Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique
Dans le cadre de son programme « Consolidation de la Paix et Prévention des Conflits », le Gorée Institute, a animé du 23 au 25 novembre 2017 un atelier sur le thème de la responsabilité des media et des professionnels de l’information dans la prévention des conflits en Afrique de l’Ouest. La rencontre a réuni 22 professionnels des media en provenance de neuf (09) pays et a été une contribution efficiente dans l’endiguement du phénomène du « journaliste pyromane ».
La radio des « Mille Collines » a contribué en 1994 à raviver les étincèles maudits d’un foyer de tension au Rwanda. La violence, matérialisée par un génocide qui a duré 3 mois et causé 800 mille morts, a été une apogée cruelle, hallucinante, dans l’extermination et l’horreur. Dans bien des situations, le monde a découvert avec émoi, le pouvoir destructeur des media. En Côte d’Ivoire, une pléthore d’articles a balisé le sillage du déchainement funeste. Dans un élan avant-gardiste et prenant pleinement conscience du rôle et de la responsabilité des media, le Gorée Institute à travers son programme « Consolidation de la Paix et Prévention des Conflits », s’inscrit depuis 2013 dans une dynamique de renforcement de capacités et de transfert de compétences.
L’atelier sur « la responsabilité des media et des professionnels de l’information dans la prévention des conflits en Afrique de l’Ouest » a été un enjeu majeur pour connaitre, comprendre et maitriser le pouvoir destructeur des media. Connaitre pour prévenir les conflits, comprendre pour mieux les gérer et maitriser pour résoudre les conflits. Les objectifs visés par la rencontre ont été de promouvoir l’observance des règles d’éthique et de déontologie dans l’analyse des données de conflits ; d’encourager les bonnes pratiques professionnelles en faveur de la production d’une information fiable et utile sur des situations de conflits ou de crises violentes ; de contribuer également à accroître la responsabilité des media dans la prévention des conflits et la consolidation de la paix en Afrique de l’ouest.
Les bénéficiaires directs de la formation étaient au nombre de 22 journalistes et professionnels des média en provenance des 9 pays, Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo. En plus des journalistes, l’atelier a enregistré la participation des membres de corporations, syndicats ou organisations professionnelles de média ; des représentants d’institutions en charge de la régulation et/ou de l’autorégulation du secteur ; des membres actifs et influents d’organisations de la société civile spécialisées ou intéressées par les questions de paix et sécurité en Afrique de l’ouest. Pour atteindre ses objectifs, le Gorée Institute a assigné à ses consultants facilitateurs une méthodologie basée sur une approche participative et interactive. Ce qui a permis à chaque participant de partager l’expérience de son pays en identifiant les bonnes et les mauvaises pratiques professionnelles. Les différentes sessions ont été articulées autour des thématiques liées à l’identification des causes de conflits ; la connaissance des règles de base et des comportements à adopter dans la couverture des conflits : les bonnes et les mauvaises pratiques. De même, l’identification des contraintes à la liberté d’expression en zone de conflit et la couverture médiatique de l’extrémisme violent et du terrorisme.
Les aptitudes des participants ont été testées à travers des travaux de mise en situation sur le traitement de l’information relative aux situations de conflit. Les résultats ont révélé un bon niveau de compréhension qui rassure par rapport à la capacité d’action sur le terrain. Il en a été de même sur les exercices d’analyses critiques de productions médiatiques relatives à la couverture de conflits ou de crises en Afrique de l’Ouest, pour tirer des leçons de bonnes et mauvaises pratiques.
En guise de bonnes pratiques il est ressorti entre autres, le traitement équitable de l’information à travers le respect de la contradiction, la véracité des faits relayés, le respect des consignes sécuritaires, la préservation de l’image des couches vulnérables, la protection des sources. L’idée est de contribuer à l’émergence d’un « journalisme sensible au conflit ». Selon le facilitateur Moumini Camara, enseignant chercheur au Centre d’études des Sciences et Techniques de l’Information (CESTI), « le journalisme sensible au conflit, loin de conduire à une partialité aveugle doit amener le professionnel des media à contribuer à la recherche de la véracité des faits et à l’apaisement au profit de la communauté.»
‘’De la nécessité d’installer un réseau des professionnels des media sur les conflits en Afrique’’
Les participants se sont engagés à mettre les bonnes pratiques en application au quotidien, pour continuer à produire une information de qualité sans inciter à la haine ou à la violence. L’atelier a permis d’entamer une discussion pour l’installation d’un réseau des professionnels des media sur les conflits en Afrique. Les lignes directrices, les membres constitutifs ainsi que les modalités pratiques de fonctionnement du réseau ont déjà été définis par les participants. Pour booster la réflexion, un groupe WhatsApp a été créé. En terme de perspective, le chargé du programme « Consolidation de la Paix et Prévention des Conflits », Frédéric NDECKY a suggéré aux différents participants de mettre à la disposition de leurs confrères, les outils offerts par Gorée Institute.
Directeur exécutif de Gorée Institute, Doudou Dia a soutenu lors de la clôture de l’atelier, devant une assistance toute ouïe, que pour faire « bouger les lignes en Afrique, il faudrait adopter une approche graduelle. » Il est persuadé que « chacun dans son coin peut faire bouger les lignes ».