Le Burkina Faso : de la recherche de l’équilibre étatique entre des acteurs désorientés et une société divisée

Le Burkina Faso : de la recherche de l’équilibre étatique entre des acteurs désorientés et une société divisée

Les crises et les conflits qui affectent le Burkina Faso depuis le début des années 2010 constituent dans une certaine mesure le revers des transformations politiques qu’a connues le pays au début des années 1990. Ils sont également la conséquence de l’invasion islamiste du Nord Mali.

L’ouverture démocratique : un équilibre précaire

En 1991, le Burkina Faso a entamé une transition démocratique, rompant ainsi avec un cycle d’instabilité politique caractérisé depuis son indépendance en 1960 par la récurrence des coups d’Etat et des régimes d’exception. En dehors de Maurice Yaméogo (1960-1966), premier président de la Haute-Volta indépendante, les 5 chefs d’Etat qui ont dirigé le pays à sa suite entre1966 et 1991 sont issus de mouvements insurrectionnels et de putschs militaires[1].

L’artisan de la transition démocratique est Blaise Compaoré. Arrivé au pouvoir le 15 octobre 1987 suite à l’assassinat de Thomas Sankara, président du Conseil national de la révolution (CNR), Blaise Compaoré, à la tête du Front populaire (FP), entendait officiellement rectifier les erreurs de la Révolution. La Rectification s’est traduite sur le plan social par la réhabilitation de la chefferie traditionnelle et coutumière et l’intégration dans la fonction publique d’agents licenciés sous la révolution. De cette façon, et par une stratégie de clientélisation, Blaise Compaoré est parvenu à rétablir son image écornée par l’assassinat de Thomas Sankara ; à décrisper la situation de tension politique créée par le CNR dans sa définition des classes sociales et sa politique autoritaire d’occupation de l’espace politique (Somé 2003 : 242 ) puis à se rallier progressivement une bonne partie des hiérarchies traditionnelles et religieuses, ainsi que la plupart des victimes de la politique révolutionnaire d’exclusion (Loada, 1999 : 138 ).

Ensuite, une dynamique de rapprochement avec certains leaders de la gauche révolutionnaire en rupture avec lui depuis le coup d’Etat sanglant du 15 octobre aboutit en 1989 à la création de l’Organisation pour la démocratie populaire/Mouvement du travail (ODP/MT)[2]. La décrispation du climat politique et social permit à Blaise Compaoré de tourner la page sombre de la Révolution, anticipant le processus de transition démocratique exigée par les institutions de Breton Woods et le discours de La Baule de François Mitterrand de février 1990. Dans son message à la nation le 31 décembre 1989, il annonça son intention d’engager le pays dans un processus démocratique. L’ensemble des forces sociales (confessions religieuses, chefferies traditionnelles, organisations de la société civile) prirent part aux côtés des partis politiques à la rédaction de la constitution de la IVème République qui fut adoptée par le référendum du 02 juin 1991. S’en suivit l’organisation, non sans tensions, d’élections pluralistes le 08 décembre 1991. Depuis lors, le pays a connu l’organisation régulière d’élections marquées par la domination sans partage du parti présidentiel, l’ODP/MT d’abord, et ensuite le Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP)[3], jusqu’à l’insurrection populaire d’octobre 2014 qui a vu la chute de Blaise Compaoré et de son régime[4].

Le régime a bâti sa légitimité sur un système de clientèle et de distributions de prébendes politiques qui lui faisait bénéficier du soutien, ou tout au moins de l’accommodement d’une partie conséquente des populations, en particulier des autorités religieuses et coutumières (Somé 2006 ; Loada 2006). A travers la caution politique de ces personnalités, une sorte de consensus précaire s’était créée autour de la personne du président Compaoré, permettant à celui-ci de sauver maintes fois son régime des mouvements de contestation qui ont agité le pays depuis le début des années 1990 (Harsch 1999 ; Hilgers et Mazzocchetti 2010 ; Hilgers et Loada 2013 ; Bonnecase 2015). Certains de ces mouvements, par leur ampleur et leur intensité[5], ont failli conduire à la rupture du tissu social et de l’équilibre politique.

Le Burkina Faso sous le régime Compaoré se distinguait de ses voisins par la fréquence assez grande des révoltes populaires, mais le pays passait pour un pôle de stabilité dans une sous-région caractérisée par des crises politiques et sécuritaires dans lesquelles Blaise Compaoré s’était progressivement imposé comme l’un des interlocuteurs sérieux, aussi bien dans la résolution des crises politiques[6] (Banégas et Otayek 2003 ; Natielse 2013 ; International Crisis Group 2013 ) que dans la gestion du péril terroriste et/ou islamiste au Mali (Bonnecase et Brachet 2013). Son implication dans la crise malienne en particulier, a été controversée, mais ses accointances supposées ou réels avec les groupes djihadistes avaient préservé le Burkina Faso des attaques terroristes qui, depuis sa chute, s’y intensifient. Dans la tourmente terroriste et/ou islamiste, certains Burkinabè n’hésitent pas à manifester leur regret de l’insurrection et souhaitent voir revenir le président en exil ou son implication dans la gestion de la crise sécuritaire dans laquelle le pays est plongé et face à laquelle le régime Kaboré, malgré d’énormes efforts, n’a pas encore la maîtrise.

