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Symposium annuel du Goree Institute : quelques concepts…

Dans sa quête de se poser en espace d’impulsion et d’animation du débat, mais aussi en tant qu’institution panafricaine qui se veut être à l’avant-garde des problématiques liées au développement, à la démocratie, l’Institut Gorée a su imprimer sa « marque de fabrique » à travers le Symposium annuel qu’il a initié. La récurrence de certains concepts (la compréhension, le maniement, la vulgarisation) durant les Symposiums, renseigne sur le positionnement très clair de l’Institut dans la prospective et la stratégie d’influence des États, de l’espace CEDEAO, des partenaires techniques et financiers, des organisations de la société civile africaine, du milieu académique, des médias, etc.

Ainsi donc, les concepts ci-dessous (liste non exhaustive) sont beaucoup convoqués lors des Symposiums annuels organisés, mais également dans le cadre des publications et pour la plupart lancées officiellement à l’occasion de ces Symposiums annuels.

Consolidation de la paix

La paix, à l’instar de la démocratie, n’est pas un concept univoque, même si sa définition fait moins l’objet de controverses que celle de la démocratie. La paix peut se définir par « l’absence de violence » ou par « l’absence de la peur de violence», auquel cas elle est dite « négative ». Cette définition de la paix permet de constater et éventuellement de mesurer un état de non-violence, sans pour autant nécessairement aider dans l’identification des manettes et actions susceptibles d’aider à la maintenir et/ou à la consolider. C’est cette définition négative de la paix qui sert, par exemple, de base dans la production du Global Peace Index que l’Institut pour l’Economie et la Paix publie annuellement depuis 2007.

Mais la paix peut se définir également, cette fois-ci de manière dite « positive », lorsqu’elle renvoie « aux attitudes, aux institutions et aux structures qui, lorsqu’elles sont renforcées, peuvent conduire à une société plus pacifique »[1]. Cette conception de la paix présente l’avantage d’identifier des leviers institutionnels et comportementaux sur lesquels l’on pourrait agir pour accroître les chances de maintien et/ou de consolidation de la paix. Elle est, par conséquent, très utile pour tous ceux – acteurs nationaux et partenaires – pour qui le maintien et la consolidation de la paix constituent une préoccupation. Malheureusement, cette manière d’appréhender la paix n’est pas aussi facilement susceptible de mesure que celle « négative ». 

L’appréhension positive de la paix n’est pas que difficile à mesurer: sa multi-dimensionnalité constitue une autre source de difficultés en ce qui concerne son utilisation. En effet, la paix, lorsqu’elle est définie positivement, renvoie à des catégories de facteurs divers et variés. Il peut s’agir aussi bien de facteurs internes à la société que d’éléments externes liés au voisinage et/ou à l’environnement international du moment. Il peut s’agir d’éléments tangibles (e.g. Institutions) ou intangibles (e.g. Attitudes), de facteurs qui contribuent à réduire les risques de recours à la violence et/ou qui aident à formuler et exprimer les préférences etc. Pour l’IEP[2], les piliers de la paix incluent les facteurs tels que le fonctionnement du gouvernement, l’environnement des affaires, la qualité de la distribution des ressources nationales, les relations avec les voisins (que ce soit à l’intérieur du pays ou avec les pays voisins) etc.

Malgré les difficultés évoquées ci-dessus, l’acception positive du concept de paix offre l’avantage de mieux se prêter aux initiatives en faveur de la consolidation de la paix. Elle permet, en effet, d’identifier des facteurs sur lesquels l’on pourrait agir pour accroître les chances de raffermissement/ consolidation de la paix dans une société. Elle permet également de définir la consolidation de la paix, comme étant le résultat de tout effort allant dans le sens du raffermissement de tout ou partie des piliers de la paix ci-dessus évoqués.

Sécurité humaine

Le concept de Sécurité humaine est un concept récent axé sur la protection des êtres humains. Elle se distingue de l’approche classique de la Sécurité, privilégiant, dans les relations internationales, la protection du territoire étatique. La sécurité humaine intègre des réalités telles que la privation économique ou celle des droits humains. Sa définition apparaît délibérément évolutive, tout comme les risques et les menaces auxquels les populations doivent faire face. La Sécurité humaine fait opérer un changement de centre de gravité. Elle vient signifier l’exigence pour l’État de reconnaissance et d’adoption de la responsabilité de protéger les citoyens, d’assurer la préservation matérielle et morale de l’intégrité et de la dignité des personnes.

