Les défis de la gouvernance en Afrique de l’Ouest: note de lecture

 L’Afrique de l’Ouest est particulièrement marquée par une situation d’instabilité. Ces deux dernières décennies, la notion de gouvernance a été beaucoup mise en exergue car considérée comme indispensable au développement. La gouvernance désigne l’ensemble des mesures, des règles, des organes de décision, d’information et de surveillance qui permettent d’assurer le bon fonctionnement et le contrôle d’un Etat, d’une institution ou d’une organisation qu’elle soit publique ou privée, régionale, nationale ou internationale. Dans un Etat, elle préconise la transparence, le respect de l’Etat de droit, la lutte contre la corruption, la tenue d’élections démocratiques au suffrage universel… Cependant, importé dans le contexte ouest-africain, ce modèle politique doit prendre en compte la pauvreté des populations, l’analphabétisme, la propension à utiliser l’Etat comme moyen d’enrichissement et bien d’autres phénomènes qui font que cette région de l’Afrique soit affectée par le sous-développement économique. La gouvernance occupe une place prépondérante dans le discours politique et les politiques publiques de la presque totalité des pays de l’Afrique de l’Ouest.

Mais les situations qui prévalent dans ces pays témoignent de la précarité de la bonne gouvernance en Afrique de l’Ouest.

Se pose alors la question de savoir les défis de la gouvernance auxquels sont confrontés les pays de l’Afrique de l’Ouest ?

Dès lors, il convient de faire au préalable l’état des lieux de la gouvernance dans les six pays sus évoqués puis de voir les défis auxquels ils font face et enfin proposer des recommandations afin de relever ces défis.

Il convient de préciser que cette note de lecture tirée de l’ouvrage sur l’état de la gouvernance en Afrique de l’Ouest se limite aux Etats ouest africains suivants : Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Guinée Bissau, Mali et Togo.

Par ailleurs, cet ouvrage a été réalisé en 2013. Ainsi donc, il conviendra d’un point de vue temporel, de se prémunir d’un certain nombre de précaution étant entendu que beaucoup d’événements se sont produits entre 2013 et aujourd’hui dans ces pays concernés. En effet, cette note de lecture ne fait pas une mise à jour de l’état de la gouvernance dans ces pays, mais se fixe pour objectif uniquement de faire une synthèse de l’ouvrage de l’état de la gouvernance concernant ces pays susmentionnés. Notons toutefois qu’il y a une certaine persistance de certains de ces défis de la gouvernance jusqu’à présent au sein de ces Etats.

Le Burkina Faso, après avoir baigné dans l’instabilité politique de 1960 à 1987, est depuis le début des années 1990 l’un des Etats les plus stables de l’Afrique de l’Ouest. Son contexte politique est marqué par la création d’institutions et par l’instauration de l’Etat de droit et la compétition politique libre. Cet engagement à la démocratisation de la vie politique a permis au Burkina Faso depuis l’an 2000 d’acquérir une place au premier plan dans la résolution pacifique des conflits qui sévissent les pays de la sous-région. Sur le plan économique, le pays des hommes intègres a enregistré des avancées significatives : le pays a connu un taux moyen de croissance annuelle qui dépasse la moyenne dans la zone UEMOA de 2000 à 2009 soit 5%. De plus il a intégré et adopté des programmes tels que la Stratégie de Croissance Accélérée et de Développement Durable, le Mécanisme Africain d’Evaluation par les pairs et l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Minières qui sont une réflexion de l’engagement du Burkina Faso à assurer la croissance, la transparence dans la gestion des affaires publiques et à lutter contre la pauvreté. La gouvernance sociale burkinabè a produit des résultats insatisfaisants au cours de la dernière décennie. C’est la raison pour laquelle le gouvernement a engagé de grandes réformes et a impliqué considérablement les organisations de la société civile dans tous les processus entrepris pour éradiquer la pauvreté.