Ce retour, à supposer qu’il soit à envisager dans un avenir plus ou moins poche, il ne pourra probablement plus permettre au président déchu d’être un acteur majeur de la scène politique nationale. En effet, le pays a entamé une transition politique qui a abouti aux élections du 29 novembre 2015, remportées par le Mouvement du Peuple pour la Progrès (MPP). Même si le MPP est une aile dissidente du CDP, et que de ce fait même, des doutes existaient sur sa capacité à opérer une rupture et à incarner le vrai changement face aux déboires du régime Compaoré sur la question foncière, l’impunité et la politisation de l’armée, une partie relativement importante de l’opinion a placé sa confiance en son candidat Roch Marc Christian Kaboré[7]. Au moment où le pays se prépare à entrer dans de nouvelles élections le 22 novembre 2020, les recompositions au sein du CDP et la dynamique enclenchée par la classe politique semblent s’opérer sur la base de promesses de rupture et de réconciliation nationale, qui, manifestement, donne peu de chance à Blaise Compaoré pour peser sur la scène politique. Trois figures se disputent son héritage : Eddie Komboigo, président actuel du CDP ; Mahamadi Lamine Koanda qui se réclame membre fondateur du CDP et ami intime de Blaise Compaoré, et Kadré Désiré Ouédraogo, ancien premier ministre de celui-ci. Chacune de ces trois figures politiques aspirait à être le candidat du parti à la présidentielle avec la caution de Blaise Compaoré, président d’honneur du parti. Eddie Komboigo a vu sa légitimité contestée par les deux autres et n’a pu conserver ses fonctions qu’après une longue bataille juridique contre Mahamadi Lamine Koanda. Si Kadré Ouédraogo, qui semble avoir la caution officieuse du président d’honneur, mais dont la popularité est faible par rapport à Eddie Komboigo a démissionné du CDP pour créer son parti en vue d’aller aux prochaines élections, ce n’est pas le cas de Lamine Koanda qui continue de se réclamer candidat du CDP et poursuit la bataille juridique contre Eddie Komboigo. Il lui est difficile de renverser la situation, mais il joue les trouble-fête dans un parti déjà fragilisé par les fragmentations.

Du 15 au 22 juillet 2019, la majorité au pouvoir et les principaux partis de l’opposition, CFOP) ont eu un dialogue dont l’une des conclusions importantes fut l’organisation d’un forum de la réconciliation. Les exilés politiques pourraient y rentrer pour y participer. Cependant, l’exigence de la majorité que la réconciliation se tienne suivant le triptyque vérité-justice-réconciliation, et à laquelle s’est ralliée l’Union pour le progrès et le changement (UPC) de Zéphirin Diabré, pourrait empêcher le retour à court termes du président Compaoré et de certains dignitaires « influents » de son régime.

L’insurrection populaire d’octobre 2014 : la rupture de l’équilibre

Blaise Compaoré avait mis en place un appareil sécuritaire relativement efficace autour du régiment de sécurité présidentiel (RSP) qui était pour lui une arme de dissuasion. Son départ, dont International Crisis Group (2013 : 30) avait averti qu’il pouvait provoquer un soulèvement populaire et une explosion sociale, s’il était mal négocié, suivit du démantèlement précipité du RSP après sa tentative de renverser le régime de la transition, s’est révélé être le facteur déclencheur d’une crise politique et sécuritaire qui s’est progressivement dégradée en raison des hésitations du pouvoir en place, d’une part et de la division de la classe politique dont chaque partie espérait en tirer des dividendes politiques, d’autre part. Les groupes armés terroristes, après avoir échoué à entretenir des accointances avec le régime de la transition, espéraient les rétablir avec le président démocratiquement élu Roch Marc Christian Kaboré. Le refus de celui-ci de renouveler les accointances explique que les groupes armés terroristes aient placé le Burkina Faso sur la liste des pays à attaquer[8], surtout que pour eux, sa capacité de dissuasion militaire était devenue faible avec le démantèlement du RSP.

L’attentat de Ouagadougou, survenu le 15 janvier 2016 a été le premier d’une longue série d’attaques, d’enlèvements et d’assassinats opérés par divers groupes armés (terroristes, djihadistes, banditisme de grand chemin) dans plusieurs localités du Burkina Faso. Les attaques commencèrent avant même que le nouveau régime n’entre en fonction. Une certaine opinion y a vu rapidement la main de l’ancien régime. Elle a pensé que Blaise Compaoré, bien qu’en exil, est resté en contact avec ses réseaux de l’ombre, et organise les attaques en vue de déstabiliser le pouvoir, ou que les terroristes, pour avoir perdu leur allié politique, ont décidé d’inclure le Burkina Faso parmi leurs cibles. La thèse « complotiste » renvoie aussi à d’autres forces diffuses en action contre le pouvoir en place selon certains de ses barons. Dans une interview accordée au magazine Économies Africaines dans le premier trimestre de l’année 2020, Simon Compaoré, président par intérim du MPP soutenait avec force :

« Il est de notoriété publique que l’insécurité a été provoquée pour nous empêcher de gouverner, de dérouler le programme socio-économique du président du Faso. C’est aussi simple que cela. Sinon, comment expliquer cette dégradation aussi brusque et soudaine de la situation sécuritaire de notre pays alors qu’aucun signe d’alerte ne le laissait présager ? Les nouvelles autorités n’avaient pas d’atomes crochus avec les animateurs des filières terroristes […] Le terrorisme au Burkina a été monté de toutes pièces, je le disais, pour assouvir des projets de déstabilisation de nos institutions républicaines »[9].

