Démocratie, gouvernance, droits humains, corruption : le score mitigé du Sénégal

Le rapport final du monitoring de la Stabilité institutionnelle récemment publié par le Gorée Institute révèle une note hybride pour le Sénégal en ce qui concerne les dimensions Démocratie, Gouvernance politique et droits humains. En effet, la composante dimension « Démocratie et Gouvernance politique » est créditée d’un score positif mais moyen, soit 2.67/5. Un score qui laisse perplexe au regard de la faiblesse de la séparation des pouvoirs ? Cette faiblesse relativise ainsi la consolidation du modèle démocratique sénégalais car ce principe de base demeure peu visible.

Si l’on s’intéresse à la sous-dimension « effectivité de la séparation des pouvoirs », elle créditée d’un faible score, soit 2.42/5. Un score qui crédibilise l’interférence du pouvoir exécutif dans les affaires judiciaires, ainsi que les accusations d’une justice à deux vitesses, celle consacrée à protéger les proches du pouvoir et l’autre destinée aux citoyens ordinaires et membres de l’opposition.

Le document publié par l’Institut panafricain de renseigner en outre que la sous-composante « participation de la population à la prise de décision » est créditée d’un score moyen de 2.77/5. Celle-ci gagnerait à être renforcée par la sensibilisation et la démocratie participative. Tout de même, elle a permis d’aboutir à deux alternances politiques pacifiques : celle de 2000, avec l’arrivée de Abdoulaye Wade au pouvoir et celle de 2012 correspondant à l’élection de Macky Sall comme président de la République du Sénégal. Cependant, sa fonctionnalité reste entravée par le non-respect des principes et des pratiques politiques peu conformes à l’esprit démocratique.

Pour la sous-dimension « compétition équitable pour la conquête du pouvoir », le Sénégal a obtenu un score moyen de 2.71/5. Même si globalement tous les acteurs participent à toutes les élections qui sont organisées dans le pays et supervisées par la Commission Electorale, Nationale Autonome (CENA), il existe des contraintes relativement à l’instauration du système de parrainage et de caution empêchant des leaders de formations politiques à participer, de façon concurrentielle, aux joutes électorales, des problèmes d’accès de toutes les sensibilités politiques aux médias publics, comme la RTS 1, (Radiotélévision sénégalaise) dominés par le pouvoir. Cela relativise l’équilibre entre les forces politiques en compétition. Les barrières dressées contre des opposants au pouvoir justifient les efforts à effectuer pour une justice et équité dans la conquête du pouvoir.

Si les populations approuvent relativement la démocratie et la gouvernance par leur implication à la prise de décision, la bonne gouvernance démocratique n’est pas seulement une affaire de processus, elle suppose non seulement l’effectivité de la séparation des pouvoirs mais la garantie des droits humains, des libertés et du pluralisme (médiatique, libre accès aux différents médias pour tous, associatif, syndical, etc.)

Des acquis sont notables dans le pays pour cette dimension, reste à diversifier les moyens et améliorer les dispositifs pour prévenir les conflits.

La dimension « Droits de l’homme et Règles de droit » est également créditée d’un score moyen, soit 2.57/5. Un score redevable à la faiblesse de l’efficacité des normes, des garanties des droits de l’homme et à la mauvaise gouvernance. Pour la sous-dimension « Efficacité des normes politiques et mécanisme de bonne gouvernance », le score attribué est négatif, soit 2.48/5. Ce score s’explique par les problèmes liés à l’inefficacité des normes politiques et des mécanismes de bonne gouvernance.

Le Sénégal est dans la zone rouge en matière de lutte contre la corruption. On note un manque d’effectivité des normes et surtout des sanctions d’où le reproche d’une justice à deux vitesses et sélective. En matière de bonne gouvernance, les mécanismes mis en place, tels que l’OFNAC (Office National de Lutte contre la Fraude et la Corruption), la CREI (Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite) butent sur un manque de volonté politique pour l’application des sanctions ou la transmission à la justice les dossiers relatant des cas de fraudes, suite aux enquêtes effectuées par des institutions de contrôle.

La sous-dimension « Garantie des droits de l’Homme » est créditée d’un score positif, mais moyen, soit 2.65/5. Ce score va dans le sens de l’existence d’un cadre institutionnel (Conseil constitutionnel) garantissant la protection des droits humains dans une démocratie, avec des organismes de défense des droits de l’homme, la promotion des droits humains et la garantie des libertés publiques à l’image de la RADDHO (Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme) qui s’active pour le respect de l’indépendance de la justice et un procès équitable pour tout citoyen, La Ligue Sénégalaise des droits de l’Homme (L.S.D.H), l’Observatoire National des Droits Humains (ONDH), Amnesty International, Y’En a marre (mouvement), etc.

La sous-dimension « Efficacité des services publics » est également créditée d’un score moyen, soit 2.56/5. Malgré des ressources mises en œuvre pour leur efficacité durable, les services publics demandent une meilleure coordination, une vision intégrée, moins de distance et d’opacité vis-à-vis des usagers et surtout faire en sorte que l’on réduise les multiples rigidités de la gestion.

Au regard de la dimension « Droits de l’Homme et règle de droit », le constat est que le Sénégal, en dépit de ce cadre juridique et institutionnel qui fonctionne relativement bien, n’est pas complètement hors de danger de la zone de perturbation liée aux conflits.