Malgré tous ces efforts, il reste des défis à relever. En matière de gouvernance politique, les autorités burkinabè doivent veiller à la préservation de la stabilité politique qu’a connu le pays ces vingt-cinq dernières années. De plus, ils doivent non seulement veiller au respect de la Constitution, norme suprême, qui n’est pas souvent perçue pour ce qu’elle est mais aussi et à la bonne organisation de l’élection présidentielle de 2015. Sur le plan socio-économique, il y a aussi des défis à relever. Ce sont les défis de transparence et de lutte contre la corruption et celui de l’accélération de la croissance car la pauvreté reste élevée et touche plus de 40% de la population.

Au Sud du Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, le contexte et l’état de la gouvernance politique sont caractérisés par une instabilité. La démocratie ivoirienne est en mal d’héritiers, la crise militaro-politique a mis entre parenthèse le processus démocratique et par ricochet entrainé une violence politique et sociale basée sur des rancœurs ethniques et religieuses. La gouvernance économique est gangrénée par une corruption endémique et une mauvaise gestion des ressources naturelles accentuée par une crise du foncier rural et agricole. Les mesures prises pour une bonne gouvernance sociale et sécuritaire souffrent d’une application insuffisante. La Côte d’Ivoire a beaucoup de défis à relever. En effet, les autorités ivoiriennes doivent veiller à la mise en place d’un Etat de droit durable et éradiquer cette perception de l’Etat comme étant un instrument exclusif au service de son dépositaire pour ce qui est de la gouvernance politique. En ce qui concerne l’économie, elles doivent garantir une gestion transparente et durable des ressources nationales, combattre la corruption.

Les autorités guinéennes promeuvent la bonne gouvernance socio-économique par le biais de l’élaboration de projets et de programmes à savoir le Programme National de Développement Humain, la Stratégie d’Assistance à la Guinée, la Stratégie de Réduction de la Pauvreté. Cependant les avancées sont précaires du fait de l’absence de transparence. En réalité, il existe en Guinée un réel dysfonctionnement de l’administration et une faible participation de la société civile à la gestion des affaires publiques. Sur le plan politique, les enjeux de la gouvernance en Guinée sont liés d’une part à l’organisation du processus électoral plus précisément à la définition des « règles de jeux » et à la mise en place d’un organe de gestion des élections crédible ; d’autre part à la démocratisation de l’espace politico-institutionnel. Deux séries de défis peuvent être identifiés à savoir ceux liés à l’unité nationale et ceux liés à la démocratie. La Guinée devra améliorer la concertation entre les acteurs et dans le domaine de la gestion des conflits, garantir une meilleure intervention des partenaires au développement dans la promotion de la gouvernance dans les zones minières…

La Guinée – Bissau semble être prise dans un torrent d’instabilités à tous les niveaux. Certes des améliorations sont notées dans certains domaines. Par exemple au niveau de la santé, la mortalité infantile qui était de 203 à 223 entre 2000 et 2006 a baissé depuis mais reste élevée et était de 155 pour mille en 2010. Des améliorations sont aussi notées dans la scolarisation. Toutefois, les progressions restent insuffisantes, inégales et inégalitaires. La gouvernance en Guinée – Bissau fait face à de nombreux défis liés à la réforme de l’armée, l’instauration du dialogue politique, la lutte contre l’impunité, la répression du trafic de cocaïne et les nouveaux défis liés au développement socio-économique.

Situé au cœur de l’Afrique de l’Ouest, le Mali dispose d’un immense territoire et d’une diversité ethnique qui constituent paradoxalement un atout et à la fois un handicap. L’Etat malien fait face à des défis multiples. Les défis politiques sont inhérents au développement institutionnel et à la décentralisation, à la sécurité et à l’intégrité territoriale, à la lutte contre la corruption, à la gouvernance judiciaire. Les défis d’ordre socio-économique sont liés à l’amélioration de l’environnement des affaires et au développement des statistiques économiques et sociales.