Simon Compaoré, président par intérim du MPP

Les soupçons des dirigeants actuels semblent découler de deux constats : le silence de Blaise Compaoré devant les attaques de son pays ; la jubilation de ses partisans devant l’incapacité du gouvernement à vaincre le terrorisme et leur promesse de pouvoir mettre fin à cette hydre quand ils reviendraient aux affaires. Certes, les accointances avec certains groupes ou réseaux terroristes de l’ancien régime peuvent alimenter les spéculations sur son éventuelle participation à des entreprises terroristes en vue de solder ses comptes à ses frères ennemis. Mais l’émergence et le développement rapide de certains groupes armés locaux[10] répondent bien plus aux conditions des régions, aux problèmes sociaux liés à la terre, au travail et au pastoralisme » (International Crisis Group 2017 ; Idrissa 2019).

Dans le Sahel par exemple, le terrorisme djihadiste alimente les anciens antagonismes nés des rapports sociaux de domination et d’asservissement liés à l’esclavage. Cette pratique qui est la conséquence de l’émergence entre la fin du XVIIIes et le premier quart du XIXes de pouvoirs peuls et touaregs se réclamant de l’Islam a théoriquement disparu sous la colonisation. Mais elle a laissé des stigmates qui influent encore grandement sur les rapports sociaux. Comme nous l’avons montré dans un article[11], les considérations de classes et de statuts privent les catégories serviles de droits politiques et religieux. Malgré leur supériorité numérique, qui leur permet, grâce à un « vote » servile d’accéder au pouvoir à l’échelle des communes, Rimaïbé et Bella sont toujours maintenus dans un statut de dominés. Nombre de ceux d’entre eux qui se présentent aux compétitions électorales assistent souvent impuissamment à l’invalidation de leur candidature ou au retrait de leur nom de la liste des candidats préalablement retenus pour la compétition, tandis que ceux qui réussissent à travers des alliances ou un soutien politique de taille, à prendre le contrôle d’exécutifs communaux ou à se faire élire député ne sont pas souvent mis dans les conditions de pouvoir « gouverner ». Les alliances ou le soutien politique comportant des clauses de partage du pouvoir, le vote « servile » se trouve dilué, ne laissant pas assez de marge de manœuvre à l’élu et repoussant à demain le rêve d’une conquête du pouvoir et de la « vraie » liberté par les urnes. Très souvent aussi, les tractations dans la répartition des postes dégénèrent, débouchent sur des crises intentionnellement provoquées pour destituer l’élu et le remplacer par un conseiller de la « bonne classe ». On rencontre les mêmes logiques d’exclusion dans la direction des affaires religieuses. Dans de nombreuses localités, la succession en ligne aristocratique religieuse demeure la norme si bien qu’un descendant d’esclave, quel que soit son degré d’érudition ne peut prétendre diriger une mosquée (Kaboré 2016 : 78).

Au sujets des problèmes liés à la terre, il faut souligner la politique de l’agrobusiness, initiée au début des années 2000 et promue sous l’ancien premier ministre Tertus Zongo(2007-2011) sous le slogan « la terre ne ment »[12]. Cette politique qui a consisté à inciter le milieu politique et celui des affaires à investir dans l’agriculture en vue d’accélérer sa modernisation et sa compétitivité, a été à l’origine d’une compétition foncière qui a conduit au déguerpissement de populations et à l’expropriation des terres de paysans. La presse a largement relayé des cas de spoliations foncières dont certains ont connu des suites judiciaires relativement appréciées par les victimes[13]. Aujourd’hui, le terrorisme semble être un des moyens pour de nombreuses victimes de l’expropriation foncière des zones boisées de l’Est, du Sud et de l’Ouest, de se faire entendre.

Il faut comprendre également les conflits intercommunautaires, par exemple les conflits entre agriculteurs et éleveurs, comme des conflits latents du registre du foncier et du pastoralisme qui trouvent leur terrain d’expression dans le terrorisme et le djihadisme. Le conflit intercommunautaire de Yirgou[14], les 1er et 2 janvier 2019, qui a entrainé des dizaines de morts et occasionné de nombreux déplacés, s’explique par la détérioration, avant et dans le sillage du terrorisme, des rapports entre les agriculteurs mossi et les éleveurs peuls. L’assassinat du chef mossi de Yirgou n’a été que le moteur d’un conflit qui était latent. Historiquement, agriculteurs et éleveurs entretiennent des rapports de dépendance réciproque. L’agriculteur pouvait confier son bétail à l’éleveur selon un contrat qui permettait qu’au bout de quelques années, l’éleveur prélève dans chaque troupeau, un nombre fixe d’animaux en récompense aux gardiennages. De même, l’agriculteur profitait du fumier en mettant à la disposition de l’éleveur certains de ses terrains de culture pour la pâture. La pression démographique entrainant un manque de terre, les rapports sociaux s’en trouvèrent affectés. A Yirgou, les deux communautés étaient arrivées à s’accuser régulièrement de vols de bétail et d’appropriation abusive de terres qui laissent peu de place au pâturage. Le terrorisme a trouvé un village sous-tension qui a cédé au « piège identitaire »[15] posé par les terroristes : provoquer des guerres intercommunautaires qui favorisent son expansion.

