ont établi une Unité de soutien de la médiation (MSU) dans le Département des affaires politiques. L’Unité de soutien de la médiation est devenue opérationnelle en 2008 avec la création d’une Équipe de soutien, « à la demande », pour être déployée à la demande des envoyés politiques de l’ONU, des organisations régionales, des missions de maintien de la paix et des médiateurs sur le terrain. L’équipe a été déployée au Kenya en 2008 et en RDC en 2009 afin de soutenir le travail de médiation de Kofi Annan et d’Olusegun Obasanjo. Sur le terrain, le Bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’ouest (UNOWA) fait de la diplomatie préventive dans la région à partir de sa base à Dakar, au Sénégal. Au fil des ans, les missions onusiennes dans les pays en conflit dans la région de l’Afrique de l’ouest sous l’égide du Représentant spécial du Secrétaire général, l’établissement du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine en 2004 a vu la mise en place de structures concrètes en charge de la prévention, de la gestion et de la résolution des conflits.

La sous-structure essentielle du Protocole en charge de la médiation est le Conseil des anciens. L’Union africaine facilite aussi les efforts de médiation à travers les envoyés spéciaux et les représentants spéciaux du président de l’UA. (SRSG) ont alterné entre le maintien de la paix, la médiation et la reconstruction post-conflit.

L’UA a amélioré significativement la promotion de la stabilité et la prévention des conflits dans la région. Ces structures ont fait des avancées importantes dans la facilitation des processus de paix, et il existe un nouvel accent sur la médiation comme outil critique. La preuve des succès est claire, bien que souvent ils reçoivent peu d’attention, mais, malheureusement, cela ne change pas le fait que les défis qui restent sont énormes.

Sous l’égide de la CEDEAO, la médiation fait partie d’un cadre général qui met en priorité l’alerte précoce et la prévention des conflits. Elle est largement basée sur le Protocole relatif au Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité de 1999 (le Mécanisme). Ce cadre général a trois structures ou organes. Premièrement il y a les facilitateurs ou médiateurs appelés le cas échéant ; ils sont, en grande partie, issus des chefs d’État actuels ou anciens. Les médiateurs spéciaux sont approuvés par l’Autorité des chefs d’État et de Gouvernement de la CEDEAO et tirent leur mandat de l’article 20 du Mécanisme. L’article 20 ne différencie pas clairement entre les médiateurs spéciaux et les membres du Conseil des sages. Cependant, dans le Cadre de prévention des conflits de la CEDEAO (CPCC) et, en pratique, ils sont traités en tant que catégories séparées.

La deuxième structure de médiation disponible pour la CEDEAO est le Conseil des sages. Les membres du Conseil des sages sont des personnalités connues des différentes parties de la société – notamment les leaders politiques, traditionnels et religieux. Il comprend également le président de la Commission des représentants spéciaux et les envoyés qui sont basés dans les pays en conflit. Il s’agit des premiers points d’engagement dans toute situation de conflit.

L’adoption et l’opérationnalisation des cadres normatifs dans le cas de la CEDEAO, afin de faciliter les interventions, ont réalisé des succès essentiels dans la région, comme cela a été le cas lors la crise de succession au Togo en 2005 et lors des crises politiques en Guinée Conakry – d’abord au début de 2007 entre le gouvernement et les syndicats, et plus récemment, le 15 janvier 2010 la CEDEAO a négocié l’Accord de Ouagadougou.

Le point focal de l’engagement UA-CEDEAO en Guinée Conakry était le Groupe international de contact sur la Guinée (GIC-G), établi le 30 janvier 2009, afin de continuer l’engagement et de contrôler le progrès vers la restauration d’un ordre constitutionnel en Guinée. Le Groupe de contact est coprésidé par le président de la Commission de la CEDEAO et le président de la Commission de l’UA. D’autres membres sont des représentants de la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD), l’Union européenne (EU), et l’Union du Fleuve Mano (UFM), et les Nations unies. Encore plus important, le Groupe de contact a mis tout son poids derrière le Médiateur de la CEDEAO, le président Blaise Compaoré du Burkina Faso, ce qui a renforcé le mandat du médiateur.

Au niveau de la Commission de l’UA, le président avec le soutien de la CPS à travers des communiqués pertinents et aussi à travers les efforts de son envoyé spécial pour la Guinée-Bissau, M. João Bernardo de Miranda, a été capable de soutenir le processus. Avec les succès de la médiation préventive, la CEDEAO, avec le soutien de l’UA et de l’ONU, s’est également engagée dans la médiation transitionnelle post-conflit. Les efforts de médiation du médiateur de la CEDEAO pour le Liberia, l’ancien chef d’État du Nigeria, le Général Abdulsalami Abubakar qui a négocié l’Accord d’Accra de 2003, est un bon exemple d’un processus efficace de médiation. La Direction des affaires politiques de la CEDEAO est en train d’établir une Division de facilitation de la médiation afin de soutenir ses efforts continus de médiation.

Bien qu’il y ait eu des avancements et des succès dans la médiation sous-régionale et la résolution des conflits, il y a encore plusieurs défis dans l’opérationnalisation efficace de ces organes et cadres élevés. Les institutions du Panel des sages au niveau de l’UA et le Conseil des sages de la CEDEAO sont un exemple de structures vitales qui ne sont pas encore pleinement opérationnelles. Le processus de sélection des membres, le manque de ressources, et les compétences et l’expertise dans la médiation ne sont que quelques contraintes que ces organes de médiation clés sont en train de traiter.

Une autre tendance inquiétante est le mouvement de la CEDEAO de fermer ses missions une fois que l’État membre post-conflit est considéré comme ayant atteint une stabilité relative. Actuellement, la mission de la CEDEAO au Togo a été fermée tandis que celles en Guinée et au Libéria sont en train de fermer. Bien que ces pays aient fait de bon progrès, il y a encore le besoin que la CEDEAO reste sur le terrain comme le premier point d’engagement. Enfin, sur une note générale, les processus de médiation dans la sous-région doivent être plus inclusifs, cela est en particulier vrai en ce qui concerne le rôle que la société civile peut jouer dans l’amélioration du processus et en ce qui concerne le besoin d’avoir une situation plus équilibrée entre les sexes.

 

source: Documentation de l’expérience des médiateurs ouest-africains (Gorée Institute)