Au Togo, les violences politiques n’ont pas cessé après le décès du général-président Gnassingbé Eyadema, le 5 février 2005. La tension restera particulièrement vive avec la préparation des élections législatives en 2012 et la crise persiste malgré les multiples médiations internationales et régionales. L’hyper-puissance du pouvoir exécutif, les instruments juridiques et institutionnels trompe-l’œil font que la situation politique est critique au Togo. Plusieurs initiatives sont néanmoins notées dans le domaine de l’économie visant à assainir les finances publiques, promouvoir la gouvernance d’entreprise mais la corruption reste un phénomène très prononcé au Togo. Le pays a entrepris beaucoup d’initiatives sur le plan social pour réduire la pauvreté, lutter contre les discriminations… Cependant c’est le suivi et l’évaluation de ces projets qui posent des problèmes. Par conséquent, l’Etat togolais a beaucoup de défis à relever que cela soit sur le plan politique, économique et social. Il doit respectivement à ces défis assurer la stabilité politique, socialiser et consolider l’Etat de droit et la démocratie constitutionnelle ; mettre en place des politiques économiques, transparentes et efficaces, lutter contre la corruption ; promouvoir l’initiative privée et renforcer les capacités des promoteurs, assurer la sécurité alimentaire…

En somme, la corruption, la pauvreté, le manque de transparence dans la gestion des ressources nationales, les conflits ethniques, religieuses, tribales, les crises électorales… sont les défis que le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Mali et le Togo sont appelés à relever et des recommandations ont été formulées dans ce sens.

D’abord, pour le Burkina Faso, afin de renforcer l’équité dans le traitement des partis politiques et mettre fin à l’opacité qui entoure leur financement et celui des campagnes électorales, les autorités devraient par exemple plafonner les dons individuels et les dépenses de campagnes, créer ou désigner une institution indépendante pour contrôler et sanctionner les violations de la loi sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales. De plus en matière économique et sociale, elles devraient par exemple accroitre la productivité et la compétitivité de l’économie nationale en accélérant la diversification de la base productive.

Ensuite, concernant le déséquilibre entre les trois pouvoirs en Côte d’Ivoire, trouver un compromis par la réduction des pouvoirs du Parlement et la soumission du pouvoir juridictionnel au pouvoir exécutif serait un bon moyen de résolution du problème. En plus, pour un réconciliation durable fondée sur les principes de l’Etat de droit, il va falloir redonner confiance aux citoyens dans les institutions judiciaires qui apparaissent comme faisant obstacle à la protection effective des droits fondamentaux et faire adopter dans les services publics un code d’éthique et de bonne conduite…

En outre, pour lutter contre la corruption en Guinée et en Guinée-Bissau, il faudrait soutenir et encourager toutes les structures de lutte contre la corruption ou encore mettre en place un corpus normatif favorisant la transparence et la bonne gouvernance par l’adoption des lois sur l’accès à l’information et sur les déclarations de patrimoines…

Aussi, au Mali, en matière de marché public, une application rigoureuse de la réforme du code issu de la directive de l’UEMOA devrait être opérée. Face au défi de la décentralisation, il faudrait préconiser l’accélération du processus de transfert de compétence et de ressources aux collectivités locales par exemple. Et, pour dynamiser le monde des affaires, il serait judicieux de mettre en place un plan d’action visant à réduire le coût de transactions pour la création d’entreprise, simplifier l’obtention des licences, améliorer le financement bancaire…

Enfin, les autorités togolaises pour révéler les défis de la gouvernance sociale devraient, faciliter et protéger les initiatives privées des populations, améliorer la situation sociale de la femme, de l’enfant et des personnes vulnérables ou marginalisées…

 

Ouvrage : Les défis de la gouvernance en Afrique de l’Ouest

Nombre de pages : 159

Directeur de publication : Doudou DIA

Résumé exécutif : Feu Sékou SANGARE

Coordonnateur scientifique : Professeur Babacar GUEYE

ISBN 978-2-9535524-7-8