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Les enjeux de la sécurité humaine en République de Guinée

La République de Guinée est un pays d’Afrique de l’Ouest présidé par Alpha Condé depuis 2010. Premier Etat d’Afrique à proclamer son indépendance vis-à-vis de la France, le 2 octobre 1958, la Guinée a connu de longues périodes d’instabilités politiques, de dictatures et de coups d’Etat. Après sa rupture avec la puissance coloniale, entrainant un arrêt complet de l’aide et le départ des techniciens et fonctionnaires français dont le personnel médical et éducatif, la Guinée se tourne vers les puissances socialistes notamment la République populaire de Chine et l’Union soviétique. Le premier président, Sékou Touré, met alors en place sa version du « socialisme africain » qui se révèlera par la suite, peu favorable au développement du pays.

Aujourd’hui, au regard des indicateurs élaborés par différentes organisations internationales ou ONG, la Guinée est en retard sur les autres pays de la région dans de nombreux domaines. A titre d’exemple, le PNUD place le pays à la 182ème place sur 188 Etats avec un Indicateur de Développement Humain (IDH)   de 0,411 en 2014 . De plus, l’Indice Ibrahim de la Gouvernance Africaine (IIAG)   évaluant la bonne gouvernance, classe la Guinée 40ème sur 54 Etat et avant dernier dans la sous région devant la Guinée Bissau. En cause, la faiblesse de l’Etat qui ne parvient pas à assumer ses fonctions essentielles, ni à assurer la sécurité humaine de ses ressortissants.

La sécurité humaine est un concept qui transcende la dimension militaire de la sécurité en incluant des préoccupations économiques, alimentaires, sanitaires, politiques, personnelles, communautaires et environnementales. En Guinée Conakry, la mauvaise gouvernance économique et le manque d’infrastructures de base notamment concernant le transport, le logement, la santé ou l’éducation freinent le développement du pays et réduisent grandement la qualité de vie de la population. Par ailleurs, la culture de l’impunité au sein des forces de défense et de sécurité et du système judiciaire entrave les libertés fondamentales des citoyens guinéens. En outre, l’absence de prise en compte des questions liées à la jeunesse et à l’insécurité régionale sont des menaces qui pèsent sur le pays. La présente note étudiera successivement les risques pour la sécurité humaine des Guinéens résultant de la gouvernance socio-économique puis ceux relatifs à des tensions internes et à l’environnement sous-régional.

 

I. Une gouvernance socio-économique contestée

A. Une gestion des ressources désavantageuse pour la population

L’économie guinéenne a été fragilisée par des années de mauvaise gouvernance et la situation s’est récemment aggravée en raison de l’épidémie du virus Ebola. Si elle se remet progressivement de la crise sanitaire, l’économie reste instable et structurellement dépendante du secteur minier et de l’agriculture. Les politiques mises en place en Guinée pour dynamiser l’économie et améliorer le bien-être de la population n’ont pas eu les effets escomptés et ont au contraire augmenté les inégalités sociales. La Guinée présente pourtant un très grand potentiel en ce qui concerne l’agriculture, l’élevage, la pêche et les ressources minières. En effet, le pays possède un tiers des réserves mondiales de bauxite ainsi que des gisements de fer, d’or, de diamants, d’uranium et de pétrole encore largement inexploités.


Source : Société Guinéenne du Patrimoine Minier
     

En cause, un manque de stratégies efficaces pour l’exploitation et la gestion durable des ressources. L’absence de transparence dans l’attribution des contrats ainsi que certaines pratiques servant des intérêts personnels comme la corruption ou le népotisme empêchent une redistribution équitable des recettes. La Guinée est classée 142ème sur 176 pays évalués selon l’indice de perception de la corruption élaboré par l’ONG Transparency International . La corruption est une pratique courante dans le domaine des ressources naturelles et les scandales n’épargnent pas les plus hautes sphères de l’Etat. Si le président de la République s’était présenté comme un fervent combattant contre la corruption lors de son accession au pouvoir, il serait aujourd’hui lié à une affaire de malversations. La société minière australienne Rio Tinto, qui devait exploiter le site de Simandou, a avoué en novembre 2016 avoir versé une commission s’élevant à 10,5 millions de dollars à M. François de Combret, un conseiller proche du président, dans le cadre des négociations pour l’attribution des titres miniers. Bien que le président Alpha Condé ait nié avoir eu toute connaissance des transactions entre la firme et M. de Combret, des sources de France 24 ont révélé des enregistrements indiquant que le pouvoir guinéen travaillait de concert avec le conseiller.