La Sécurité, à l’ère de la sécurité humaine, vise en effet à mettre l’individu à l’abri de la peur et du dénuement. La conception de la sécurité est ainsi libérée de l’approche restrictive la réduisant pour l’essentiel à la sécurité de l’État dans des conditions où celle-ci est souvent ramenée plus à la protection du pouvoir politique qu’à celle des institutions démocratiques et républicaines.

Pour autant, il ne faut pas ignorer qu’une nouvelle tendance a été initiée et favorisée par l’adoption de la Sécurité humaine par l’Union africaine au Sommet de Syrte en 2000. La mise en œuvre de cette nouvelle approche sécuritaire dépendra du dynamisme et de l’efficacité des acteurs politiques, sociaux et institutionnels aux niveaux national et régional.

Le contexte de sous-développement économique et de faiblesse de la démocratie et de l’État détermine une vulnérabilité des populations face à de nombreux périls : menaces sanitaires, catastrophes naturelles, conflits politiques bafouant la dignité, l’intégrité de la personne et les libertés élémentaires. 

La Sécurité humaine a pour enjeu une prise en compte des défis sécuritaires qui, dans leur diversité, constituent une menace pour l’individu. Le devoir de protection des personnes est ainsi mis en exergue dans les fondements de toute doctrine sécuritaire aux niveaux local, national, régional. L’adoption de la sécurité humaine comme approche intégrée de la sécurité va de pair avec une nécessaire évolution des conceptions et des mentalités en matière de sécurité au niveau des acteurs étatiques comme au niveau des citoyens et de la société civile. Cela implique aussi une nécessaire reconfiguration systémique et stratégique du secteur de sécurité pour mettre l’homme au centre des missions de protection et ajuster à cet impératif des politiques, les postures et les instruments de caractère sécuritaire[3]. Le Rapport sur le développement humain du PNUD de 1994 a identifié sept domaines comme étant les éléments de base de la sécurité humaine, et donc de la paix dans ce sens élargi :

1. La sécurité économique : Assurer un revenu de base pour les individus.

2. La sécurité alimentaire : Garantir un accès, à la fois matériel et économique, à une alimentation de base pour toute personne à tout moment.

3. La sécurité relative à la santé : Garantir un minimum de protection contre les maladies et les modes de vie malsains.

4. La sécurité environnementale : Protéger les populations contre les ravages de la nature, les menaces causées par l’homme à la nature et les protégé contre la détérioration de l’environnement naturel à court et moyen terme.

5. La sécurité personnelle : Protéger les personnes des violences physiques, qu’elles émanent de l’État du citoyen en question ou d’États tiers, ainsi que des violences provenant des individus et des acteurs à un niveau infra-étatique, des abus domestiques et des adultes prédateurs.

6. La sécurité communautaire : Protéger les populations contre la perte des relations et des valeurs traditionnelles et contre la violence sectaire et ethnique.

7. La sécurité politique : Pouvoir vivre dans une société qui respecte les droits de l’homme. Ne pas être sujet à la répression politique, à la torture systématique, aux mauvais traitements et aux disparitions, etc.[4].

Gouvernance

Notion en vogue depuis le début des années 1990, cherchant à démontrer que les dynamiques de gouvernement et de régulation sociale ont changé par l’effet de la mondialisation, des changements sociaux et d’une perception nouvelle du pouvoir politique. De manière générale, la gouvernance désigne le plus souvent les formes contemporaines de régulation collective, qui se développent sur la base de relations entre acteurs publics et privés, et dans des cadres institutionnels et territoriaux pluriels, plus ouverts et plus instables. On parle plus souvent de gouvernance multi niveaux pour signifier à quel point les problèmes publics sont de plus en plus traités par des acteurs divers, placés à différents échelons territoriaux[5]. On oppose souvent la notion de gouvernance à celle de gouvernement qui paraît historiquement attachée à l’idée d’un pouvoir centralisé et monopolisé par l’État dans un cadre national. Au-delà de son caractère descriptif, la notion de gouvernance a également parfois une tonalité normative. En effet, en insistant sur la nécessaire dissociation entre la régulation collective et les activités de l’État, elle a pu être utilisée pour entretenir l’idée d’un nécessaire retrait de l’État au profit d’acteurs puisant leur légitimité dans l’expertise plutôt qu’en vertu d’une quelconque légitimité politique. Dans certains cas, la notion permet parfois de justifier la nécessité d’ouvrir l’État à des modes de gestion privée, soit un transfert dans l’espace public de ce que l’on qualifie parfois de gouvernance des entreprises.

