Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique
Contexte national et régional
La République du Niger, ancienne colonie française qui a pris son indépendance en 1960 est le pays le plus vaste d’Afrique de l’Ouest avec une superficie de 1 267 000 km2 et une population de 16 millions d’habitants, d’après des estimations faites en 2012. Il a pour capitale Niamey et partage ses frontières avec l’Algérie, la Lybie, le Mali, le Tchad, le Burkina Faso, le Bénin et le Nigéria. Son territoire est constitué à 80 % du Sahel et du Sahara et 90 % environ de la population est concentrée dans le tiers sud du pays. Le Niger a le taux de croissance (3.63%) le plus élevé au monde avec en moyenne 7 enfants par femme. La population est très jeune car plus de la moitié a moins de 15 ans. Plusieurs groupes culturels forment cette nation nigérienne, à savoir les Haoussa qui sont les plus représentés suivis des Touareg, des Peulhs, des Kanouri Manga. Le peuple nigérien est de confession musulmane à 80 %. Le Niger est aussi membre de la CEDEAO.
Le pays a une histoire politique assez tourmentée. Il connaît plusieurs régimes politiques dominés par l’ingérence des forces armées ainsi que les coups d’Etat, notamment avec le Colonel Ali Saibou qui, après plusieurs années au pouvoir, accepte enfin en 1991, sous la pression d’un mouvement de revendication démocratique, le multipartisme et l’établissement d’une nouvelle constitution en 1992. En 1993, Ousmane Mahamane, leader de l’AFC (Alliance des Forces de Changement), sera élu président puis destitué par coup d’Etat par le colonel Ibrahim Mainassara qui se fera assassiner par la garde présidentielle en 1999 lors d’un coup d’Etat perpétré sous la tutelle du major Daouda Mallam Wanke. Ce dernier promet de rendre le pouvoir aux civils après des élections. Il met en place un gouvernement de transition et organise un référendum constitutionnel. À la suite de cela, le Lieutenant-colonel à la retraite, Mamadou Tandja prend le pouvoir soutenu par la CDS (Convention Démocratique Sociale) et le MNSD (Mouvement National pour la Socièté de Développement). Il sera réélu en 2004. Cependant, ce second mandat plongera le pays dans une grande crise institutionnelle car Tandja tentera de modifier la constitution afin d’obtenir un troisième mandat, dissoudra l’Assemblée nationale ensuite la Cour constitutionnelle puis annoncera sa gouvernance par décret face à cette situation d’urgence. Ainsi, il fût destitué par coup d’état par le Major Salou Djibo et la junte militaire regroupée autour du CSRD (Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie). Ce dernier mettra en place un projet de transition ainsi qu’une nouvelle réforme institutionnelle. C’est dans ce sens qu’une constitution est de nouveau adoptée par référendum de même qu’un nouveau code électoral. Par la suite, Mahamadou Issoufou remporte les élections en 2011.
Sur la plan économique, le Niger est un pays extrêmement pauvre. Ainsi en 2011, il était classé à la 186e sur 187 pays sur la liste des Etats les plus pauvre au monde avec un IDH de 0.266 et un taux d’alphabétisation relativement bas malgré son sous-sol riche en gaz et en uranium. Son économie repose principalement sur l’agriculture sachant que le pays est très souvent frappé par des périodes de sécheresse et des difficultés liées à l’accès à l’eau. Aussi, la moitié de son budget provient de mécènes étrangers.
