Sahel : pour une gouvernance articulée à leurs aspirations et pour l’élargissement des espaces civiques, femmes et jeunes au-devant des luttes

En tant que groupes sociaux longtemps exclus du jeu politique et de l’exercice du pouvoir, les femmes et les jeunes leaders subissent avec plus d’acuité les contrecoups du rétrécissement des espaces civiques. Ils paient un prix élevé à la répression politique et au blocage des transitions politiques alors qu’ils devraient être de puissants agents de transformation sociale et politique, eu égard à leur rôle dans les conquêtes démocratiques dans le passé comme aujourd’hui. L’histoire sociopolitique du Burkina Faso, du Mali, du Niger et du Sénégal reste marquée par des dynamiques de mobilisation politique et d’engagement citoyen, portées par des femmes et de jeunes leaders pour revendiquer plus de liberté, une réponse appropriée à leurs aspirations sociales et pour leur prise en compte dans des politiques sociales efficaces et adaptées devant être avant tout guidées par le principe de la bonne gouvernance.

Les femmes et les jeunes ne restent pas dans un état d’apathie face au rétrécissement des espaces civiques. Ils ne sont pas restés figés dans un cynisme et un désenchantement inhibiteur vis-à-vis de l’État, de la société, des familles, des communautés, des partis politiques, etc.  
Au Sahel, les femmes et les jeunes ont fait montre d’une farouche opposition et d’une vigoureuse contestation des processus de réduction des espaces civiques. Ils ont ainsi été dans une posture de dénonciation de tout ce qui ne va pas (pillage des ressources, domination néocoloniale, violences basées sur le genre, déficit de représentation politique, etc.) et d’énonciation de propositions pour une gouvernance articulée à leurs idéaux et leur désir de changement. Les pays du Sahel ont donc vu ces dernières années la floraison de mouvements citoyens et l’avènement de dynamiques de mobilisation sociopolitique, animés par des femmes et des jeunes pour non seulement exprimer leur soif de plus de démocratie, de paix et de développement et de lutte contre la corruption.

Que ce soit au Burkina Faso (Balai citoyen), au Mali (Mouvement du 5 juin ou M5), au Niger (Alternative espace citoyen, Mouvement pour une citoyenneté responsable, etc.), au  Sénégal (Y’en a marre, FRAPP France Dégage, Arr linu Bokk, M23, Forum civil, Africtivistes, etc.), ces mouvements citoyens sont devenus des forces dans les épisodes de mobilisation socio-politique, à l’occasion de contestations politico-électorales, de manifestations de rue pour dénoncer des dérives politiques et pour demander des solutions aux problèmes sociaux ou pour revendiquer des espaces socio-politiques apaisés qui passent notamment par une farouche lutte contre les modifications constitutionnelles à des fins partisanes.

Les mouvements citoyens ont éclos et se sont développés dans un contexte de perte de confiance des jeunes notamment vis-à-vis des partis politiques. Une telle désaffection les a surtout conduits à de nouvelles formes d’engagement à travers les mouvements citoyens ou bien la création culturelle et l’expression artistique. Une autre partie des jeunes a opté pour des engagements dans des actions de citoyenneté au quotidien et par des actes civiques (rénovation d’écoles, lutte contre l’insalubrité, campagnes de levée de fonds à travers les réseaux sociaux pour réaliser des actions de charité, protection des groupes vulnérables comme les enfants, les femmes victimes de violence, nouvelle mode au Sénégal des cagnottes virtuelles de financement pour soutenir des causes politiques ou des individus perçus comme persécutés par l’État, etc.).

Les mouvements de résistance sociopolitique et d’affirmation citoyenne qui contribuent à une reconfiguration et une recomposition du paysage sociopolitique ont ainsi tiré profit des opportunités qui confèrent aux jeunes et aux femmes leur maîtrise des technologies de l’information et de la communication. Leurs stratégies de mobilisation, leur rayonnement, la diffusion de leurs slogans et leur organisation territoriale reposent pleinement sur l’usage stratégique des réseaux sociaux. Au Sénégal par exemple, lors des émeutes de mars 2021, le hashtag « free Senegal » a ainsi résonné comme un puissant outil de ralliement et de mobilisation.

Les dynamiques de mobilisation citoyenne restent fondés sur une puissante instrumentalisation des réseaux sociaux (Whatsapp, Twitter, Facebook, Youtube, Tik Tok, Snapchat) qui deviennent ainsi de redoutables outils de dénonciation, d’indignation et de d’alerte (plateforme des lanceurs d’alerte). En période de mobilisation et de lutte, ils deviennent ainsi des moyens capables d’infléchir les positions des gouvernements et de les amener à réagir. La mobilisation des femmes et des jeunes peut être envisagée fondée sur des dynamiques de « e-contestation » et d’une citoyenneté numérique qui sont en train de transformer en profondeur les stratégies de mobilisation dans les pays sahéliens.

La mobilisation contre les affres du blocage socio-politique et de l’isolement diplomatique au Mali, la contestation ayant précédé le retour à un ordre militaire vecteur d’une régression démocratique au Burkina Faso, les initiatives de la société civile du Niger contre le durcissement du climat politique et la répression des initiatives citoyennes, les émeutes de mars 2021 au Sénégal qui y ont mis en relief les fissures dans la « citadelle démocratique » sur fond « d’incertitude constitutionnelle », toutes ces luttes au-devant desquelles on retrouve des femmes et des jeunes déterminés à se battre pour la  stabilité sociopolitique, la pacification  des espaces politiques, la fin des inégalités et de la violence, plus d’avancées démocratiques, bref la fin de la mauvaise gouvernance, témoignent des capacités d’actions des jeunes et des femmes au Sahel. De plus, les mobilisations portées par des femmes et des jeunes militant discrètement et animées par une volonté d’impulser par le bas un changement positif, gagnent de plus en plus du terrain.