Santé, Environnement et Qualité de vie dans l’exploitation des ressources minières: la perception des populations de Matam, kédougou et Thies

La possession ou l’existence de ressources minérales est souvent considérée comme un privilège. Des avantages qui ouvrent des perspectives économiques et de développement, mais qui sont aussi supposés pouvoir contribuer à l’amélioration des conditions de vie des populations plus particulièrement celles des zones d’exploitation. L’objectif du monitoring de l’Institut Gorée visait aussi à relever la perception des populations sur l’exploitation en lien avec le bien-être et à la sécurité des personnes. Ce deuxième article de la série sur « la perception des populations de l’exploitation minières » et à l’instar du premier qui portait sur les impacts économiques, a pour objectif de relever les principaux constats relatifs à la perception des populations sur les impacts sociaux, sanitaires et environnementaux de l’exploitation minière, conformément aux résultats de l’enquête menée par les moniteurs.

I Les impacts sanitaires et environnementaux de l’exploitation

  • LES IMPACTS SANITAIRES

Les populations se sont prononcées également sur les impacts sanitaires des opérations minières. Selon l’Institut international de l’environnement et du développement, l’un des plus importants impacts de l’activité minière est la migration de personnes vers la région minière, en particulier dans les régions éloignées des pays en développement. Les résultats de l’étude montrent que 42 % des enquêtes estiment que l’exploitation minière a favorisé la prostitution, les maladies sexuellement transmissible (MST) et le développement de nouvelles maladies dans leur localité. Outre cette maladie sexuellement transmissibles, d’autre maladies sont transmises par l’air à cause des émissions poussiéreuses. L’exploitation minière est indexée comme étant une activité grave qui transmet les maladies respiratoires comme la tuberculose et l’asthme, la bronchite chronique, etc. puisque 52% des enquêtés confirme l’impact négatif des opérations minières sur la santé. La multiplication des germes de fragilisation de la santé devrait pourtant favoriser l’accroissement et l’équipement de postes de santé pour mieux combattre certaines maladies. C’est le paradoxe que les populations ont remarqué car 79% des enquêtés estiment que l’exploitation minière n’a pas favorisé la construction de postes de santé. Le phénomène du « boomtown » qui symbolise l’afflux massif de populations autour des sites miniers constitue un facteur aggravant avec la pression sur le système sanitaire. L’insuffisance des structures sanitaires peut être illustrée par le poste de santé de Diogo qui prend en charge une population estimée à plus de vingt-cinq mille (25 000) personnes.

  • LES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Les enquêteurs ont également abordé la question relative aux impacts environnementaux avec les populations des régions visitées. Les effets sur la qualité de l’eau et de la disponibilité des ressources en eau dans la zone du projet constituent peut-être l’impact le plus important d’un projet minier. La perception des enquêtés, notamment la pollution des cours d’eau, est partagée puisque 44% des populations pensent que l’exploitation minière a des impacts négatifs, 20 % affirme le contraire alors que 31 % sont favorables à une réponse mixte. La faune et la flore sont des composantes importantes de l’environnement. Plus de la moitié des enquêtés, considère que l’exploitation minière a contribué à la destruction de la faune et de la flore.

Ces manquements constatés contrastent cependant avec l’engagement pris par l’Etat du Sénégal de combattre tous les risques environnementaux dans les projets miners. Cet engagement s’est traduit par l’introduction de nombreuses dispositions (constitution, code de l’environnement, code minier, etc.) qui garantissent à tout citoyen le droit à un environnement sain. A ces dispositions nationales, s’ajoutent celles adoptées aux niveaux communautaire et international. En dépit de ces textes, certaines personnes interrogées dans le cadre de l’enquête ont fait état de la disparition de certaines espèces végétales liées pour eux à la pollution et qui se manifeste par des diarrhées constatées chez des animaux. En outre, à cause de l’émission de gaz, les arbres et les fleurs avaient perdu l’intégralité de leur feuillage. Par ailleurs, le niveau élevé de cyanure au niveau des fleuves Gambie et de la Falémé a conduit à la réduction des stocks de poissons.