Les attaques terroristes et djihadistes et les conflits intercommunautaires se combinent pour complexifier la situation sécuritaire. Malgré les opérations militaires d’envergure qui ont été conduites à l’Est et au Nord[16], malgré aussi les actions circonstancielles de la force française Barkane et du G5 Sahel, la situation dans ces régions n’est pas encore sous contrôle de l’armée nationale. En 2020, les attaques se sont accrues et plusieurs villages et hameaux de culture aussi bien au Nord, à l’Est qu’à l’Ouest, se sont vidés de leurs habitants. Selon des estimations récentes du Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (CONASUR), le nombre de déplacés internes est passé de 838 548 personnes en mars à plus d’un million de personnes en août 2020. En moins de cinq mois, plus de 200 000 personnes, y compris des familles de combattants terroristes[17], ont fui leurs villages d’origine pour chercher une protection et une prise en charge dans les camps de déplacés. Les menaces de représailles n’ont jamais inquiété les groupes armés terroristes qui ont presque quadrillé le territoire et intensifié leurs actions, de sorte que de nombreuses zones n’ont pas pu être touchées par les opérations d’enrôlement en vue des élections de novembre 2020. Comme nous le verrons, cette situation soulève aujourd’hui un vif débat sur la tenue des élections de novembre prochain.

Face à la recrudescence des attaques terroristes, accentuée par le grand banditisme, des voix se sont élevées pour décrier le régime en raison de ce qu’elles qualifient comme une incapacité à restaurer la sécurité, et appeler au recrutement et à la formation de volontaires pour renforcer la sécurité dans les zones rurales. Ainsi fut institué le corps des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP)[18] qui devait permettre de rendre légal les groupes d’autodéfense, notamment les Kogolweogo, dont les actes répréhensibles sont régulièrement dénoncés par les populations et les organisations de défense des droits de l’homme[19].

Les Koglweogo ou « gardien de la brousse» en langue moré , ont fait leur apparition en 2015 dans un contexte déjà caractérisé par la « montée du sentiment d’insécurité – alimentée par les divisions apparentes au sein des appareils sécuritaires – et des recompositions politiques » (Quidelleur et Dupuy, 2018 : 3). Considérés comme des milices populaires mossi, les Koglweogo sont, dans la conception de la vigilance civile de Les Johnston (1996 : 226), des groupes paramilitaires constitués sur la base du volontariat, qui visent à lutter contre la criminalité (vols à main armés, braquages) et à assurer la sécurité des populations par l’usage de la violence. Les Koglweogo se sont inspirés de l’échec de la police et de la justice à traiter les affaires de vols et de braquages et ont pu grandir à cause de la crise de l’Etat et de l’affaiblissement de son système sécuritaire.

Initialement tolérés et investis de la mission de seconder les forces de sécurité intérieure dans la dénonciation et la traque des grands bandits, les Koglweogo ont progressivement pris leur distance vis-à-vis de l’Etat pour fonctionner comme une institution parallèle, sinon concurrente des corps de sécurité publique. Ils ont institué leurs propres tribunaux et élaboré leurs propres lois pour juger les coupables présumés ; ils prélèvent également des taxes en violation de la Loi[20]. En raison de leur insubordination et des violations répétées des droits de l’homme[21], le gouvernement, d’abord hésitant, s’est résolu à créer les VDP dans l’espoir de les y absorber. Si certains groupes de Koglweogo ont rejoint le corps des VDP, d’autres continuent de les considérer comme une récupération politique et résistent encore à y entrer. Cependant, Koglweogo et VDP ne sont pas des groupes rivaux. S’ils rivalisent dans le concours qu’ils apportent aux forces armées nationales et de sécurité intérieure dans la défense du territoireet la protection des populations, ils ne se disputent pas les territoires. En fait, il n’y a pas de frontière étanche entre les Koglweogo et les VDP. Le mode opératoire reste le même : l’usage de la violence. Ce qui était reproché aux Koglweogo, et à l’armée et aux forces de sécurité intérieure, à savoir les atteintes aux droits humains est aujourd’hui reprochées aux VDP qui sont régulièrement cités dans des actes de sévices corporels et d’exécutions sommaires.

Malgré les écarts, les groupes d’autodéfense gagnent en popularité au sein de l’opinion. Un sondage d’Afrobaromètre réalisée en décembre 2019 indiquait que 83% des Burkinabè étaient favorables aux initiatives locales de sécurité. Le degré de confiance était de 81% en milieu urbain et 84% en milieu rural[22]. Ce qui implique qu’ils sont devenus des acteurs incontournables dans la production de la sécurité, et vont encore durablement cohabiter avec les forces de défense et de sécurité étatique. Une cohabitation des légitimités qui n’est pas du goût des défenseurs des droits humains, mais qui participe d’une coproduction indispensable de la sécurité en situation de crise.

Les conflits de travail complètent le tableau de la situation politique et sociale du Burkina Faso post-insurrectionnel. Le président Kaboré a inauguré son quinquennat sous des menaces de grèves que les syndicats, de tous les secteurs de l’administration publique, mais aussi du privé, n’ont pas tardé à mettre à exécution. Simultanément ou alternativement, les grèves des syndicats de la justice, des enseignants-chercheurs, de la communication et culture, de la santé, de l’économie et des finances,  de l’éducation nationale, de la police, de l’administration territoriale (corps des administrateurs civils), des transports, de la fonction publique et du travail, des affaires étrangères, etc., ont été particulièrement ressenties par les populations des villes et des campagnes. Ces grèves se distinguaient par leur durée (1 à 3 mois), leur « cruauté » (souvent pas de service minimum), et leur caractère répétitif (elles étaient renouvelées et se chevauchaient). Elles étaient certes des réponses à des préoccupations connues par le pouvoir ou à ses propres engagements vis-à-vis des syndicats. Mais leur ampleur et leur intensité, dans un contexte de diminution des ressources en raison de l’effort de guerre, conduit à dire que certaines de ces grèves visaient des objectifs plus politiques que corporatistes.