Cette affaire intervient quelques mois après l’annonce en juillet 2016 de l’arrêt du projet de développement des mines de Simandou par Rio Tinto. Les raisons officielles annoncées par la firme étaient la baisse des prix et l’excès de production de minerais de fer sur le marché. Cet arrêt a entrainé des licenciements et donc un chômage massif dans la région, poussant les salariés à manifester en septembre à Conakry et dans d’autres villes du pays. Ces accusations viennent s’ajouter à une autre affaire de corruption révélée par Global Witness en mai 2016, impliquant le fils du chef de l’Etat. L’ONG affirme que la société britannique Sable Mining aurait versé un pot de vin à Mohamed Alpha Condé afin d’obtenir la concession du gisement de fer du Mont Nimba.

Les ressources dont bénéficie la Guinée pourraient aider la population à sortir de la pauvreté, cependant la gestion actuelle ne le permet pas. Au contraire, elle entraine des répercussions néfastes sur les vies des populations comme les spoliations de terres, la dégradation de l’environnement ou encore l’exploitation des enfants. En outre, La corruption freine le développement économique du pays et contribue à discréditer les dirigeants guinéens.

B.    Une insécurité favorisée par l’enclavement des populations

L’état des infrastructures routières en Guinée pose problème. Selon l’Agence de promotion des investissements privés de Guinée, seul 30% du réseau routier guinéen est bitumé et 48% de celui-ci est qualifié de mauvais. La vétusté des routes accélère l’usure des véhicules, augmente des coûts de transports et allonge la durée des déplacements  entrainant ainsi des retards dans les livraisons de marchandises et des pertes de denrées périssables. Les routes sont régulièrement impraticables lors de la saison des pluies et les accidents liés à la mauvaise qualité du réseau routier ou des véhicules sont nombreux. Cette situation impacte négativement les échanges commerciaux internes et sous régionaux.

Par ailleurs, en raison de l’enclavement des populations, leur sécurité alimentaire et la prospérité de leurs activités économiques se retrouvent menacés. Selon une étude du Programme Alimentaire Mondial  (PAM), l’un des facteurs les plus déterminants de l’insécurité alimentaire en Guinée est l’enclavement. Celui-ci résulte du manque de structures permettant aux communautés de lutter contre l’isolement comme le transport et la communication. Certaines communautés se situent à deux heures de marche du marché le plus proche et de nombreux villages se retrouvent totalement isolés durant la période de juin à octobre en raison des fortes pluies. L’accès à la santé des habitants est également entravé en raison de la faible couverture téléphonique et de la défectuosité du réseau routier rendant l’évacuation des malades et l’acheminement de médicaments difficiles. Le développement d’infrastructures de liaison est donc indispensable pour fluidifier la circulation des biens et des personnes favorisant ainsi le développement économique et renforçant la sécurité des Guinéens.

En milieu urbain, le besoin d’infrastructures se fait également sentir pour y fluidifier les activités commerciales. La majorité de celles-ci sont regroupées dans le quartier de Kaloum, à Conakry qui n’a qu’un seul axe d’entrée et de sortie, provoquant des embouteillages incessants. L’urbanisation massive résultant à la fois de l’exode rural et de l’accroissement naturel de la population pose un autre problème majeur. L’accès à un logement décent constitue un vrai challenge pour les Guinéens surtout à Conakry. Le manque de disponibilité de sites d’hébergement dans les centres urbains entraine une surpopulation dans les habitations et dégrade la qualité de la vie des Guinéens.

C.    Une carence des infrastructures sanitaires

Les services de santé guinéens sont parmi les plus dégradés de la sous-région. Le pays bénéficie d’une faible couverture géographique sanitaire et la population n’accède que difficilement à des soins de qualité. Cela peut s’expliquer en partie par l’insuffisance du financement du secteur, qui représentait seulement 4,2% du budget national  en 2013. Les infrastructures de santé sont en nombre insuffisant surtout en milieu rural et les installations existantes sont vétustes. Selon une enquête de l’UNICEF, certaines localités enclavées se trouvent à plus de 10 kilomètres du poste de santé le plus proche. La Guinée souffre d’une pénurie de personnel qualifié dont environ 70% est concentré dans la capitale. L’accessibilité aux médicaments est faible en raison de leur disponibilité et surtout de leur coût.

