Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique
L’évolution des régimes politiques maliens montre clairement que l’histoire du Mali a très souvent été marquée par de profondes ruptures sur les plans politique et institutionnel. Des causes multiples et variées ont généré une crise persistante à laquelle les autorités sont toujours à la recherche de solution. Les premières années de la troisième République sont marquées par des séries de crises politiques et institutionnelles majeures en grande partie due au cadre politico-institutionnel avec comme conséquence des revendications de tous ordres.
La pratique politique et institutionnelle, tant au niveau de la Constitution, de la loi, de la gestion des élections, de la distribution de la justice que de la gestion administrative, comporte encore des insuffisances en dépit de quelques progrès réalisés. L’analyse de la vie politique et institutionnelle laisse apparaître plusieurs données fondamentales qui affectent le fonctionnement de la troisième République : existence d’un parti dominant, prolifération anarchique des partis politiques, faiblesse de l’opposition politique et parlementaire, déficit de mobilisation politique, vacuité des programmes politiques, crise de confiance entre les acteurs du processus démocratique, affaiblissement de l’autorité de l’État, une décentralisation avec une administration politisée, inadaptée et peu transparente, une société civile qui n’est pas toujours bien perçue et comprise dans son rôle altérant l’efficacité de son potentiel apport, l’inaccessibilité de l’information pour le citoyen à cause du monopole étatique sur les médias publics, le tout combiné aux problèmes sécuritaires.
En effet, les éléments sécuritaires sont difficilement détachables des questions de gouvernance politique. La crise de 2012 a fortement ébranlé les fondements de l’État et a eu des répercussions directes sur toute la zone sahélo saharienne. L’arrivée des djihadistes, la rupture de l’ordre constitutionnel et l’élection qui s’en est suivie portent ainsi le président Ibrahima Boubacar KEITA à la tête de l’État malien à la suite de l’intervention de l’armée française et de la CEDEAO. Ce dernier prend fonction dans un contexte de défis multiples comme contrer l’expansion des groupes djihadistes, mettre fin au cycle d’impunité, répondre aux exigences d’amélioration de la gouvernance et d’une paix durable et atténuer la frustration de certaines populations. Le non-respect des engagements pris a favorisé la naissance de tensions sociales et politiques, de même que la contestation des résultats des élections de 2018. Tous les secteurs sensibles du pays sont allés en grève, brandissant des revendications légitimes. Les conflits locaux, entre religieux, commerçants et ethnies éclatent, entraînant une expansion des foyers de tension dans tout le pays. Une situation sécuritaire qui ne cesse de se dégrader.
Ainsi, on assiste à une intensification des violences, que ce soit les attaques djihadistes ou des conflits locaux, de même qu’une corrélation apparente entre ces derniers et l’extrémisme violent. Cet échec de la prévention est relatif à une certaine fragilité liée aux crises répétitives depuis 1960, le dysfonctionnement de la gouvernance, la difficulté de gestion de l’immense espace géographique et l’impossibilité de l’État à faire face aux attentes légitimes des citoyens, mais aussi la focalisation de certaines interventions sur l’aspect religieux communautaire, l’insuffisance de l’action militaire, etc.
En somme, la réunion de ces facteurs politiques, sociaux et sécuritaires, et plus récemment les élections législatives contestées, la gestion de la Covid-19 ayant légitimé la restriction des libertés et les coupures d’électricité ont cristallisé au Mali une crise de confiance pour ne pas dire un divorce entre le représentant et le représenté avec comme conséquence les manifestations ou les résistances populaires récentes du M5-RFP contre la mauvaise gouvernance et qui ont entraîné la chute du régime du président IBK le 18 août 2020.