Pour mettre un terme au front social, le gouvernement a dû engager dès juin 2018, le processus de réforme du système des rémunérations suivant les principes de l’équité, du mérite et de justice sociale. Mais certains syndicats ayant déjà arraché des acquis importants se sont mobilisés pour faire échouer la réforme. Les syndicats tendent alors à imposer une gouvernance dans laquelle la primauté est accordée à la résolution de la question sociale sans prendre en compte la donne selon laquelle la relance économique est primordiale et d’une urgence indiscutable. En effet, c’est cette relance qui pourrait permettre de retrouver une croissance économique forte, condition nécessaire à la résolution des questions sociales. Les syndicats obligent le pouvoir d’Etat à s’inscrire dans l’ère de ce qu’il convient d’appeler la gouvernance sociale exclusive. Ils poussent le Gouvernement à mettre en place la forme de l’Etat providence sans s’engager résolument dans la production de la richesse qui renforcerait la capacité de l’Etat à jouer ce rôle de Welfare State. On assiste à l’émergence d’un parti politique social qui radicalise les mouvements sociaux et complique par là même le dialogue social.

Le contexte actuel de radicalisation et de surenchère avec la menace de blocages de la machine administrative ne met pas le pays à l’abri des extrémismes. Dans ce contexte, la radicalisation peut être interprétée sous deux angles possibles :

  • Elle est la caractéristique de l’ère du temps. Depuis 2007, l’incivisme va crescendo pour atteindre son paroxysme en 2011 avec les mutineries dans l’armée. Il est le facteur de la radicalisation, du rejet de l’autorité et du non-respect des lois. Si cette hypothèse est vérifiée, on peut travailler à un regain de l’autorité de l’Etat par des actions fortes menées à doses progressives.
  • Elle renoue avec la tradition syndicale des années 1960 et 1970. Dans ces conditions, il faut craindre les manipulations des forces syndicales en présence. Le parti politique social peut être agité et poussé à tenter une alternance violente anticonstitutionnelle.

L’obligation pour le Gouvernement dans pareille circonstance, c’est de mettre en avant le dialogue social, dont la force seule peut ramener la paix. La création en 2017 du Haut Conseil du dialogue social s’est révélée indispensable pour engager un dialogue tripartite (Etat-patronat-partenaires sociaux) selon les recommandations de l’OIT.

Depuis l’apparition de la Covid-19 au Burkina Faso en mars 2020, elles ont diminué d’intensité. Toutefois, elles peuvent reprendre encore plus intensément dans la période préélectorale et se poursuivre l’année suivante, si les concertations que mènent le gouvernement à travers la Primature, les ministères concernés et le Haut conseil du dialogue social (HCDS) n’aboutissent pas à une solution consensuelle.

Crise de la cohésion sociale, controverses et jeux d’influence d’acteurs multiples

La transition a ouvert une nouvelle dynamique politique au Burkina Faso, marquée par des recompositions politiques, l’apparition sur la scène politique d’une multitude de partis politiques et d’organisations de la société civile (OSC) dont le trait commun est leur politisation. En effet, depuis la chute de Balaise Compaoré dans laquelle certaines OSC ont joué un rôle de premier plan, et ont pris part à la gestion du pouvoir d’Etat sous la transition[23], des OSC de type nouveau se créent et n’entendent plus seulement jouer un rôle de contre-pouvoir. Certaines d’entre elles servent de caisse de résonnance de partis politiques qui espèrent trouver de l’audience auprès des jeunes ; d’autres positionnent des éléments dans des regroupements politiques d’indépendants pour la conquête du pouvoir d’Etat.

Le CDP qui a perdu le pouvoir a rejoint l’opposition amputé du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) qui venait de remporter les élections couplées présidentielles et législatives du 29 novembre 2015. Le rapport de force est détenu par deux blocs politiques : d’un côté, le MPP et la vingtaine de parti politiques satellites qui forment avec lui l’Alliance des partis de la majorité présidentielle (APMP) ; de l’autre, les partis politiques affiliés au chef de file de l’opposition (CFOP). Ce groupe compte dans ses rangs des poids lourds comme l’Union pour le progrès et le changement (UPC), deuxième force politique après le MPP ; le Congrès pour la démocratie et le Progrès (CDP), ex-parti au pouvoir qui conserve une influence relativement grande malgré les divisions et tensions qui le minent – nous reviendrons sur ces tensions internes au CDP – et l’ADF-RDA. Disposant de nombreux élus au parlement et dans les exécutifs municipaux, le CFOP incarne, face au MPP et ses alliés de l’APMP, l’opposition véritable capable de constituer une alternative si elle parvenait à s’unir. A côté, il y a les partis politiques dits de l’opposition qui évoluent hors de tout cadre de regroupement formel et dont certains viennent de se regrouper au sein l’opposition non affiliée (ONA)[24]. Les membres de l’ONA, des nouveaux venus dans l’arène politique pour la plupart[25], réclament leur prise en compte dans les concertations politiques entre l’APMP et le CFOP. L’ONA a une visibilité médiatique qui contraste grandement avec sa faible implantation électorale, sa faible représentation au Parlement et dans les exécutifs municipaux. De ce point de vue, on se demande comment elle peut être une force dans le paysage politique et comment elle compte influencer les grands débats qui divisent la classe politique.