Ces difficultés ont des conséquences sérieuses puisqu’elles ont été avancées pour expliquer l’insuffisance de la réponse à l’épidémie de la fièvre Ebola. De nombreuses maladies endémiques sont encore présentes en Guinée. C’est le cas du choléra, de la tuberculose ou encore du noma, une gangrène sévère présente chez l’enfant. Nombre d’entre elles sont liées à des problèmes d’accès à l’eau potable, d’assainissement et d’hygiène. Bien qu’elle soit souvent surnommée « château d’eau » de l’Afrique de l’ouest, la Guinée peine à approvisionner ses communautés en eau potable. En effet, en 2005 près de 12% des ménages urbains et 49% des ménages ruraux ne consommaient pas d’eau potable, les exposant aux maladies liées à l’eau . L’insuffisance des infrastructures d’assainissement en ce qui concerne l’évacuation des eaux de pluies, des eaux usées et exécras contribue à la dégradation de l’environnement favorisant l’émergence de maladies.

Quant aux problèmes liés à l’hygiène, ils se présentent souvent dans les lieux densément fréquentés tels les marchés ou les gares routières, les établissements scolaires mais également les hôpitaux et postes de santé. Les infections nosocomiales sont fréquentes en raison de pratiques non conformes aux normes d’hygiène comme la propreté des mains, des instruments, l’entretien des locaux et la gestion des déchets biomédicaux dans certains postes de soin.

 

II.    Une stabilité menacée par des tensions internes et des menaces sous régionales

A.    Un dialogue politique paralysé

De son accession à l’indépendance jusqu’en 2010, la République de Guinée n’a connu que coups d’Etat et régimes autocratiques. Cependant, depuis le scrutin présidentiel de novembre 2010 marquant l’arrivée au pouvoir du professeur Alpha Condé, la vie politique s’est considérablement apaisée entrainant une baisse de la violence. L’élection présidentielle de 2015 a été jugée majoritairement libre et équitable par les observateurs internationaux malgré les contestations de l’opposition dénonçant des irrégularités dans le scrutin et des arrestations arbitraires d’opposants. Toutefois, cette période électorale a enregistré des cas de violences entre membres de partis d’opposition ainsi qu’avec les forces de sécurité qui auraient fait au moins 20 morts et des centaines de blessés.

Depuis 2015, l’on note une crise politique récurrente marquée par des manifestations à travers le pays. Ce blocage concerne en partie l’organisation des élections locales, qui n’ont pas été tenues depuis 12 ans, la réforme de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et l’indemnisation des victimes des manifestations politiques. Le président de la République a voulu impulser une dynamique de sortie de crise en organisant le 22 septembre 2016 un dialogue politique national qui s’est clôturé, le 12 octobre, par la signature d’un accord entre les acteurs politiques de l’opposition, les représentants de la majorité présidentielle et la société civile. Les points essentiels de cet accord concernaient la révision du code électoral, la réforme structurelle de la CENI, le report des élections locales au mois de février 2017 ainsi que l’obtention de la justice pour les victimes des violences lors des manifestations politiques de 2013.

En revanche, une partie de la société civile et des partis d’opposition dont le Bloc Libéral, le PEDN et l’UGDD, se sont constitués en front d’opposition anti-accord, qualifiant le document de « dérive antidémocratique ». Ils dénoncent le point de l’accord concernant la désignation des membres des conseils de district et de quartier au prorata des résultats obtenus par la liste des candidats à l’élection communale. Cette politisation des districts et quartiers pourraient engendrer des contestations de la part des populations locales. Ce front d’opposition n’est pas unifié et fait face à une crise interne suite à la rencontre entre Faya Millimono, président du Bloc Libéral et le Président Alpha Condé, sans consultation préalable des autres membres du front. Le dialogue politique reste donc en partie paralysé en Guinée et le manque de consensus sur le mode de scrutin risquerait d’entrainer un nouveau report des élections locales.

B.    Les failles du système judiciaire et des forces de sécurité

Certaines pratiques au sein du système judiciaire et des forces de défense et de sécurité (FDS) comme la corruption, le manque d’impartialité ou l’usage excessif de la force ont peu à peu délité la confiance des citoyens guinéens envers leur Etat.

