Mali : les faiblesses d’une gouvernance sécuritaire

C’est un score négatif (2.39) qui est attribué à la gouvernance sécuritaire du Mali dans le rapport final du Monitoring de la stabilité institutionnelle récemment publié par le Gorée Institute. En effet, il dénote que si la crise sécuritaire, notamment la rébellion armée et la montée en puissance du terrorisme dans le septentrion malien par un conglomérat d’acteurs armés, est pour beaucoup dans la délégitimation du régime d’ATT entre 2011 et mars 2012, il faut dire que l’origine des griefs qui alimentent la violence remonte à un passé lointain avec des facteurs souvent combinés : corruption, laxisme, situation économique dégradée. Elle résulte d’un processus qui s’inscrit dans des dynamiques de conflictualité parfois si lointaines qu’il est difficile de les dater.

Dans un tel contexte, l’intensification de la violence, telle qu’observée au cours des précédents mois, éloigne les perspectives de paix et compromet davantage la cohésion sociale fragilisée depuis 2012. Cette intensification de la violence est à la fois le résultat de facteurs structurels de vulnérabilité et de déclencheurs qui se sont progressivement mis en place dans le pays depuis des décennies.

La crise politique et sécuritaire de 2012 en a été avec d’autres évènements des éléments catalyseurs. Les violences qui en résultent sont multiples et complexes, elles sont le fait de groupes armés isolés, de mouvements signataires le plus souvent exprimés sur le registre inter et intracommunautaire, de mouvements non signataires ayant des revendications à caractère islamique. Elles sont également le fait de groupes armés. Ces multiples violences ont des répercussions directes sur les populations et la cohésion nationale. En l’absence de traitement par le droit, elles génèrent des frustrations ainsi qu’un sentiment d’injustice pouvant conduire à un cycle de violence, tout en écartant les voies endogènes de dialogue et de paix.

Les questions relatives à la justice, à la vérité et à la réconciliation sont vastes, complexes et d’une grande sensibilité. Les difficultés posées par la mise en œuvre effective de la justice, le traitement de la vérité et des victimes méritent d’être remises en perspective, à la lumière des réalités et des attentes exprimées par les populations. Le dispositif de justice transitionnelle a été mis en place progressivement depuis 2013. Les négociations d’Alger, démarrées en juillet 2014, ainsi que la conférence d’entente nationale ont donné l’opportunité d’ouvrir la réflexion sur la question. Et bien que le format de la conférence d’entente nationale n’ait pas permis la mise en place de véritables ateliers de travail et d’échanges approfondis entre les participants sur la question, plusieurs dispositifs en matière de justice sont validés et inscrits dans la loi d’entente nationale ainsi que d’autres discutés depuis Alger, dans l’Accord pour la Paix (article 46).

L’absence d’administration publique dans les régions occupées du Nord a empêché l’Etat d’assurer son rôle régalien à savoir la protection des droits de la population. Les violations dans le cadre des droits de l’Homme sont devenues une habitude rendant encore plus complexe la vie dans les zones à risque de menaces. En effet, ces problèmes ont favorisé la survenance de nombreuses violations de droits de l’Homme commises par des bandits armés de tous genres et des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) sur des populations, sévissant ainsi en toute impunité et traumatisant les couches les plus vulnérables de la société à savoir les femmes et les enfants. Fort également d’une diversité culturelle due à la présence de nombreuses ethnies sur son territoire, le Mali se voit en proie à des conflits intercommunautaires ou ethniques. Au cours de cette période de crise, de nombreux débats sur la préservation des droits de l’Homme ont pris les devants dans les cadres de concertation nationaux et internationaux. Des dispositions de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali issu du processus d’Alger en passant par différents rapports d’organismes nationaux ou internationaux, des réflexions convergeaient toutes sur la protection des droits de l’Homme dans les différentes localités les plus touchées. En effet, les mécanismes de gestion et de résolutions des conflits qui sont au centre de la problématique de la récurrence de ces conflits font que l’insécurité chronique qui prévaut dans certaines régions du Mali (Mopti, Tombouctou, Gao, Kidal) doit être éradiquée impérativement. De même, le pays entier est préoccupé par le problème du Nord et attendait un règlement pacifique et démocratique dans les meilleurs délais.

Depuis son accession à l’indépendance, le Mali est le théâtre de crises récurrentes dans sa partie septentrionale. La plus récente, qui a atteint son paroxysme à partir de mars 2012, a fortement ébranlé les fondements de l’Etat et eu des répercussions directes sur toute la zone sahélo saharienne. La profondeur et la complexité de la situation occasionnèrent une intervention de dimension régionale (CEDEAO) puis internationale (Opération Serval, MINUSMA, BARKANE…). L’engagement de toutes ces forces et organisations concourt aujourd’hui à la stabilisation du pays aux plans institutionnel, politique, sécuritaire et économique. Au terme d’un long processus de négociation, un accord servant de cadre pour le règlement définitif de la crise a été paraphé à Alger, le 1er mars 2015, puis signé les 15 mai et 20 juin 2015, à Bamako. L’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali issu du processus d’Alger est le couronnement de neuf mois d’intenses, voire laborieuses négociations.

 Au regard de la dernière évaluation, le Mali n’a pas réalisé des progrès conséquents son score étant passé de 2.2 à 2.3.

Source : Rapport Monitoring Stabilité institutionnelle 2021 Gorée Institute