Les rivalités politiques nées de l’insurrection populaire et du putsch manqué de septembre 2015 ; les enlèvements et assassinats ciblés de chefs traditionnels, de leaders religieux et d’élus par les groupes terroristes, puis dans une certaine mesure les écarts dans les interventions des forces armées nationales et des groupes d’autodéfense ont fragilisé le tissu social, érigeant la sécurité et la cohésion sociale en argument électoral et de construction de légitimités par des acteurs divers : partis et formations politiques, organisations de la société civile, leaders religieux et coutumiers.

Roch Marc Christian Kaboré, le candidat du MPP aux élections du novembre 2015 a fait campagne sur le slogan théoriquement rassurant et mobilisateur de : « Roch la solution ». Mais une fois élu, le terrorisme et ses corolaires ont mis à rude épreuve son pouvoir. Entre justification de la crise et assurance de sa capacité à la juguler, le « héros tragique », pour emprunter le terme d’Edouard Ouédraogo[26], n’a fait que nourrir les critiques sévères de l’opposition politique sur sa gestion de la crise sécuritaire. Ainsi, selon Zéphirin Diabré, la dégradation de la situation sécuritaire serait imputable au pouvoir qui, non seulement, n’a pas su anticiper la menace, mais en plus, l’a sous-estimée lorsqu’elle fut réelle, préférant chercher des boucs émissaires en accusant l’ancien régime plutôt que de mettre en place une stratégie intelligente articulée sur une vision très claire et pilotée par des hommes compétents pour pouvoir faire face au péril[27].

Alors que de nombreux Burkinabè espéraient une union sacrée de la classe politique, capable de les rassembler autour des forces armées nationales et des forces de sécurité intérieure, ils sont déçus de constater qu’elle semble plutôt être préoccupée par les élections. La sécurité et la réconciliation sont devenues pour toutes les formations politiques des enjeux électoraux. Le MPP et sa majorité se projettent dans une victoire prochaine qui leur permettra de réconcilier les Burkinabè. L’opposition politique dans sa diversité ne cesse de tirer à boulet rouge sur le pouvoir, lui imputant les défaites militaires, l’insécurité grandissante, la détérioration de la cohésion sociale. La situation politique et sociale lui apparaît comme une occasion idéale pour récolter des dividendes. Chaque parti politique de l’opposition évoque ses atouts et se présente comme l’alternative face à ce qu’il appelle l’échec du pouvoir du MPP. Zéphirin Diabré président de l’Union pour le Progrès et le changement (UPC) déclare à cet effet :

«… nous sommes le seul parti à même de réussir la réconciliation nationale. Nous pouvons travailler avec le MPP à gauche et le CDP à droite. C’est notre histoire qui le permet. Nous avons été insurgés avec le MPP et nous sommes aujourd’hui dans l’opposition avec le CDP. Nous sommes au centre du jeu politique. Nous pouvons rassembler tout le monde. Personne mieux que nous ne peut organiser une table ronde sur la réconciliation qui ait du crédit »[28].

Zéphirin Diabré, président de l’Union pour le Progrès et le changement (UPC)

Des partis politiques de l’opposition dont certains sont membres du CFOP, regroupés au sein de la Coalition pour la démocratie et la réconciliation nationale (CODER) mettent en balance le MPP et l’UPC, rappellent constamment leur responsabilité dans l’insurrection populaire qui a divisé le pays. La CODER rejette l’offre de réconciliation de l’APMP, soutenue par l’UPC qui met la justice au centre, et propose une justice transitionnelle qui, elle, reconsidère la place de la justice punitive. Les divergences de points de vue entre les partis membres de la CODER et l’UPC témoignent des conflits de leadership et des jeux d’intérêt qui traversent le CFOP et le discréditent aux yeux de l’opinion.

Quand on sait qu’au sein du Parlement, les députés dépassant leurs clivages et autres considérations politiques pour adopter à l’unanimité des lois sur des sujets controversés comme celui des VDP[29] ou encore la question du report des législatives de novembre 2020, approuvé par tous les groupes parlementaires[30], il apparaît que les divisions souvent affichées sont artificielles. Ce qui peut dénoter une collusion entre le pouvoir et des partis membres du CFOP et qui justifie que la société civile, notamment les chefs traditionnels, veulent arbitrer le jeu politique ou prendre en charge le sujet de la réconciliation.

Ils sont encore nombreux les Burkinabè qui pensent que la chefferie traditionnelle est l’une des institutions les plus fiables, surtout dans les situations de crise. Selon l’enquête Afrobarometer portant sur « Les opinions des burkinabè sur la chefferie traditionnelle » réalisée en 2010 par le CGD, la majorité des Burkinabè considèrent que l’institution traditionnelle représentée par les chefs coutumiers a plus de crédibilité que les institutions modernes (pouvoirs publics). 78% font confiance en l’autorité coutumière en campagne contre 63% en ville[31]. Ils leurs attribuent des missions de conciliation et d’arbitrage et s’opposent à leur implication dans la politique active ou partisane. Les résultats de l’enquête Afrobarometer de 2014 indiquent un taux de désapprobation de l’engagement politique partisan des chefs traditionnels de 61%.[32]. Même si leur rôle ambigu et leur soutien au pouvoir en place a contribué à l’érosion de leur influence, les chefs traditionnels conservent encore une grande légitimité face à l’image de « corrompu » projetée sur les élites politiques. C’est ce qui explique que le Palais du Moogonaaba (le souverain de Ouagadougou) soit devenu lors de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, et lors de la crise du Coup d’Etat manqué de septembre 2015, l’unique lieu de refuge et de pourparlers pour les principaux protagonistes de ces crises ; c’est ce qui explique aussi que certains de ces membres soutiennent avec force leur capacité à restaurer le dialogue et la cohésion sociale[33]. Cet optimisme se fonde en partie sur un héritage historique que rappellent Magloire Somé et Benoist Beucher.