De plus, le climat d’insécurité qui sévit dans la région n’a pas fini de précipiter le pays vers un avenir de plus en plus incertain. En effet, la position géographique du Niger qui le place entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne de par ses frontières avec des pays dont l’Etat peinent à assurer la sécurité comme l’Algérie, le Nigéria, le Mali, le Tchad fait de lui un des principaux récipiendaires de ces foyers de conflits. Par conséquent, les principaux facteurs d’instabilité au Niger sont plutôt d’origine ethnique avec les nombreuses rébellions Touareg qu’a traversé le pays entre 1991 et 1998, 2007 et 2008, politique avec l’ingérence de l’armée et les trois coups d’Etat qui ont fragilisé le pays en 1996, 1999, 2010, territoriale avec les conflits liés aux terres… Ces facteurs sont principalement la conséquence d’un Etat nigérien faible qui peine à assurer sa souveraineté sur l’entièreté du territoire, le chômage, la crise socio-économique, la montée de nouvelles donnes telles que le jihadisme et le terrorisme ainsi que la difficulté à établir des mécanismes de prévention des conflits efficaces.
Paix et sécurité transfrontalière
Dès le début de l’année 2012, le Niger a accru ses opérations de surveillance au niveau des frontières de peur que l’instabilité qui sévissait au Mali atteigne le pays. Ainsi, près de 3000 soldats ont été déployés le long des frontières séparant le Niger et le Mali, la Lybie, le Nigéria et l’Algérie. Des dispositifs aériens ont aussi été mis en place pour protéger le Nord avec ces grandes mines d’uranium cible des djihadistes. Etant membre de la CEDEAO, il a grandement contribué au soutien logistique de la MISMA (Mission de la CEDEAO au Mali), mais en a aussi beaucoup souffert car il est devenu à son tour la cible des djihadistes sévissant au Mali. L’enlèvement à Dakoro le 14 Octobre 2012 de cinq nigériens et un tchadien travaillant dans l’humanitaire ainsi que leur chauffeur est un exemple patent. Bien que l’attaque n’ait pas été concrètement revendiquée par le groupe djihadiste, AQMI est fortement soupçonné d’avoir commis cet acte. Ce qui montre donc que la menace djihadiste se dissémine de plus en plus dans l’ensemble de la région au détriment de ses foyers dits de base. Le Niger est aussi fortement touché par le climat d’insécurité qui règne au Nord du Nigeria. Par conséquent, il y a un grand risque que l’activisme radical de Boko Haram déborde au Niger. De plus, du fait de la difficulté à protéger totalement les frontières qui séparent le Nigéria et le Niger, les terroristes peuvent, de ce fait, y trouver refuge. Ces différentes menaces terroristes poussent encore un peu plus dans le gouffre un pays qui a du mal à développer son économie. Les différentes instabilités sécuritaires ont un énorme impact sur l’économie car elles empêchent le commerce transfrontalier dont dépendent beaucoup les populations locales notamment avec le Nigéria. Afin de pallier à la menace commune, le Niger et le Nigéria ont conclu un accord pour mettre en place des patrouilles conjointes en vue de faire face à Boko Haram et d’empêcher ses attaques.
Criminalité et trafics transfrontaliers
Le Niger est un haut repère de criminels. C’est une plaque tournante de nombreux trafics de drogues, d’armes, de cigarettes, d’êtres humains et même de migrants en raison de sa position géographique privilégiée. Des indices montrent qu’une grande quantité de drogue transite de la capitale en passant par Agadez, une zone au nord du pays très peu contrôlée pour ensuite être acheminée dans d’autres pays. Selon un rapport du service de lutte anti-drogue nigérien, en 2009, 723 Kg d’herbe de cannabis ont été saisis, de même que 1876 Kg de résine de cannabis, 209 Kg de cocaïne et 337 963 comprimés de substances psychotropes. En Septembre 2011, 4 véhicules contenant 5 tonnes de résine de cannabis ont été interceptés non loin de la frontière tchadienne. La même année, le démantèlement d’un vaste réseau de vente de cocaïne dans la capitale de même que l’arrestations de plusieurs passeurs et dealers montrent bien l’ampleur du trafic. En plus du trafic de drogue, un autre type de trafic fait rage au Niger : celui d’armes à feu. Avec la crise libyenne, l’ensemble de la région sahélo-saharienne est devenue un vaste espace de vente et d’achats d’armes, notamment l’arsenal venant de Libye qui sert dorénavant aux groupes terroristes. Ainsi, le 6 Novembre 2011, l’armée nigérienne avait intercepté et détruit les armes d’un convoi libyen à destination du Mali. En dépit de la surveillance des frontières, la menace est toujours aussi persistante.
