Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique
La légitimité du pouvoir de S.E.M. Yayah Jammeh est fortement contestée sur le plan interne et sur la scène internationale. En effet, ce dernier est arrivé au pouvoir en 1994 à la faveur d’un coup d’état militaire. Depuis, l’adoption de la Constitution gambienne et les élections successives en 1996, 2001, 2006 et 2011 ont confirmé la mainmise de S.E.M. Jammeh sur le pouvoir politique en Gambie. La critique du leadership de S.E.M. Yayah Jammeh remet en question la légitimité de l’État Gambien. De fait, le contrôle de S.E.M. Jammeh s’exerce sur l’ensemble de l’appareil d’État :
– présidence de la République,
– majorité parlementaire écrasante,
– contrôle des chefs locaux et de
– l’appareil de sécurité.
La présidence autoritaire de S.E.M. Yayah Jammeh et le contrôle quasi total de la vie politique par l’APRC ont poussé à une radicalisation de l’opposition politique engendrant une menace sécuritaire interne. Ainsi, la vie politique Gambienne semble soumise à des contestations violentes du pouvoir à l’image de la tentative de coup d’État de 2006 et des tentatives alléguées de 2009 et 2010. Si la véracité de ces deux dernières est remise en question, la thèse d’une machination organisée par le pouvoir politique reste dans la logique d’un contrôle de plus en plus autoritaire sur le jeu politique national.
En août 2012, la crise de légitimité de l’État Gambien a pris une dimension internationale avec la suspension du moratoire (en place depuis 1981) sur les exécutions de condamnés à mort.
Sur le plan interne, cette vague d’exécutions de condamnés à mort a accru la visibilité du lancement officiel du Conseil national de transition pour la Gambie (CNTG) à Dakar en Septembre 2012. Le CNTG est né du boycott de l’élection présidentielle de septembre 2011. Son leader est un entrepreneur franco-gambien nommé M. Sheikh Sidia Bayo. Selon ce dernier, le CNTG disposerait d’une stratégie de renversement de S.E.M. Jammeh ainsi que d’un contre-gouvernement . Le CNTG poursuit actuellement une phase de reconnaissance internationale en tant que gouvernement légitime de Gambie, à l’instar des précédents syriens et libyens. Ainsi, M. Bayo déclare mener une transition politique avec à la clé une intervention armée visant à la destitution de S.E.M. Jammeh .
Selon lui, un tiers environ de l’armée Gambienne aurait donné allégeance au CNTG et serait prêt à mener l’attaque depuis différents points stratégiques du pays . Le CNTG est ainsi porteur d’une remise en cause totale de la légitimité du pouvoir.
Sur le plan régional, les exécutions ont largement aggravé la tension diplomatique entre la Gambie et le Sénégal.
En outre, la communauté internationale dans son ensemble a dénoncé le non-respect du moratoire pour l’application de la peine de mort adopté avec 138 pays.
La détérioration de la légitimité du pouvoir de S.E.M. Yayah Jammeh sur le plan international a une incidence indirecte sur la sécurité du pays. En effet, la Gambie est en situation de forte dépendance à l’aide extérieure, et cette aide comporte de nombreuses conditionnalités démocratiques . Ainsi, en termes de sécurité humaine une suspension de l’aide serait susceptible d’entraîner des difficultés de sécurité alimentaire par arrêts des financements agricoles et participerait certainement d’un accroissement de la pauvreté dans le pays, facteur intrinsèque d’instabilité politique.
Source : Les conséquences sécuritaires de la contestation politique du président Yaya Jammeh, Systèmes de conflits et enjeux sécuritaires en Afrique de l’ouest, Pages 110-112, Gorée Institute, 2012