 

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Manifestations violentes en Guinée – Source : RFI.fr

Selon le rapport mondial 2016 de l’organisation HumanRights Watch, les signalements d’atteintes aux droits humains commises par les forces de sécurité ont diminué depuis 2015. Cependant, ces dernières sont toujours impliquées dans des incidents mettant en cause leur comportement non-professionnel comme des recours excessifs à la force, un manque de neutralité politique, des vols et actes d’extorsions. Par exemple, lors de la période électorale de 2015, plusieurs cas de violences commis par des FDS ayant fait dix morts ont été rapportés. En août 2016, la police aurait ouvert le feu sur la foule à l’occasion d’une marche pacifique organisée par l’opposition guinéenne, faisant un mort et plusieurs blessés.

Toujours dans une faible mesure, les autorités guinéennes semblent toutefois davantage disposées à sanctionner les dérives des forces de sécurité. En 2015, dans le cadre de la procédure de réforme du service de la sécurité (RSS), le gouvernement a mis en place des tribunaux militaires et nommé des magistrats civils et militaires pour statuer sur les affaires criminelles et les délits majeurs de l’armée. De plus, Le colonel Issa Camara et plusieurs de ses subordonnés ont été inculpés en novembre 2016 pour “coups et blessures, vols, pillages et incendies” perpétrés en juin sur des Guinéens accusés d’avoir fait caler leur convoi. En revanche, les dispositions du nouveau code pénal risquent de perpétuer la culture de l’impunité au sein des FDS. Il définit certains actes autorisés par la légitime défense et l’état de nécessité qui risquent d’être instrumentalisés pour justifier un recours excessif à la force et exonérer les FDS de toute responsabilité pénale.

Des progrès ont été entrepris par le ministère de la Justice pour renforcer l’indépendance, l’impartialité et l’efficacité du secteur judiciaire mais des inquiétudes demeurent. En 2015, un plan de réforme de la justice 2015-2019 a été adopté et des mesures ont été prises pour l’amélioration des conditions de travail des juges, la mise en conformité du Code pénal et du Code de la justice militaire avec les normes internationales et une amélioration de la gestion des dossiers. Le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) récemment mis en place a sanctionné plusieurs juges pour corruption et attitude non professionnelle en 2016. Quant aux conditions carcérales, une nouvelle prison est en construction pour réduire la surpopulation tandis que des améliorations ont été notées dans l’accès à l’eau et aux soins de santé au sein de la plus grande prison guinéenne. Cependant, les préoccupations concernant les pratiques non professionnelles, le manque d’indépendance judiciaire, la faiblesse des ressources allouées à la justice (environs 0,6% du budget national ) et la surpopulation carcérale sont toujours d’actualité.

Des initiatives ont été prises pour juger les crimes commis par le passé, notamment le massacre de manifestants non armés par les forces de sécurité dans le grand stade de Conakry en 2009. Malgré des obstacles politiques et financiers, le comité de juges mis en place en 2010 pour enquêter sur le massacre a interrogé plusieurs centaines de victimes et inculpé près de 15 suspects dont Moussa Dadis Camara, ancien chef de la junte militaire toujours exilé au Burkina Faso. L’arrestation en décembre 2016 par les autorités sénégalaises de Toumba Diakité, ancien chef de la garde présidentielle suspecté d’être responsable du massacre de 2009 et sa prochaine extradition vers la Guinée est aussi une avancée dans l’affaire. Toutefois, plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme comme la FIDH et l’OGDH ont dénoncé la nomination de Mathurin Bangoura au poste de gouverneur de la ville de Conakry en mars dernier. En effet, cette nomination serait intervenue au moment où M. Bangoura, qui occupait de hautes fonctions au sein de la junte militaire au pouvoir en 2009, était inculpé dans l’affaire du massacre, envoyant ainsi un message contradictoire à la lutte contre l’impunité.

C.    La mauvaise insertion des jeunes et les influences sous régionales : la recette de la violence ?

Couche sociale vulnérable, la jeunesse guinéenne représente la majorité de la population, plus de 50% ayant moins de 18 ans en 2010 . Cette vulnérabilité est favorisée par le manque d’opportunités d’épanouissement économique et social, la forte densité des populations urbaines, la surconsommation de stupéfiants, etc. En 2014, le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) a révélé que : « trois jeunes sur cinq sont touchés par le chômage et le sous-emploi en Guinée.  ». Parmi les causes invoquées pour expliquer le chômage des jeunes se trouvent la pression démographique et l’inadéquation du système de formation et des compétences par rapport aux besoins de l’économie. Par exemple, le secteur primaire agricole et les activités informelles représentent la majorité du marché de l’emploi. Cependant, le secteur informel se caractérise par une précarité, des conditions générales de travail difficiles et de faibles revenus. Il est donc peu apprécié des jeunes en recherche d’emploi qui préfèrent s’orienter vers un emploi salarié stable, surtout dans la fonction publique.