Cependant, afin de lutter contre ces trafics qui gangrènent le pays, d’autres efforts sont consentis tels que l’implication du pays dans une stratégie subrégionale soutenue par l’ONUDC comprenant le Burkina Faso, le Mali et la Mauritanie dont l’objectif est de permettre une synergie dans l’approche des menaces à la sécurité dans la région du Sahel. Aussi, il participe à la création d’une plateforme régionale dite « Justice » afin d’améliorer les capacités des juges et procureurs ainsi que la mise en place des cadres juridiques afin de lutter contre le terrorisme. Aussi, s’étant allié à la Mauritanie, au Mali, à l’Algérie, une cellule sécuritaire composée d’experts en armement a été mise sur pied. Sa mission est de suivre le dossier des armes introduites de Lybie vers les pays du Sahel, notamment par l’échange d’informations sur la quantité d’armes qui transitent dans chacun des quatre pays. De plus, depuis 1994, le Niger dispose d’une Commission nationale pour la collecte et le contrôle des armes illicites.
Droits de l’Homme
Selon le rapport de 2012 de l’ONG Freedom House, en termes de libertés civiles et politiques, le Niger est une démocratie électorale. Il a un statut de liberté partielle avec un indice de liberté de 3,5 sur 7, un indice de libertés civiles de 4 sur 7 et un indice de droits civils et politiques de 3 sur 7. La cote du Niger en termes de droits politiques s’est vue améliorer en raison de la tenue d’élections présidentielles, législatives et locales libres et transparentes, la séparation entre les pouvoirs civils et militaires, l’établissement d’une nouvelle constitution qui limite la durée des mandats ainsi que les prérogatives du pouvoir exécutif. Par ailleurs, le président Issoufou a montré son respect de la démocratie en nommant à de hauts postes de responsabilités au sein du gouvernement d’anciens opposants ou des membres de la société civile.
Le gouvernement de transition a aussi permis le retour de la liberté d’expression et de la liberté de la presse, ce qui a permis aux médias de jouer un rôle déterminant dans le déroulement des élections du fait de leurs publications libres et transparentes sur les faits politiques. Un organe de régulation du secteur des médias a aussi été mis en place et le président Issoufou a été le premier chef d’Etat à signer la déclaration de la Table Mountain qui appelle les gouvernements africains à promouvoir la liberté de la presse. Par ailleurs, au Niger, la liberté de la presse est respectée. Aussi, le système judiciaire est assez indépendant mis à part quelques ingérences du pouvoir exécutif.
Cependant, la corruption reste un problème encore profondément ancrée dans la société nigérienne, notamment dans le secteur minier. En dépit du fait que la constitution contient des agencements afin de l’éradiquer ainsi que la création de divers organes et organismes de lutte contre la corruption, des efforts sont encore à fournir. Aussi, le Niger demeure un haut lieu de traite des personnes. Au sein du pays, plusieurs personnes sont dans des conditions de travail forcé malgré les lois et autres moyens de lutte mis en place.
La question des réfugiés
L’ensemble des crises politiques qui se sont abattues sur la région notamment en Lybie et en Côte d’Ivoire ont entrainé le retour de près de 300.000 migrants dans le pays, accroissant ainsi le chômage déjà bien présent. Economiquement parlant, cela a eu un gros impact dans la mesure où cela a eu pour conséquence la perte de revenus des transferts issus de la diaspora. Aussi, cela pourrait être un facteur de tensions sociales dans la mesure où la plupart des jeunes revenus au bercail sont sans perspectives d’emplois et ne connaissent que le maniement d’armes. Cela pourrait entrainer une nouvelle rébellion Touareg au sein du pays, mais aussi l’infiltration des forces djihadistes.