Depuis la période coloniale en effet, les « chefs traditionnels » se posent volontiers en figures morales, dépositaires des vertus liées à des traditions, dont religieuses, maintes fois réinventées. Ils tirent en partie de cette position de surplomb moral de leur longévité en tant qu’institution et ce, sur fond de « modernité insécurisée » (Bréda et al., 2013) et de crises socio-politiques récurrentes dans l’Etat postcolonial (Somé, 2003 ; Beucher, 2017& 2019). Ceci a fait de ces chefs, en particuliers des naaba, en pays mossi, des figures centrales dans la résolution ou la prévention des conflits, tandis qu’ils continuent d’influer sur les processus de formation et de construction d’une communauté nationale qui est certainement avant tout émotionnelle (Anderson, 2002). On ne sait pas encore si la classe politique sera acquise à l’idée de « déléguer » le processus de réconciliation aux religieux et coutumiers. Mais si cette option venait à être privilégiée, elle comporte des risques d’une dévalorisation des institutions conciliatrices de l’Etat moderne que sont le haut conseil pour la réconciliation et l’unité nationale (HCRUN), le Médiateur du Faso et le Conseil économique et social (CES) entre autres.

Source: https://goreeinstitut.org/publication/perspectives-politiques-dans-les-pays-du-sahel-burkina-faso-niger-mali-et-senegal/


[1] Mars 1966, février 1974, novembre 1980, novembre 1982, juillet 1983 et octobre 1987 correspondent aux dates de ces changements anticonstitutionnels.

[2] Créée en avril 1989, ODP/MT regroupait de petites formations de la gauche révolutionnaire, notamment l’UCB, l’OMR et des dissidents du GCB.

[3] Le CDP est créé le 5 février 1996 et succède à l’ODP/MT qui a fusionné avec 13 partis politiques de diverses tendances.

[4] Sur la chute de Blaise Compaoré, voir Bonnecase (2015).

[5] Il s’agit de l’assassinat, le 13 décembre 1998 du journaliste Norbert Zongo et de ses trois compagnons, et de la mort en 2011 de l’élève Justin Zongo de suite de torture policière. Ces deux événements malheureux ont été à l’origine de mouvements protestataires sans précédent que le régime de président Compaoré ait eu à affronter avant l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre qui a finalement conduit à sa chute.

[6] On retient ses interventions dans la crise togolaise en 1996, la crise ivoirienne de 2002 à 2010, ou

Encore de la crise guinéenne en 2008.

[7]Il a été élu dès le premier tour à 53, 49% selon les résultats provisoires de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) validés par le Conseil constitutionnel. L’absence d’alliances et les rivalités au sein de l’opposition politique ont sans doute contribué à sa victoire dès le premier tour. Par exemple, les rivalités internes au CDP n’avaient pas permis à Kadré Désiré Ouédraogo de déposer sa candidature. La scission actuelle du parti est en partie liée à cette crise qui couvait depuis 2015 liée au désir d’affirmation d’Eddie Komboïgo et au refus de son leadership par les tendances blaisiste et kadréiste.

[8]Christophe Ayad, « Le président burkinabé met en cause les « collusions » de son prédécesseur avec les djihadistes », Le Monde Afrique, 06 novembre 2017 : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/11/06/le-president-burkinabe-met-en-cause-les-collusions-de-son-predecesseur-avec-les-djihadistes_5210917_3212.html.

[9]Cf. Économies Africaines – Spécial Burkina Faso, n°10, Avril-juin 2020, p.35.

[10] Pour comprendre les conditions locales d’émergence des groupes armés locaux se revendiquant de l’islam, voir : Koudbi Kaboré, « Islam, foulanité et terrorisme au Burkina Faso : les identités piégées », Sidwaya, n°9184 du mardi 14 juillet 2020, pp.8-9. Une version en ligne de cette tribune est accessible sur : https://www.sidwaya.info/blog/2020/07/13/islam-foulanite-et-terrorisme-au-burkina-faso-les-identites-piegees/.

[11]Kaboré Koudbi, 2015, Le vote captif, le pouvoir par les urnes chez les catégories serviles du Nord du Burkina (article non publié).

[12]Du titre du film documentaire réalisé et diffusé en plusieurs tranches sur la télévision publique burkinabè en 2008 pour la promotion de l’agro-business par le gouvernement.

[13] Pour certains de cas, voir : Boureima Ouédraogo, « Détournement de parcelles au Burkina Faso ou violation d’une chose sacrée: la terre »,wordpress, 26 novembre 2011 : https://bomino.wordpress.com/2011/11/26/detournement-de-parcelles-au-burkina-faso-ou-violation-dune-chose-sacree/.

[14] Ce qui est maintenant connu sous l’appellation de « drame de Yirgou » a débuté par une attaque djihadiste du groupe Ansaroul islam le 31 décembre contre la communauté mossie du village. Cette attaque a fait 6 morts dont le chef du village. En réponse à cette attaque, les Mossis, sous la conduite de leur groupe d’autodéfense, les Koglweogo, ont organisé des représailles contre les Peuls qu’ils ont accusés d’être les complices des terroristes du groupe Ansaroul islam. 