Le fait d’avoir une population majoritairement jeune représente un réel atout pour le développement d’un pays à condition que celle-ci soit bien outillée et considérée par l’Etat. Dans le cas contraire, elle peut constituer un danger pour la paix et la sécurité nationale. Le désœuvrement des jeunes risque de les entrainer dans la violence et les rendre plus facilement influençables notamment par les discours identitaires. Selon Sanoussy Bantama Sow , ancien Ministre de la jeunesse, de l’emploi jeunes et des sports, la hausse de la criminalité en Guinée est liée au chômage et au sous-emploi des jeunes. Le sentiment d’insécurité tient une place importante dans les préoccupations des Guinéens. Il est dû, selon Le Ministre de la Sécurité et de la Protection civile, Me Abdoul Kabèlè Camara à une « surmédiatisation de l’insécurité » . Si la situation apparait moins critique qu’au début des années 2010, des actes de banditisme et de criminalité notamment dans les centres urbains continuent à être recensés. Dans la capitale, Conakry et sa périphérie, sont relevées des attaques à main armée ciblant des piétons ou des véhicules ainsi que des cambriolages perpétrés par des groupes organisés, vêtus de treillis militaires. Cette insécurité touche également les agents de l’État. En novembre 2016, les résidences de deux préfets de Coyah et de N’Zérékoré ont été attaquées.

Les guerres civiles sierra-léonaises et libériennes des années 1990 et début 2000 ont favorisé la prolifération d’armes légères et de petit calibre (ALPC) sur le territoire guinéen. En réponse aux incursions armées perpétrées en Guinée forestière notamment par les rebelles du Revolutionary United Front (RUF) et du National Patriotic Front of Liberia (NPLF), des jeunes de la région forestière se sont engagés aux côtés de l’armée pour défendre le territoire. A l’issue de ces événements, seul un tiers d’entre eux a rejoint l’armée régulière et les dispositifs de désarmement, démobilisation et de réinsertion (DDR) n’ont pas été suffisants. La présence de nombreux anciens combattants en Guinée forestière avec leurs armes est inquiétante pour la sécurité de la région.

Dans le contexte sous régional actuel, marqué par la montée du radicalisme religieux et la prolifération des groupes extrémistes violents, il convient de s’interroger sur l’état de ce phénomène en Guinée. Si le pays n’est pas encore concrètement affecté, certains facteurs de risque sont présents. Peut être citée, le manque de capacité de l’Etat à assurer les services sociaux de base à ses ressortissants. Cet état de fait a entrainé une paupérisation de la population et l’infiltration d’un courant venu des pays arabes pétroliers, le wahhâbisme. Profitant de la faiblesse de l’Etat, ces pays ont financé le culte musulman en formant des imams et construisant des mosquées. Ils se sont inscrits dans une dynamique de solidarité avec les populations fragiles en offrant des services d’éducation et de santé tout en véhiculant l’idéologie wahhabite dans le pays. Par ailleurs, la frontière de plus de 850 kilomètres de long, lieu d’échanges en tous genres, que partagent la Guinée et le Mali n’est pas une menace à exclure. Elle pourrait favoriser l’infiltration de groupes extrémistes venus du Mali sur le territoire.

Ajouté à la situation de détresse économique de la jeunesse guinéenne ainsi que la forte présence d’armes sur le territoire, l’ensemble de ces facteurs constitue un risque non négligeable pour la Guinée de s’exposer au radicalisme violent.

III.    Scenarii et recommandations

Scenario 1 : Le dialogue politique reste paralysé et les tensions s’exacerbent
L’opposition et le pouvoir ne parviennent pas à se mettre d’accord. Les tensions sont exacerbées par la polémique naissante au sujet de la possible volonté du président de briguer un troisième mandat. Cette situation entraine un nouveau report des élections à une date indéterminée ce qui pousse l’opposition à inciter les citoyens à descendre dans les rues. Les manifestations enregistrent des violences entre partisans et avec les forces de l’ordre.

