Les défis de la gouvernance en Afrique de l’Ouest : Trafic de drogue et corruption

La pénétration d’une nouvelle forme de criminalité internationale en Afrique de l’Ouest est l’un des défis auxquels font face les autorités de cette zone qui, à travers quelques Etats, sombre dans le trafic de drogue et la corruption. L’Afrique de l’Ouest est passée en l’espace de quelques années de zone de transition à une zone de consommation et même de production. Selon l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC), le trafic de cocaïne génère en Afrique de l’Ouest plus de 900 millions de dollars (soit 642 milliards de francs CFA) par an dont 400 millions de dollars récoltés sont blanchis dans la région. Pire, la drogue a introduit un nouveau et redoutable défi dans l’espace ouest africain la transformation de la Guinée-Bissau en narco-État avec des conséquences dans toute la sous-région, l’implication des bandes armées dans le circuit du transport de la drogue et l’accroissement des armes en circulation au niveau de la sous-région à cause du lien entre drogue, armes et crimes.

Le trafic de drogue risque de déstabiliser le nouveau processus de démocratisation de la Guinée-Bissau, d’encourager le crime organisé et de bafouer le principe de l’Etat de droit. Des rapports de l’ONU citent des cas précis d’implications probables du gouvernement dans le trafic de drogue, notamment la responsabilité supposée de plusieurs hauts fonctionnaires du gouvernement de l’ancien Premier ministre Aristides Gomes, dans la disparition de 670 kilogrammes de cocaïne saisis par les autorités, mais aussi l’implication de l’armée. Le contrôle de l’armée par Anthony et Bubu Nathioute a été perçu par beaucoup comme une victoire des barons de la drogue en Guinée-Bissau car l’armée demeure encore le détenteur du pouvoir réel. La montée des tensions en Guinée-Bissau entre certains responsables du gouvernement et des membres de la hiérarchie militaire s’expliquerait par une concurrence pour le droit à assurer la sécurité des narcotrafiquants.

Sur un autre plan, les observateurs avertis s’accordent à dire que le plus grand mal qui ronge l’Afrique et qui freine sa croissance est la corruption et l’impunité. Présente à tous les niveaux de la société, elle empêche l’établissement d’un environnement économique stable et performant. La corruption affecte aussi tous les Etats de l’espace ouest africain. Mais elle atteint des seuils très élevés dans des pays comme la Guinée-Bissau. Dans ce pays très pauvre, les fonctionnaires très mal rétribués, n’hésitent pas à demander des pots de vin ou détourner à leur profit l’argent des contribuables.

Ce pays souffre d’une absence de transparence dans la gestion des affaires publiques qui se nourrit de l’inefficacité des cadres juridiques et du non-respect des lois. En Guinée-Bissau, il n’est pas un domaine qui ne soit affecté par la corruption. Le secteur le plus touché est toutefois celui de l’Administration publique où elle sévit à tous les échelons. Elle est par exemple utilisée par les entreprises privées proches du pouvoir en place pour s’arroger la quasi-totalité des marchés publics, au détriment de la transparence et de l’équité nécessaires à la bonne gestion des fonds publics. De même, il n’est pas rare que les citoyens paient un pot-de-vin pour obtenir des avantages au détriment d’autres plus méritants.

Au fond, c’est la lenteur de l’Administration qui est l’un des facteurs favorisant le développement des pratiques corruptives. La généralisation de la corruption entraîne la perte de crédibilité des appareils étatiques et des fonctionnaires en général, un énorme manque à gagner pour l’Etat, une mauvaise exécution des travaux publics issus de marchés conclus indument, et donc une faible longévité des infrastructures publiques. Ces défis ne sont pas isolés, ne s’écartent pas de ceux de la gouvernance économique et de la gouvernance sociale. Bien au contraire, ils constituent un ensemble de préoccupations imbriquées les uns avec les autres dans une relation dialectique.

 

Source: « Les défis de la gouvernance en Afrique de l’Ouest », Gorée Institute – Edition 2013