Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique
En Bons Voisins : Vues sur la médiation dans la sous-région
Il est important de comprendre la nature des conflits. Être un médiateur et un avocat pendant le conflit était risqué, il a cependant ressenti qu’il pouvait analyser la situation du conflit sous-régional de manière adéquate. Pour lui, en ce qui le concerne, les points importants sont les suivants : la violence, la criminalisation de l’État, la justice distributive, la répartition des ressources, la discrimination, l’injustice, les atteintes aux droits de l’homme et la crise d’identité. Pour lui, il est clair que le conflit au Liberia a eu un impact régional. Les rebelles compromettaient les citoyens. Les dissidents politiques devaient fuir vers d’autres pays (la Gambie, la Sierra Leone, le Ghana). L’intervention militaire de la CEDEAO, un organisme régional, est aussi une illustration de cela, sans mentionner les réfugiés et les autres victimes déplacées qui ont été dispersées dans toute la sous-région.
Des progrès ont été réalisés, mais peut-être ce que monsieur Woods considère comme un échec en ce qui concerne les efforts régionaux de la médiation porte sur le manque d’institutions. Il considère qu’il y a besoin de documenter les expériences des médiateurs et de construire des institutions à partir des leçons apprises et des meilleures pratiques. Kofi Woods croit que le point clé pour renforcer les efforts sous-régionaux en faveur du renforcement de la paix et de la médiation réside dans le fait de « se concentrer sur la construction d’institutions pour former les gens et construire des mouvements en visant la durabilité. Il nous faut prévenir et éduquer. » Monsieur Woods partage avec nous certaines des expériences qu’il a eu en ce qui concerne le renforcement de la paix dans une situation post-conflit, en disant : « Récemment, pendant notre enquête (août 2010) quatre partis politiques, comprenant le Democratic Change (CDC), le Liberia National Union (LINU), le National Patriotic Party (NPP) et le Progress Democratic Party (PRODEM ) ont signé un communiqué commun pour l’établissement d’une grande Coalition électorale pour le changement démocratique (Coalition for Democratic Change (CDC)) avant les élections. Selon le communiqué le CDC, entre autres choses, proposera un gouvernement d’union nationale, promouvra une paix soutenable, la bonne gouvernance et la démocratie participative, et améliorera également le niveau de vie de la majorité des 3,5 millions de personnes qui forment la population du pays et qui ont été sujettes à une pauvreté abjecte. »
Le ministre Woods se considère lui-même comme un agent de transformation et en tant que tel considère que la voie à suivre pour le Liberia est celle du développement d’un « cadre bien ficelé de professionnels à la fois administratifs et techniques dévoués au service de leur pays dans un contexte des plus organisés, consistants et effectifs, soulageant ainsi les citoyens de l’anxiété du développement dans nouveau système démocratique en cours au Libéria ».
Le Tambour d’appel : Expériences personnelles de la médiation
Kofi Woods a été impliqué dans divers efforts de médiation depuis 1991 au Liberia, mais aussi en Guinée, en Sierra Leone et en Casamance. Il s’agissait en général de conflits de nature politique. Il a également travaillé au sein de l’Église catholique, rassemblant différents groupes dans des commissions œcuméniques. L’expérience de Woods touche à l’un des groupes les plus susceptibles de conflit en Afrique de l’ouest, à savoir la jeunesse ; il a joué à cet égard le rôle d’assistant technique en utilisant son expérience de médiateur dans les conflits d’étudiants.
À partir de ses expériences, Kofi Woods pense que l’attente des gens en ce qui concerne le médiateur est largement celle de la neutralité et de l’objectivité. Pour lui, le caractère, l’intégrité, l’honnêteté et la connaissance sont très importants. Il considère son rôle comme consistant à amener les parties en conflit vers un consensus : «Mon rôle est d’amener les parties en conflit à un consensus et quand on y parvient, le début des discussions est la phase la plus importante. Il y a un temps pour l’action individuelle et un temps pour l’action en tant qu’équipe. Partager et disséminer les informations est une opération délicate et importante. On doit préparer les réunions. La coopération avec les dirigeants est un moment clé. Alors il devient possible d’identifier les similarités et les différences. Chercher un consensus est devenu facile ; on ne force pas un accord.»