Scenario 2 : L’opposition et le pouvoir arrivent à un consensus
Les acteurs politiques parviennent à un consensus autour du code électoral qui est adopté en session extraordinaire de l’assemblée nationale. En raison des délais d’organisation des élections (découpage électoral, etc.), ces dernières sont de nouveau décalées. Les élections peuvent se tenir avec un retard « acceptable » et sans débordements importants.

Recommandations :

A la société civile :
•    Elaborer des propositions alternatives pour la revue du code électoral et en faire le plaidoyer auprès des décideurs
•    Sensibiliser les populations à la base sur les enjeux de la réforme électorale et prévenir les débordements éventuels

Aux partis politiques :
•    Ne pas laisser les intérêts partisans prendre le dessus sur l’intérêt national et se focaliser sur l’amélioration du processus démocratique
•    S’abstenir de tout acte de violence ou de provocation et solliciter une attitude pacifique et calme de la part des militants

A l’Assemblée Nationale :
•    Susciter un débat constructif afin d’arriver rapidement à un consensus
•    Prendre en compte les propositions de la société civile concernant la réforme du code électoral

 

L’insécurité humaine en Guinée est surtout liée au manque de capacité de l’Etat à assurer ses fonctions essentielles notamment en termes d’éducation, de santé, d’emploi et de partage des ressources. Si bien que les citoyens guinéens ressentent la présence de l’Etat principalement à travers ses moyens de répression. Les deux dernières années ont laissé entrevoir des progrès au niveau du renforcement de l’Etat de droit notamment à travers la réforme des institutions et le processus de RSS qui ont été entrepris. Des initiatives ont également été prises par le président de la République pour résoudre la crise politique en organisant un dialogue national avec l’opposition et la société civile. Cette décision visait l’atténuation des tensions politiques, ethniques et communautaires mais n’a que partiellement réussi. Enfin, la position géographique de la Guinée et la porosité de ses frontières expose le pays aux menaces sous régionales telles que le terrorisme et la contrebande.  

SOURCES

•    Amnesty International, « Guinée. Consternation face à la mort d’un homme par balle », août 2016
•    Amnesty International, « Guinée. Empêcher le recours excessif à la force et respecter le droit à la liberté de réunion pacifique – appel à l’action », 3 septembre 2015
•    COFACE, « Guinée, principaux indicateurs économiques », janvier 2017
•    FIDH, « Le général Mathurin Bangoura nommé gouverneur de Conakry, un signal négatif pour la lutte contre l’impunité », mars 2016
•    Goree Institute, « Le radicalisme religieux et les menaces sécuritaires en Afrique de l’ouest : perspectives nationales et régionales », 2016
•    Goree Institute, « Systèmes de conflits et enjeux sécuritaires en Afrique de l’ouest », 2012
•    Human Rights Watch, « Rapport mondial 2016 : Guinée», janvier 2016
•    Human Rights Watch, « Rapport mondial 2017: Guinée », janvier 2017
•    HumanRights Watch, « Guinée : Excès et crimes commis par les forces de sécurité », juillet 2015
•    Nina Krotov-Sand, Monitoring de la stabilité régionale dans le bassin sahélien et en Afrique de l’ouest Octobre à décembre 2016, Notes d’Analyse du GRIP, 10 janvier 2017
•    Rapport pays sur la situation et les dispositifs d’insertion et de formation professionnelle des jeunes en guinée, « Formation, insertion et emploi des jeunes en Afrique » Conférence des Ministres, juillet 2014, Abidjan
•    UNICEF, « Analyse de Situation des Enfants en Guinée », 2015

•    Alpha Oumar Camara, « L’accord guinéen du 12 octobre 2016 : Enjeux politiques et portée juridique »,Guinéenews.org, 16 novembre 2016
•    Christophe Le Bec, « Sable Mining : la saga de deux Britanniques dans les mines du Liberia et de la Guinée », Jeune Afrique, 12 mai 2016
•    Hasmiou Diallo, « L’intelligence économique, une solution pour le développement », 24 janvier 2016
•    « Le militaire guinéen Toumba Diakité entendu par le procureur à Dakar », RFI, 28 décembre 2016
•    Marc Perelman, « Guinée : la ruée vers le minerai de fer de Simandou éclabousse la présidence », France 24, 1 décembre 2016

 

– le 15 février 2017