[15]Koudbi Kaboré, « Islam, foulanité et terrorisme au Burkina Faso. Les identités piégées », op.cit., p.8.

[16] Après l’Opération « Otapuanu » (pluie de feu en langue gourmantche) de mars 2019 à l’Est, l’Etat-major des armées a lancé l’Opération « Doofu » (déraciner en langue peule) pour le Nord en mai 2019.

[17]Même s’il est difficile d’identifier ces personnes, des témoignages révèlent que certains combattants conseillent à leurs familles  de rejoindre les camps de déplacés en vue de leur sécurité et de la subsistance. Cela rejoint une des conditions du combat telles que définie par l’idéologie djihadiste : le combattant doit disposer de ressources suffisantes pour mettre sa famille à l’abri de tout besoin. Pour ceux qui s’engagent dans le jihad et qui ne remplissent pas cette condition, une manière détournée consiste à renvoyer les femmes et les enfants dans les camps de déplacés pour leur prise en charge par l’Etat.

[18] La loi instituant les Volontaires pour la défense de la Patrie (VDP) a été adoptée à l’unanimité par le Parlement le 21 janvier 2020.

[19] Dont le Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peoples (MBDHP) et Human Rights Watch.

[20] Lors de sa conférence de presse tenue à Bobo-Dioulasso le dimanche 3 avril 2016, le chef de l’Etat Roch Marc Christian Kaboré a dénoncé les dérives des Kogolweogo et les a implicitement exhortés à agir dans les cadres légaux : « Nous sommes en République, personne n’est au-dessus des lois. S’ils doivent eux-mêmes rendre justice, prendre des taxes, je pense qu’ils seront traduits devant la justice […] En ce qui concerne l’État, nous n’allons pas laisser se poursuivre les dérives qui vont à l’encontre des droits de l’Homme […] Il faut des passerelles pour qu’ils comprennent que leur rôle n’est pas d’être des justiciers ou de prendre des taxes » : Cf. : Benjamin Roger, « Burkina : Soro, Zida, les « koglweogo »… Ce que Roch Kaboré a dit sur les sujets qui fâchent », Jeune Afrique, 04 avril 2016 : https://www.jeuneafrique.com/315482/politique/securite-diplomatie-soro-zida-ce-que-roch-kabore-a-dit-sur-les-sujets-sensibles.

[21] Leur mode opératoire consiste entre autres à infliger des châtiments humiliants comme la séquestration et les sévices corporels qui vont parfois jusqu’à causer la mort aux coupables d’actes criminel ou de vol.

[22]Ignace Ismaël NABOLE, « Afrobaromètre 8e tour : 83% des Burkinabè favorables aux initiatives locales de sécurité », Burkina24, 28 juin 2020 :https://www.burkina24.com/2020/06/28/afrobarometre-8e-tour-83-des-burkinabe-favorables-aux-initiatives-locales-de-securite/.

[23] Sont de ces OSC le Balais citoyen, le Collectif anti-référendum (CAR) et le Mouvement du 21 avril.

[24] Créée le 26 avril 2020, l’ONA, selon ses animateurs, regroupent un ensemble de partis politiques qui ont régulièrement déclaré leur appartenance à l’opposition, mais ne veulent ni s’affilier au chef de file de l’opposition, ni à l’Alliance de la majorité présidentielle.

[25] 5 des 7 partis politiques qui forment l’ONA sont apparus dans le contexte ouvert par la transition politique.

[26] Parlant du président Roch Marc Christian Kaboré à l’émission Tapis d’honneur de la Radio nationale (RTB/Radio) du 30 mai 2020 dont il était l’invité.

[27] Économies Africaines – Spécial Burkina Faso, op.cit., p.38.

[28] Économies Africaines – Spécial Burkina Faso, op.cit., p.39.

[29] La loi sur les VDP a été adopté par tous les députés et n’a fait l’objet d’aucune abstention, alors que des partis membres du CFOP affichaient publiquement leur opposition à la création de ce corps qu’ils considéraient comme une milice de plus.

[30] Le 06 juillet 2020, les députés ont approuvé un rapport de l’Assemblée nationale préconisant le découplage des élections couplées présidentielle et législatives et le report des législatives d’une année, soit en novembre 2021. Alassane Bala Sankandé, qui a présenté le rapport au chef de l’Etat a justifié ce report par l’insécurité qui n’a pas permis de rendre effective l’enrôlement dans certaines localités et qui empêcherait plus d’une cinquantaine de députés (sur les 127 que compte le parlement) de battre la campagne. La proposition des députés a été rejetée par les chefs des partis, qui accusent les députés de vouloir profiter de la situation sécurité pour se donner une année supplémentaire. Le sujet continue de diviser la classe politique.

[31]Afrobarometer Briefing Paper n°.79, January 2010, p.2.

[32]Loada Augustin, « Les Burkinabè Préfèrent l’Impartialité Politique de Leurs Chefs Traditionnels », Afrobaromètre.  Note Informative n°150, décembre 2014, p.3.

[33]Pacéré Frédéric Titinga, in  Le Monde Afrique, « Au Burkina, la chefferie traditionnelle peut restaurer le dialogue et la cohésion sociale », 23/01/2020 :https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/01/23/au-burkina-la-chefferie-traditionnelle-peut-restaurer-le-dialogue-et-la-cohesion-sociale_6026979_3212.html.