Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique
Notion de stabilité démocratique
Appréhender la notion de stabilité démocratique requiert de cerner d’abord celle de démocratie. Etymologiquement la démocratie renvoie au pouvoir du peuple, Demos signifiant le peuple, comme protagoniste à l’intérieur d’une cité (polis), et kratein « se rendre maître de ». Les auteurs s’accordent ainsi sur le fait que la démocratie renvoie au régime politique où c’est le peuple qui est le dépositaire du pouvoir.
C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre la formule incantatoire de d’Abraham Lincoln suivant laquelle la démocratie c’est le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple. C’est également dans ce sens qu’abonde l’ancien Secrétaire général des Nations Unies Boutros Boutros-Ghali lorsqu’il écrit que « la démocratie est un régime politique où l’appareil institutionnel donne corps à l’idéal d’un pouvoir politique exprimant la volonté du peuple ».
Cependant la démocratie fait l’objet d’une pratique diversifiée. Nombre de régimes politiques se réclament de la démocratie sans présenter les mêmes caractéristiques. Avec l’évolution, elle s’est enrichie de nouveaux éléments tout en revêtant une signification particulière selon l’espace géographique. Aussi parle-t-on souvent d’une démocratie à l’Africaine. Cette situation est à l’origine d’un débat sans fin sur les définitions opérationnelles de la démocratie.
On peut toutefois distinguer entre les définitions minimalistes et les définitions maximalistes de la démocratie. La définition minimaliste de la démocratie met l’accent sur l’existence d’élections libres et loyales alors que la conception maximaliste voit au-delà des élections, l’Etat de droit avec les libertés individuelles, des limites et contrepouvoirs constitutionnels, le contrôle civil des forces armées.
Elle implique également l’existence de valeurs telles que la tolérance et la civilité. C’est ce qui fait dire à Larry Diamond que « … la démocratie requiert un ensemble distinct des valeurs et orientations de la part des citoyens : modération, tolérance, civilité, efficacité, savoir, participation ».
Quelle que soit la conception retenue, la démocratie obéit à un certain nombre de conditions qui en constituent les critères. Comme forme d’organisation politique, un régime démocratique exige le respect de la séparation des pouvoirs, la garantie des libertés fondamentales et l’organisation régulière d’élections. Le principe de séparation des pouvoirs permet de fonder l’indépendance de la justice et du législatif alors que les libertés fondamentales favorisent l’émergence du pluralisme dans ses multiples dimensions.
La démocratie dans sa forme représentative est aujourd’hui en crise. Sa dynamisation à travers sa forme participative demeure problématique au regard de la démobilisation citoyenne observable même dans les démocraties considérées comme les plus avancées. Il reste que malgré cette crise, la démocratie est toujours considérée comme le meilleur régime politique qui soit.
La démocratie est souvent présentée comme un idéal, un objectif à atteindre et en définitive un processus inachevé. De ce point de vue, parler de stabilité démocratique peut paraitre contradictoire.
Cette contradiction n’est qu’apparente car comme le souligne Pierre SAVIDAN « l’inachèvement n’implique pas … un état transitoire mais désigne une propriété d’ordre quasiment ontologique de la réalité démocratique elle-même ».
Une démocratie devient stable lorsqu’elle est consolidée, la consolidation étant le processus par lequel un régime démocratique est renforcé de telle sorte qu’il persiste dans le temps et soit à même de prévenir ou de résister à d’éventuelles crises.
Un régime stable apparait ainsi comme un régime dans lequel les acteurs majeurs ou significatifs agissent en conformité avec les règles ou dans un horizon temporel ne supposant pas de changement de régime. La stabilité démocratique renvoie ainsi à une étape du processus démocratique et non sa finition qui reste indéterminée.
Notion de consolidation de la paix
La paix peut être définie de plusieurs manières. La paix, disait Spinoza, n’est pas l’absence de guerre, c’est une vertu, un état d’esprit, une volonté de bienveillance, de confiance, de justice. Il s’agit d’une conception plutôt positive de la paix qui met l’accent sur le développement de facteurs de coopération et d’intégration entre groupes et nations pour une paix durable. De manière négative, la paix se définit comme l’absence de violence entre groupes humains ou nations. La consolidation de la paix épouse ainsi la conception positive de la paix.
Le promoteur de ce concept, l’ancien secrétaire général des Nations Unies Boutros Boutros-Ghali de 1992, dans l’Agenda pour la paix”, le définit comme « une action menée en vue de définir et d’étayer les structures propres à raffermir la paix afin d’éviter une reprise des conflits et des hostilités. Elle débute avec les actions en faveur du maintien de la paix et se termine par la reconstruction et l’aide au développement ». La consolidation de la paix postule ainsi un avenir définitif où les antagonismes ayant mené au conflit ont disparu.
Dans son discours au Conseil de Sécurité le 5 février 2001, l’ancien Secrétaire Général, Kofi Annan, abondant dans le même sens, résumait ainsi la consolidation de la paix : « La consolidation de la paix, c’est la reprise de l’activité économique, le rajeunissement des institutions, la restauration des services de base, la reconstruction des hôpitaux et des écoles, la réorganisation de l’administration publique et la résolution des différends par le dialogue et non par la violence ».
Au regard de ces définitions, la consolidation de la paix renvoie à l’effort collectif pour le rétablissement d’une paix durable.
La consolidation de la paix doit être distinguée du maintien de la paix même si les deux concepts sont liés. Le maintien de la paix est une activité hybride, politico-militaire, qui implique une présence sur le terrain, et qui vise, avec le consentement des parties en cause, à mettre en œuvre ou surveiller l’application des mesures liées au contrôle des conflits (cessez-le-feu, séparation des forces en présence), et leur résolution (règlement partiel ou exhaustif), ainsi qu’à protéger l’acheminement de l’aide humanitaire. De ce point de vue, l’usage de la force relèverait du maintien de la paix.
La consolidation de la paix renvoie donc à l’ensemble des « actions indispensables à la construction ou à la reconstruction d’une entité démocratique, économiquement viable et respectueuse des droits de l’Homme ».