Les facteurs socio-économiques de l’instabilité institutionnelle en Afrique

En Afrique, les facteurs socio-économiques de l’instabilité institutionnelle tiennent essentiellement à l’échec de la construction nationale. Car la colonisation avait déconstruit les nations en gestation dans les sociétés traditionnelles du fait de nouvelles frontières qui seront consolidées à la faveur de la décolonisation. A cela, s’ajoute la mauvaise stratégie des jeunes Etats africains qui ont fondé la construction nationale sur une politique centralisatrice tendant à gommer les différences et les particularismes. L’autre facteur d’instabilité institutionnelle est la stratégie contre-productive consistant à favoriser l’exacerbation des références ethniques ou communautaires dans tous les pays africains. La Guinée est l’exemple typique de ces pays minés par les pratiques tendant à exploiter des sensibilités ethniques à des fins électoralistes. 

Dans l’identification des facteurs sociaux de l’instabilité institutionnelle, il faut aussi mentionner la responsabilité des acteurs politiques dans l’instrumentalisation des réflexes communautaires soit pour conserver le pouvoir, soit pour y accéder. La gestion partisane des ressources nationales fait également partie de cette catégorie de facteurs sociaux d’instabilité. On note ainsi la généralisation des convulsions communautaires en Casamance (Sénégal), les conflits interreligieux au Nigeria, les changements constitutionnels pour limiter les droits des immigrés d’accéder à la nationalité et à la participation politique en Côte d’Ivoire, une opposition entre le nord et le sud au Mali et au Niger, et des conflits entre éleveurs peuls et agriculteurs au Burkina Faso.

Tous ces facteurs ont des conséquences sur la démocratie et la légitimité des institutions. En effet, si les dérives régionalistes et ethnocentristes polluent le débat politique au Bénin, le vote ethnique reste une réalité en Guinée. Les prémices de cet inquiétant repli identitaire ont été constatées aussi au Sénégal lors de la présidentielle de 2019. Au Togo, des candidats du Sud ont été interdits de battre campagnes au nord. Au Liberia, c’est l’affaissement de l’Etat avant la réconciliation. Les cas de crise institutionnelle consécutive à l’instrumentalisation et aux réflexes communautaires sont notés également au Burundi, au Rwanda et en Côte d’ivoire. Le Sénégal s’est fait distinguer dans l’exclusion de certaines composantes, notamment les jeunes. Ce qui a été à l’origine des évènements malheureux de mars 2021 qui ont fait une vingtaine de morts.

A côté des facteurs sociaux, il y a les facteurs économiques de l’instabilité institutionnelle. En effet, l’état de pauvreté endémique du continent africain est dû au fait que le pouvoir est devenu un enjeu économique. L’Etat contrôlant les ressources, par conséquent l’accès au pouvoir est devenu synonyme d’accès à la ressource économique. Le Niger sous Tandjan, les mouvements rebelles en RDC et au Liberia et les trafics dans le Sahel sont de parfaites illustrations. Par ailleurs, la pauvreté est associée à une corruption endémique, avec les services publics qui offrent des prestations à des citoyens consommateurs disposant d’un pouvoir d’achat. L’exclusion de la majorité des citoyens engendrent aussi des troubles sociaux générateurs de crise institutionnelle. C’est d’ailleurs un facteur explicatif de la contestation des régimes autocratiques dans les années 90.