La réforme du secteur de la sécurité
Les intrusions répétées des militaires dans la société civile, les coups d’Etat, la menace djihadiste ainsi que la faiblesse de l’Etat à demeurer souverain sur son territoire posent un vrai problème de sécurité au Niger. Avant qu’un processus de démocratisation ne soit entamé dans les années 90, il n’y avait presque pas de séparation des pouvoirs. L’exécutif était omniprésent dans l’ensemble des décisions prises par les autres pouvoirs. Bien que la séparation des pouvoirs soit stipulée dans la constitution de 1999, le législatif et le judiciaire restent grandement dépendants de l’exécutif. Grande conséquence : l’exécutif s’est toujours chargé des questions de sécurité.
Au Niger, il existe différentes organisations chargées du territoire, des populations et du maintien de l’ordre dont les FAN (Forces Armées Nigériennes), la garde présidentielle, les FNIS (Forces Nationales d’Intervention de la Sécurité), la police nationale, les services de douanes… Les FAN regroupent environ 10.000 hommes d’après une estimation faite en 2003, réparties entre l’armée de terre et celle de l’air. La gendarmerie nationale quant à elle rassemble environ 2500 hommes chargés de la défense et du maintien de l’ordre publique. Du fait de menaces transfrontalières de plus en plus présentes, son rôle est désormais majoritairement orienté vers la gestion des frontières. La garde présidentielle elle a pour mission de protéger le chef de l’Etat ainsi que le palais présidentiel. En ce qui concerne les FNIS, forces créées en 1997 à la suite des accords de paix entre le gouvernement et les rebelles, elles sont composées de l’ancienne garde républicaine, des plus anciennes forces de l’armée, et de mouvements rebelles intégrés au processus de sécurité. Elles regroupent environ 3200 membres et sont chargées de la surveillance des prisons, du maintien de l’ordre dans certaines régions… Au niveau sécuritaire aussi, sont apparus dans les années 90 des groupes de vigilance qui se sont donnés la mission de lutter contre l’insécurité au niveau des villes.
Par ailleurs, l’ingérence des militaires dans la vie civile au Niger a été source d’énormes conflits. C’est dans cette mesure qu’un Code de justice militaire ainsi qu’un Tribunal militaire ont été adoptés en 2003. En matière de sécurité, le parlement a lui aussi le droit d’intervenir dans la mesure où il peut ratifier les accords de défense avec des pays tiers, autoriser des déclarations de guerre ou l’envoi de troupes à l’étranger, voter les différents budgets accordés en matière de défense et de sécurité. La société civile aussi a un rôle conséquent à jouer parce qu’elle peut interpeller et intervenir dans les débats sur la gestion et le contrôle du système de sécurité au sein du pays et en dehors.
Ressources naturelles et conflits
Le Niger a connu une rébellion entre les années 2005 et 2007. Les auteurs regroupés autour du MNJ (Mouvement des Nigériens pour la Justice) réclamaient un partage des ressources uranifères plus équitables. Selon eux, l’exploitation de l’uranium a dégradé de nombreuses terres favorables à l’agriculture ou à l’élevage sans que les communautés locales puissent être dédommagées. Il est nécessaire de rappeler ici qu’au niveau mondial, le Niger est le 6e pays producteur d’uranium. Cette matière première représente 5 % de son PIB et engendre plus de 5 % de recettes fiscales. Cependant, l’exploitation de l’uranium reste l’une des principales causes de conflit au sein du pays. Les compagnies étrangères sont bien souvent celle qui engrange le plus de profit au détriment des populations nigériennes. D’où cette volonté du pays de revoir et de renégocier les contrats miniers notamment avec la firme française AREVA.
Judith Bernadette Mendy (source: ouvrage Gorée Institute)