Cela ne veut pas dire que le processus est facile. Il y a également des facteurs externes essentiels à prendre en compte. Le risque est partout, particulièrement dans les situations de conflits armés. Il explique qu’au cours de la guerre du Liberia tous les groupes étaient désespérément pour le contrôle du pouvoir politique et violaient les droits de l’homme. Cependant, la volonté de réaliser un changement a, d’une certaine manière, surmonté les peurs, et les médiateurs tels que Kofi Woods ont continué leur travail.
Dans la Calebasse : Opinions sur la culture, la formation, le genre et les acteurs externes
Kofi Woods n’est pas convaincu que la culture d’un médiateur soit importante. Il ne voit pas cela comme un impératif, même s’il comprend que dans certains cas cela puisse être utile. Il trouve également que les acteurs externes peuvent être d’un très grand soutien et être très utiles. Des médiateurs de l’Afrique de l’ouest peuvent aider, particulièrement quand ils collaborent avec les acteurs locaux. Les interventions des Nations unies, de l’Union africaine et de la CEDEAO ont toutes eu un impact positif. À Monrovia, le bureau CEDEAO numéro 3 du Système d’alerte rapide pour la prévention des conflits est responsable pour le Liberia, le Ghana, la Sierra Leone et la Guinée. Le rôle des Nations unies est également visible au Liberia pour maintenir la paix et la sécurité. Un point fondamental est que ces institutions aident à rétablir la confiance. Il y a également le facteur critique qui est que la suprématie internationale aide.
Partager la Noix de Cola : Partager des expériences mémorables et les leçons apprises
Ayant vécu au Liberia durant la guerre, Kofi Woods a de nombreuses expériences mémorables. Ce qui est toujours resté avec lui est l’élément consistant à rapprocher les gens, quelque soit le conflit. Il ne s’agit pas de détails spécifiques, mais du sentiment de résolution, de transformation et de progrès. Un grand nombre de ces expériences ont été, cependant, plus difficiles. Il se rappelle un incident dont il a été témoin en 1994 lorsqu’un comité religieux trouvait que l’une des factions en guerre commettait des crimes de guerre. Woods décrit une situation d’action désespérée, en disant : « Un jour l’action a été décidée par le comité religieux. Nous avons fermé la ville. Nous sommes restés à la maison. En tant que médiateurs nous avons décidé de prendre position ». C’est une illustration des complexités réelles de la médiation. Les règles cardinales telles que celle de « rester neutre » ne sont pas toujours possibles, particulièrement quand les médiateurs sont profondément impliqués dans la société et la dynamique des conflits.
Woods explique qu’un autre souvenir fort est quand il s’est échappé du Liberia, d’abord pour aller au Sénégal et ensuite aux États-Unis, avec l’aide de marines américains. Il a passé cinq années difficiles en exil (de 1999 à 2003). Pour lui, les plus grands succès sont construits à partir d’un travail d’équipe. Il a constaté cela à chaque fois. Les dirigeants religieux ont un rôle à jouer. En général ils sont respectés. Les femmes ont également un rôle à jouer, ainsi que les anciens et les chefs traditionnels. Mais ces aspects positifs ne masquent pas les grands défis que sont : les ressources limitées, le manque de stature politique des parties et le manque d’information.
Une grande leçon pour Kofi Woods a été de comprendre que fondamentalement il y a différentes approches pour résoudre les problèmes ; les conflits politiques sont différents des conflits armés, différents des conflits ethniques, différents des conflits tribaux et idéologiques. Finalement, pour revenir à l’importance qu’il attribue aux institutions, il trouve que l’articulation des différentes organisations est un défi continu : la Commission libérienne anti-corruption (LACC), la Commission électorale nationale, les Archives et les Statistiques nationales, même si elles sont tenues en haute estime dans le pays.
Extrait de l’ouvrage « Celui qui tue une fourmi avec soin peut découvrir ses intestins : documentation de l’expérience des médiateurs ouest-africains », © Gorée Institute 2010