Les cas d’exploitation illicite de minerais ont été notés notamment au parc national de NIOKOLO KOBA, zone classée patrimoine de l’UNESCO obligeant le Comité du patrimoine mondial à réagir en rappelant au Sénégal l’incompatibilité du parc avec l’exploitation aurifère.

Le déficit de protection de l’environnement s’apprécie dans la pratique, car le ministère de l’environnement a révélé qu’un seul site minier a été exploité et réhabilité. Mieux, rares sont les entreprises minières qui détiennent un plan de gestion environnemental intégrant un fonds de réhabilitation.

II Exploitation des ressources et qualité de vie

Au-delà des impacts sanitaires et environnementaux particulièrement négatifs relevés par la population, la plupart des enquêtés considère que la qualité de vie subit également les effets négatifs de l’exploitation des ressources minières[1]. La pollution sonore et de l’air par exemple occasionnent des désagréments tels que les salissures et des problèmes de respiration, des changements dans les habitudes de vie tels que le fait d’ouvrir ses fenêtres ou encore l’inquiétude et la détresse liées à la mauvaise qualité́ de l’air ou la perturbation du sommeil, le stress, l’anxiété́, la peur, la colère et le manque de quiétude.

Les résultats du monitoring montrent 77% (3 personnes sur 4) des enquêtés estiment que l’exploitation minière a eu un impact négatif sur leur qualité de vie. Seuls 5% des enquêtés estiment que l’exploitation minière a eu des impacts positifs sur leur qualité de vie. (Graphique 13)

La pollution par le bruit associé à l’exploitation minière peut inclure les bruits en provenance des moteurs de véhicules, le chargement et le déchargement de roches dans des tombereaux en acier, les toboggans, etc. Les impacts cumulatifs des pelles mécaniques, du forage, de l’abattage par explosion, du transport, du concassage, du broyage et du stockage en grandes quantités peuvent affecter de manière significative la faune et les proches résidents. Les vibrations sont associées à de nombreux types d’équipements utilisés dans l’exploitation minière.

Une autre dimension participant également à l’amélioration de la qualité de vie avec des perspectives dans le futur pour les populations à savoir l’éducation subie les effets des opérations puisque 20% des enquêtés estiment que l’exploitation minière a entrainé la déperdition scolaire dans les trois régions. Cette déperdition scolaire semble être motivée par la faible contribution du secteur minier à la construction d’infrastructures scolaires. L’enquête révèle que 68% des personnes interrogées dans ces zones affirment la faible contribution de l’exploitation minière à la construction d’infrastructures scolaires. Cependant, la région de Kédougou est celle qui est plus affectée par le phénomène de déperdition scolaire. En effet, avec l’exploitation des sites traditionnels miniers d’or, les enseignants éprouvent d’énormes difficultés à retenir les élèves à l’école. Au plus, il a été constaté que certaines élèves reprennent tardivement les cours et anticipent la fermeture des écoles. Les causes de la déperdition scolaire sont pourtant nombreuses et variées. Il y a des causes économiques car les parents qui doivent inscrire les enfants sont désarmés financièrement et n’arrivent pas à couvrir normalement les frais de scolarité. Il y a également les risques sanitaires résultant des niveaux sonores élevés dépassant les limites préconisées par l’OMS pour la prévention de la perte auditive.

Avec l’aide des populations, l’enquête menée par le Gorée Institute dans les trois régions est riche en information. Elle a permis d’identifier les impacts négatifs qui persistent à affecter ces régions. Pour servir de référence dans la réduction des impacts, l’enquête a été sanctionnée par des recommandations dont l’objectif est de remédier aux manquements décelés afin que la population retrouve son bien-être. Ces recommandations ont été adressées aux différents acteurs comme l’État, les parlementaires, la société civile et les entreprises minières. L’examen de la somme des informations nécessite un redressement de la législation et un renforcement du contrôle de l’exécution des obligations, notamment l’intégration des bonnes pratiques.

 


[1] A l’exception à Kédougou où 9% des enquêtés estiment que l’exploitation minière a eu un impact positif sur leur qualité de vie dans les deux autres régions cette proportion est nulle.