La Banque Mondiale a déjà identifié six dimensions générales comme indicateurs de gouvernance, qui sont principalement basées sur les droits de l’homme :

• Expression et responsabilité : la mesure dans laquelle les citoyens d’un pays peuvent participer à la désignation de leur gouvernement, ainsi que la liberté d’expression, d’association et la liberté de la presse.

• La stabilité politique et l’absence de violence : la probabilité que le gouvernement soit déstabilisé par des moyens inconstitutionnels ou violents, y compris le terrorisme.

• L’efficacité gouvernementale : la qualité des services publics, la capacité de l’administration et son indépendance vis-à-vis des pressions politiques ; la qualité de la formulation des politiques.

• La qualité de la réglementation : la capacité du gouvernement à fournir des politiques et des réglementations solides qui permettent et promeuvent le développement du secteur privé.

• L’État de droit : le degré de confiance et de respect pour l’État de droit que les agents ont, y compris la qualité des droits de propriété, de la police et du système judiciaire, ainsi que de la protection contre les risques de crime.

• Le contrôle de la corruption : le degré dans lequel le pouvoir public est exercé en faveur d’intérêts privés, y compris les grandes et petites formes de corruption, ainsi que la captation de l’État par les élites[6].

Démocratie et Élections

L’élection est une technique de désignation des gouvernants recourant à une procédure de vote. Dans le domaine politique, l’élection peut concerner l’ensemble des citoyens, d’une minorité de citoyens (désignés selon des critères restrictifs comme le cens ou la capacité) ou des électeurs habilités à exprimer la volonté de groupes représentés (cas de « grands électeurs» dans les procédures de suffrages indirects). Elle implique le plus souvent la prise en compte du principe majoritaire, même si exceptionnellement, certaines institutions ou fonctions peuvent parfois recourir, dans la pratique, au principe d’unanimité[7]. En Afrique, depuis les années 90 avec la dernière vague de démocratisation, les États africains se sont tous investis dans les processus politiques d’ouverture dont l’exercice du pouvoir est nécessairement légitimé par l’organisa

tion d’élections. Ainsi donc les élections et les exigences relatives à son organisation sont devenues des préoccupations à l’échelle des Nations en Afrique et au-delà, dans le monde. La démocratie quant à elle est aujourd’hui devenue le système politique le plus répandu à travers le monde.

Appréhender la notion de stabilité démocratique requiert de cerner d’abord celle de démocratie. Etymologiquement la démocratie renvoie au pouvoir du peuple, Demos signifiant le peuple, comme protagoniste à l’intérieur d’une cité (polis), et kratein « se rendre maître de». Les auteurs s’accordent ainsi sur le fait que la démocratie renvoie au régime politique où c’est le peuple qui est le dépositaire du pouvoir. C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre la formule incantatoire d’Abraham Lincoln suivant laquelle la démocratie c’est le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple. C’est également dans ce sens qu’abonde l’ancien Secrétaire général des Nations Unies Boutros Boutros-Ghali lorsqu’il écrit que « la démocratie est un régime politique où l’appareil institutionnel donne corps à l’idéal d’un pouvoir politique exprimant la volonté du peuple ».

Cependant la démocratie fait l’objet d’une pratique diversifiée. Nombre de régimes politiques se réclament de la démocratie sans présenter les mêmes caractéristiques. Avec l’évolution, elle s’est enrichi de nouveaux éléments tout en revêtant une signification particulière selon l’espace géographique. Aussi parle-t-on souvent d’une démocratie à l’africaine. Cette situation est à l’origine d’un débat sans fin sur les définitions opérationnelles de la démocratie.

On peut toutefois distinguer entre les définitions minimalistes et les définitions maximalistes de la démocratie.

La définition minimaliste de la démocratie met l’accent sur l’existence d’élections libres et loyales alors que la conception maximaliste voit au-delà des élections, l’État de droit avec les libertés individuelles, des limites et contrepouvoirs constitutionnels, le contrôle civil des forces armées. Elle implique également l’existence de valeurs telles que la tolérance et la civilité. C’est ce qui fait dire à Larry Diamond que « … la démocratie requiert un ensemble distinct des valeurs et orientations de la part des citoyens : modération, tolérance, civilité, efficacité, savoir, participation ».

