Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique
Depuis le 26 mai dernier, les organisations de la société civile du Mali sont réunies à l’Hôtel Radisson Blu de Bamako pour une formation en Stabilité Institutionnelle et Sécurité humaine initiée par le Gorée Institute. Cet atelier, déjà déroulé au Sénégal, en Guinée et au Togo doit leur permettre de s’approprier les outils de prévention des conflits pour parvenir de manière efficace à la stabilisation des sociétés maliennes contribuant ainsi à la construction de la nation elle-même.
Vu, comme un pays stable en raison de l’exercice régulier de la démocratie par le droit de vote qui permet au citoyen de choisir ses représentants dans les institutions nationales ou locales et de s’engager dans les partis politiques et/ou dans les associations mais aussi par des reformes importantes entreprises : l’existence des institutions et le besoin sans cesse renouvelé de les améliorer, le Mali a cependant sombré à partir de 2012 dans une crise politico-sécuritaire. Cela peut s’expliquer par sa situation géopolitique mais également par certains problèmes internes.
En effet, le Mali est au cœur de l’Afrique Occidentale. A ce titre, il est l’arrière cour des pays qui l’entourent, en raison des répercutions, qu’il peut connaître lorsque ceux ci sont atteints. La guerre en Côte d’Ivoire et en Sierra Leone, la chute du régime libyen, les crises politiques de la Guinée ont entraîné la prolifération des armes au Mali.
Ceci a accéléré la formation du banditisme (Narco trafiquants, commerce informel, enlèvements de personnes avec à la clé des rançons pour leur libération) faisant de l’immense zone désertique, le terreau de la délinquance favorisant les enrichissements illicites qui peuvent nourrir et entretenir le terrorisme. De ce fait, il est aussi le fief des extrémistes islamistes pour la formation militaire et idéologique des recrus choisis parmi des personnes en proie à des difficultés de tout ordre (chômage, sous emploi…).
Au même moment, certains groupes ethniques, principalement des Touareg se sont sentis marginalisés en raison de la disparité entre leur milieu désertique et le sud. Cela a eu pour conséquences les révoltes armées de 1963, 1990 et 2006 exacerbées selon certains observateurs par l’argent facile du rapt, du commerce sans contrôle étatique et la chute du régime Libyen et l’installation progressive d’extrémistes religieux d’obédience salafiste en provenance d’Algérie connu sous le nom d’Al quaida au Maghreb . Ce foisonnement de situations d’ébullition a atteint son paroxysme lorsque des militaires ont été égorgés par des groupes armés dans le camp militaire d’Aquelhoc entre le 18 et 24 janvier 2012. L’on reprocha au président d’alors, Amadou Toumani TOURE et à son gouvernement de n’avoir pas fourmi les moyens nécessaires à l’armée afin d’apporter une riposte appropriée à l’affront.
À cette situation délétère du nord s’ajoute, un marasme au sud : la précarité des conditions de vie s’est accrue et les avoirs n’arrivent plus à arrondir les fins de mois et à garantir les besoins quotidiens. La disparité entre villes et campagnes entraîne un affût de personnes dans les grandes villes sans aménagement préalable, faisant de ces zones des nids de banditismes (vol à main armée, atteinte à la vie, viol). Les réponses à ces crimes, parfois tardives, parfois inadaptées à la gravité des faits, donnent un sentiment d’impunité sous tendu par une corruption, érigée en règles à toutes les sphères de l’administration. A cela, il faut ajouter un fléau du chômage et du sous emplois chez les femmes et les jeunes.
Le discrédit croissant dont les hommes politiques font l’objet et leur difficulté à prendre en compte les problèmes de la société conduisent les gouvernés à mettre en cause le fonctionnement des institutions. C’est ce foisonnement de situations quelques peu anarchiques et désordonnés qui ont conduit à la crise politique et sécuritaire qu’a connu le Mali.
Certes les élections organisées en 2013 représentaient une avancée importante pour le retour du Mali à l’ordre constitutionnel. Toutefois, considérant l’ampleur des violations de droits humains commises au Mali depuis le déclenchement de la crise en 2012 et les conséquences sur le plan économique et social, l’Institut Gorée a jugé opportun que la société malienne réfléchisse sérieusement à la possibilité de recouvrir à des mécanismes d’alerte précoce et de prévention des conflits dans une perspective de garantir la non récurrence des événements passés et de consolider la paix.
Cette formation sera suivie d’une journée de plaidoyer sur le thème « La fin de la corruption et la promotion de la bonne gouvernance », le 29 mai durant laquelle les bénéficiaires de la formation exposeront leurs recommandations, issues des travaux de trois jours formation, à l’endroit des autorités et officiels invités.