Quelle que soit la conception retenue, la démocratie obéit à un certain nombre de conditions qui en constituent les critères. Comme forme d’organisation politique, un régime démocratique exige le respect de la séparation des pouvoirs, la garantie des libertés fondamentales et l’organisation régulière d’élections. Le principe de séparation des pouvoirs permet de fonder l’indépendance de la justice et du législatif alors que les libertés fondamentales favorisent l’émergence du pluralisme dans ses multiples dimensions[8].

Assistance électorale

Au fil des années, l’Institut Gorée, en tant Centre du Savoir électoral a su affiner son positionnement et s’investir dans l’assistance électorale qui consiste à mettre à disposition son expertise technique pour renforcer les capacités des organisations de la société civile africaine qui souhaitent s’investir dans l’observation ou le monitoring d’un ou de plusieurs aspects du processus électoral. L’assistance électorale sous-entend la capacité de l’Institut à se positionner un cran au-dessus des organisations de la société civile classiques et à se mettre au rang des institutions ayant la possibilité de transférer des compétences et d’appuyer techniquement les organisations de la société civile africaines. Par ailleurs, des institutions internationales comme l’Organisation des Nations Unies et l’Union Européenne se sont dotées d’Unités d’assistance électorale mais l’accompagnement est souvent d’ordre logistique et cherche à tisser des partenariats avec des institutions qui ont la capacité d’accompagner e, éloquence verbale, etc.) qui sont associées à l’activité politique. Du fait des conceptions de techniquement les processus électoraux par la mise à disposition d’outils et d’instruments, et aussi par leur capacité à contextualiser certaines dynamiques. L’Assistance électorale de l’Institut Gorée fut, à plusieurs reprises, à la « vedette » durant les Symposiums annuels.

Système de conflits

Un système de conflits se définit comme un ensemble de conflits, de causes, de formes et de territorialités distinctes qui s’articulent et s’alimentent sous l’effet de leur proximité, de leur évolution ou des alliances tissées par des acteurs divers dont les intérêts convergent[9].

Genre et politique

Le « genre » désigne tout ce qui construit socialement et culturellement la différence entre les sexes, c’est à dire tout ce qui contribue à définir ce qui est considéré comme féminin ou masculin dans une société, et par conséquent ce qui doit échoir aux groupes ou aux personnes selon leur rattachement au genre féminin ou au genre masculin.

Aussi les théories du genre sont-elles particulièrement intéressantes pour comprendre, par exemple, la division sexuelle du travail, les différences dans la participation politique, ou encore l’importance qu’accordent les politiques publiques aux questions de genre.

Les idées dominantes sur ce que doit être la place de l’homme ou de la femme dans la société produisent des effets puissants sur la propension des uns et des autres à s’engager ou non dans l’arène politique. Elles peuvent constituer un frein à la participation ou à l’engagement des femmes lorsque, par exemple, ces idées associent principalement les hommes aux activités publiques d’une part, les femmes aux activités domestiques d’autres part. A cet égard, ce sont le plus souvent des qualités considérées comme « viriles » (courage, aptitude à la lutte, éloquence verbale, etc.) qui sont associées à l’activité politique. Du fait des conceptions de genre sous-jacentes à de nombreux rôles politiques, les femmes politiques subissent un certain nombre de critiques – sur leur tendance à se masculiniser, sur leur moindre compétence ou sur la mise en scène de leur « différence[10] ».

 

Rapport de Synthèse des Symposiums

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[1] « Pillars of Peace: understanding the key attitudes and institutions that underpin peaceful societies», 2013, Institute for ECONIMICS & PEACE (IEP).
[2] L’IEP, Institute for ECONOMICS & PEACE, est un think tank qui développe, entre autres, un nouveau cadre d’appréciation et de mesure de la paix.
[3] Stabilité institutionnelle et Sécurité humaine, Gorée Institute, 2012, Dakar, 362 pages
[4] Les Actes du Symposium 2013, Gorée Institute, Dakar, 2015, 388 pages
[5] Dictionnaire de Sociologie politique, LJDG, Paris 2012, 450 pages
[6] Les Actes du Symposium 2013, Gorée Institute, Dakar, 2015, 388 pages
[7] Dictionnaire de sociologie politique, LJDG, Paris, 2012, 450 pages
[8] Les Actes du Symposium, Gorée Institute, Dakar, 2015
[9] Système de conflits en Enjeux sécuritaires, Gorée Institute, Dakar, 2013, 233 pages
[10] Lexique de science politique 2e édition, Olivier Nay, Edition Dalloz, 2011, Paris, 600 pages

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